Chronique de Concert
Christophe Leloil & Rob Clearfield
Le Roll'Studio fait partie de ces lieux magiques et précieux à Marseille dans lesquels j'aime beaucoup me rendre. Et c'est avec stupéfaction que je réalise que je n'y étais pas venu depuis décembre 2021, pour les excellents Bloom (voir la chronique par ici). Peut être est ce pour cela que sur le chemin j'avais l'impression de faire un pèlerinage. Le traversée du Vieux Port (sur un côté que je ne fréquente pas vraiment), le grand comptoir de paris qui me rappelle les petits déjeuner matthewsiens d'antan, la remontée sur la droite pour rejoindre l'Hotel Dieu, et puis les barrières pour accrocher mon vélo au pied de la montée des Accoules, la montée de celle ci ....
Je suis un peu en retard, mais il fait encore jour ...je croise quelques touristes qui ne parlent pas en français. Ce qui me saute aux yeux cette fois c'est la mosaïque type " invaders " (pour savoir si c'en est une vraie il faudrait que je repasse avec les enfants et l'appli sur le téléphone de svet) juste à côté de laquelle il y a aussi un de ces " coeurs anarchistes ", ce portrait de Charles De Gaule, ce serpent aztèque ... j'avais déjà trouvé cela ridicule à Paris, mais je n'avais pas réalisé que Marseille était touchée aussi ... bref, je passe devant le fantôme de la grotte des accoules qui me rappelle de bons souvenirs (voir les chronique par ici), je regarde les panneaux avec messages optimistes / sympathiques, les tags pas forcement inspirés sur les murs et ceux au sol dénonçant le tourisme de masse ... En pensant à cela je me dis que la seule chose qui me différencie des touristes c'est sans doute mon rythme de marche, pressé de rejoindre le Roll's.
Au moment où je pousse la porte de cette façade familière derrière laquelle s'échappe le son d'une trompette non moins familière, je suis un peu déçu de ne pas voir l'ami Claude. Je fais la connaissance visuel du nouveau (pour moi) barman avec Claire ce soir. Au bar par contre, je reconnais Henri, et en contrebas je suis ravi de reconnaitre le profil de Anna. A la pause je retrouverai d'autres amis devenus des habitués du lieu depuis qu'ils habitent par ici.
Bref, parlons un peu musique. Ce soir je suis là parce que c'est la dernière de la saison, mais aussi parce que c'est un duo proposé et avec Christophe Leloil que j'ai toujours grand plaisir à écouter, quand il joue comme quand il chante, accompagné du pianiste américain (from Chicago) Rob Clearfield. Depuis que je suis rentré (et que j'ai arrêté de me déplacer à vive allure) tous mes pores, dans une tentative louable de faire descendre la température de mon corps, se sont mis à suer. Il fait chaud. Je remarque l'absence du chat au dessus des marches.
Le morceau sur lequel je viens de rentrer est une compo de Christophe, il s'agit de Le Val Vert, l'occasion de faire un clin d'oeil au batteur (originaire de Chicago aussi mais désormais sudiste) Famoudou Don Moye présent dans le public. Du haut des marches je suis assez vite capté par la douceur et la beauté de leur duo. A côté d'un Christophe droit comme un i je découvre un pianiste qui joue avec grâce et simplicité, renvoyant l'impression d'une facilité déconcertante.
Quelques mouvements de tête mais pas de grimaces ou de chant entre les dents comme certains, juste des notes qui s'envolent comme des bulles de savon portées pas un légère brise (ça doit être le globe à la couleur changeante dans le fond qui m'influence). C'est déjà l'heure de la pause, au cours de laquelle je discute de musique mais aussi du choc des générations particulièrement visible en tant qu'enseignant dans le supérieur. Je regarde un peu les disques de Rob (celui de Christophe je l'ai) dont un beau vinyle qui fait envie.
A la reprise les deux musiciens partent sur un morceau que j'aurais bien de qualifié de " free " (en tout cas ma vision du free) puisque les deux me donnent l'impression de jouer chacun un truc dans son coin, qui se croisent de temps en temps. Après le " merci, merci, bonjour, bonjour, bonsoir, bonsoir " de Christophe marquant la reprise officielle de ce deuxième set, je descendrai les quelques marches pour me caler au fond à gauche debout contre le mur de pierres certes irrégulier, mais bien frais.
A la fin du morceau, Christophe demande à 2 dames du premier rang qu'est ce qui semble leur poser un problème (en effet elles venaient de se mettre à discuter à voix haute pendant la fin du morceau). Et l'une d'elle d'expliquer qu'elle trouvait que cela ne se faisait pas d'applaudir pendant les morceaux alors que les musiciens sont encore en train de jouer ?!? Et Christophe de lui expliquer patiemment qu'on peut et que ça se fait même assez souvent après un solo dans le jazz.
Après cette discussion qui finira par " on fait un débat ou on joue ? ", il nous expliquera que le morceau qu'ils viennent de jouer s'appelle Lu et (approuvé) et qu'ils l'avait joué pour la première fois dans le cadre d'un concert du JAM hors les murs à l'atelier Seving Doering. C'est vrai que le cadre était chouette là bas (voir la chronique par ici).
Puis ils poursuivront en alternant compos de Rob comme Fields, Vagabond ou encore the well (" ça va finir en scrabble ! ") autant d'occasion pour Christophe de parfaire sa prononciation et pour Rob d'apprendre du vocabulaire, et morceaux de Christophe au titres parfois très imagés comme ce La gazelle et le planti... plein de contrepoints, qu'ils ont joué pour la première fois récemment à Istres et dans lequel il est question d'un ours fan de Charlie Parker..
J'ai fini par aller m'asseoir sur une des chaises libres au fond à droite d'où je voyais un peu moins bien Rob. Mais je pouvais laisser libre cours à mon imagination. Je me suis mis à repenser à ce premier concert de jazz à new york, à l'époque où je n aimais pas le jazz, surtout à balais, et surtout en plein jetlag. Ce soir je suis bien, comme souvent quand je viens ici. Il ne manque manque que Svet, retenue par son attelle, avec qui j aurais aimé partager ce moment ...
Sur scène la trompette rugit. " Vous avez faim ? ". C'est vrai que ça commence à sentir la pizza. Short song. Les deux jouent comme si ils avaient toujours joué ensemble. Ma chaise grince quand je bouge. Je cours après mes pensées fugaces, un peu comme en ce début d'année où je m'amusais à consigner dans un cahiers les bouts de rêves dont je me souvenais au réveil. Là, pensant à ce que je vais écrire dans cette chronique, j'essaie de rendre conscient ce qui ne l'est pas tout à fait.
Du coup je me mets à voir / provoquer des images un peu absurdes. J'imagine des lettres de scrabble en train de tomber dans un puit (cf ci dessus), me renvoyant au domino volé dans ce ciné concert joué par Uli Wolters à la Meson (voir la chronique par ici) dont les images défilent maintenant dans ma tête mais avec la musique que j'entends maintenant, ce qui fonctionne très bien aussi.
C'est déjà la fin du concert, la fin de la saison aussi, que nous fêterons autour d'une coupe de champagne offerte par Claire. Ceux qui ont pris la formule avec pizza s'en délectent et pour ma part, ayant reçu un message de Guillaume m'invitant à aller voir la fin du match toulouse - la rochelle je file au Morrison's sans demander mon reste (quel finish !). En récupérant mon vélo je vois l'enseigne du Bobolivo au loin,qui lui aussi me renvoie de bien agréables souvenirs ... quelle belle journée !
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Critique écrite le 18 juin 2023 par Pirlouiiiit
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