Chronique de Concert
Christophe
La Coopérative de mai, Clermont-Ferrand 25 février 2002
Critique écrite le 28 février 2002 par Pierre Andrieu
Le concert commence par un long morceau jazzy où Christophe est prostré sur un orgue. Il est de dos, à peine éclairé, mystérieux, il ne joue pas une note, laissant ses musiciens "travailler" seuls. Les éclairages sont très réussis, la mise en scène aussi : un rideau de tulle, sur lequel des projections se succèdent, est placé devant les musiciens. Réussi, mais inquiétant : il va rester de dos et muet pendant deux heures ? Non ! Heureusement, car "J'aime l'ennui", mais... Christophe entonne ensuite le premier titre de son dernier album, "Elle dit, elle dit, elle dit...", il triture sa voix et prend un ton plaintif très convaincant, on souffre avec lui. Cheveux blonds plaqués, veste avec des reflets violets, pantalon moulant, santiags, énorme bracelet : aucun doute, un latin lover s'est glissé discrètement dans la salle, saurez-vous le reconnaître ?
Comme au "Grand échiquier" de Jacques Chancel, les onze musiciens restent immobiles et en retrait, laissant Christophe tout seul au premier plan. Je ne suis pas fou de cette disposition scénique mais il paraît que ça se fait dans la variété : nous assistons à un concert de Christophe avec son orchestre et non pas au spectacle d'un groupe. Au fond de la scène, je reconnais le duo violoncelle/violon qui avait officié derrière Kat Onoma et Brigitte Fontaine, ils sont décidément très demandés. Normal, ils sont bons ! Lors de cette première partie où "Aline" sera interprétée à la grande joie de tout le monde, le son est un peu trop variétoche à mon goût. Je pensais que l'amitié avec Alan Vega du groupe Suicide de ce grand amateur de 78 tours, allait le conduire à une mise en son plus déjantée et plus éloignée des enregistrements studio. On pense à Michel Berger pour tel son de clavier, à Renaud pour un son de guitare électrique, ma voisine évoque, elle, un relent de Laurent Voulzy. Pas très classe !
Par contre, si les arrangements sont moyens, la voix de Christophe est intacte, toujours aussi émouvante, on oublie donc le reste. Après un entracte, Christophe revient un peu plus décontracté, il se risque même à dire quelques mots sur son amour de la vitesse après le titre "Enzo" dédié à M. Ferrari. Comme c'est une première mondiale, il a un peu de mal à se souvenir des textes, il se sert donc d'un grand carnet noir où figurent les paroles. Tout au long de la soirée, il y aura quelques flottements bien naturels pour un premier concert : problèmes de micro, volume trop faible des guitares, oubli des paroles, nevermind... Les chansons sont bien présentes : pendant "Les paradis perdus", je suis au septième ciel, cette chanson est proprement bouleversante. Et voilà, je suis conquis ! Je ne devrais pas dire ça : ma crédibilité n'est plus qu'un lointain souvenir. Il y a une loi selon laquelle on ne peut pas aimer à la fois la variété, la pop de qualité et le punk rock. Rien à foutre ! Pour paraphraser Stupeflip, je hurlerais avec force et détermination : "à bas la hiérarchie entre les genres musicaux !"
Ladies and gentlemen le clou de la soirée arrive : un mime digne de l'émission de Patrick Sébastien nous inflige 10 minutes de roulage de pelle entre deux masques de Christophe, c'est bien fait, l'illusion est au rendez-vous mais, comment dire, on s'en branle un peu, quoi ! Le côté mégalomane de Daniel Bevilacqua ressort encore en pleine lumière. Déjà, les fonds de scène avec la silhouette immense de sa tête (la pochette du disque) dans laquelle tourne un 45 tours et une pin-up, c'était un peu limite... Peu de gens osent cela, lui, si ! Au moins, il avance à visage découvert, il se montre comme il est.
Un peu plus tard, il nous chante "Merci John d'être venu" une chanson qui raconte un mariage qui tourne mal : le fiancé se fait piquer la mariée par John Lennon. Ma voisine, qui elle aussi est venue seule, me raconte qu'elle a croisé Christophe à un mariage mais qu'elle n'a pas osé lui parler, pétrifiée par l'enjeu. Dans la réalité, il paraît que Christophe s'est comporté comme un gentleman, enfin, mieux que le chanteur des Beatles ! La mélodie fascinante de "Mots bleus" retentit alors, je crois bien que je suis heureux, je souris comme un idiot. J'adore cette chanson depuis la reprise de Bashung mais le problème, c'est que le son du synthé rappelle inexorablement l'intro de "The final Countdown" du groupe Europe, une référence en matière de ringardise. Je vous demande de vous arrêtez tout de suite de massacrer cette chanson signée Jean-Michel Jarre pour les textes et Christophe pour la musique. En fait, il s'agit de l'intro du "Dernier des Bevilacqua" où un emprunt aux "Mots bleus" vient surprendre l'auditeur. "Je lui dirai les mots bleus, les mots qu'on dit qu'avec les yeux..." Oh, putain, c'est trop beau, sacré Jean-Michel Jarre ! Le texte est, certes, un peu ringard mais la musique de Christophe est tellement bouleversante, il la chante avec une telle conviction (ce soir, à genoux, prostré) que c'est magnifique, tout simplement. La version est très proche de celle enregistrée en 1974 mais on oublie tout devant tant de beauté... Le groupe étire la version au maximum, Christophe quitte la scène et revient 4 ou 5 fois sous un tonnerre d'applaudissements. les gens se lèvent même et viennent lui serrer la main chaleureusement comme des groupies un peu âgées.
Les rappels sont touchants de simplicité, Christophe prend une guitare et joue deux chansons, il est tellement ému qu'il arrive à peine à jouer, il s'excuse et part de sa démarche extra terrestre. Sur l'écran géant le générique défile et se termine par "copyright Christophe 2002". Je m'en serais voulu de louper cette soirée... Je crois que je suis devenu fan : seule la chanson "Succès fou" m'a laissé indifférent ce soir. Messieurs les censeurs, bonsoir, vous auriez dû venir !
Critique écrite le 28 février 2002 par Pierre Andrieu
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