Chronique de Concert
Cheveu + Frustration
Bon, pour nous, ça a commencé vachement moins arty, avec une ballade pittoresque dans les environs hostiles, entre cible en carton pour carabine affûtée et bidons d'essence sur vêtements taille 3 ans ; un peu plus loin, un homme bronzé au mazout nous regarde l'il torve pendant qu'il arrose son lopin de terrain vague. Nous décidons donc de laisser notre ami à la stature imposante et au jet d'eau fébrile poursuivre tranquillement ses petites activités, et nous partons s'en jeter un p'tit à la Guinguette Chez Alriq, peinardos, au bord de l'eau. Les gros boum-boum en continu nous font comprendre que le relais balance-concert n'est pas loin de s'opérer, et avec la curieuse impression de partir en tecknival, nous voilà à couper à travers champ, écarter les ronces avant de s'épousseter consciencieusement pour pénétrer le haut lieu barricadé de la Caserne Niel. Tellement surveillé qu'on ne peut pas faire un pas de travers sans se heurter à un homme en noir ou des barrières grillagées. Un bar central, quelques hangars vaguement exploités en work shops et performances éparses ; au fond, une scène et un ingé son visiblement sourd.
On s'en fuit vite du virage de droite où un cabanon propose un machin crust Beaux-Artzien criard-expé moche et même pas en rythme. Et même dans ce cabanon type clodo-chic où le chanteur à l'allure BatCave Goéland s'excite drôlement, le son est monstrueusement fort. On n'insiste pas. En plus, il fait une chaleur à crever et à se soûler à la flotte.
Il fait encore jour quand le premier groupe joue. Le programme annonçait Yussuf Jerusalem . Putain, si c'est eux, que leur est-il arrivé ? On aurait dit un groupe de MJC, malmené de surcroît par un son monstrueux de festival que la foule absente ne pouvait assourdir. Ça cuisait l'insolation et ça sentait le Ever Fallen in Love , des Buzzcocks salement plagié, contrastant avec la richesse plus subtile du myspace. M'enfin, peut-être qu'après tout, c'était bien un groupe de MJC.
Mention spéciale pour le splendide fond d'écran Windows qui sera projeté TOUTE la nuit, mais que fait la police du bon goût? Allez, les oscillogrammes verts sur Cheveu , ça tient à peu près la route. Mais les ciels bleus derrière Frustration ?!
Revenons à notre chronologie musicale ; s'en suit The Cavaliers , groupe surf parisien, über parisien, voilà je crois que tout est dit. C'est bien, carré, charismatique, élégant, swinguant, et ils le savent. Du type "nous on s'est habillés pour venir vous voir, même si on savait que vous mettriez vos tongs".
Cheveu . Moi j'aime. Malgré mes boules quiès immanquablement vissées au creux de mes tympans. Le chanteur torture ses machines en proie à de véritables crises hallucinatoires ; il ne chante pas mais dévie en imprécations, les mains crispées, l'il fou et la bouche tordue en une mixture anglo-cobalienne.
Et là-dessus, de très bons riffs et des ambiances atmosphériques finement ciselées. Forcément des types qui s'appellent Cheveu et qui mettent dans leurs influences cinématographiques, Dumb&Dumber et Salo ou les 120 journées de Sodome , ça peut faire peur.
Surtout dans une caserne militaire désaffectée. Heureusement que l'ambiance ‘babas-bobos-tongs au pied-et plan à la main' nous ramène à une douce réalité, rassurante et conventionnelle.
Mais moi j'aime bien les groupes qui jouent dans les casernes désaffectées et les prisons (maison d'arrêt de Bois-d'Arcy en octobre). Et j'aime pas les tongs.
Frustration .
Frustration joue sur scène du Frustration sur disque. Même s'il existe peu de lieux qui se prêtent aussi bien à ce genre de musique, froide et lancinante, mécanique et acérée, Frustration joue du Frustration . Même rythme, même anti-gestuelle, qui s'accompagnent en plus de galères sonores.
La voix de Nicus (singer oï des Teckels ) ne s'entend pas et finit par saturer, accompagné d'un trop plein de véhémence qui la rend irritante sur leur pourtant chef d'uvre Too many questions . Ils ne manqueront pas de la jouer à la fin de leur set, suscitant l'engouement de la foule acquise d'avance, mais beaucoup moins le mien : on entend à peine le clavier, affublé d'un son ridiculement ludique, et la substance de la chanson qui se dévoile comme une véritable autopsie n'est pas respectée, elle s'effeuille dans la précipitation, bâclée par l'enthousiasme du public.
Les cinq parisiens jouent davantage les pépites de leur premier album éponyme, plus noir, plus brut, que Relax . Mais point d'énergie punk comme dans Faster ; les chansons ne débordent pas, et la statique des Frustration laisse un peu sur sa faim.
Rive droite, rive gauche. Réverbères, clapotis de l'eau moite et endormie. Acouphènes_
Critique écrite le 07 juillet 2010 par odliz
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