Chronique de Concert
Chrysta Bell
Avec des pré-réservations proches du néant, on aurait pu s'attendre à un concert quasi intimiste, mais il faut croire que la curiosité n'est pas un si vilain défaut que ça puisque la salle s'est, en réalité, très honorablement remplie de cinéphiles et mélomanes, venus découvrir une artiste méconnue en France et écouter, en chair et en notes, celle que l'on décrit - et qui se revendique -, comme l'égérie de David Lynch, avec qui elle a collaboré sur la BO de Inland Empire et sur l'album This Train sorti en 2011.
En parfaite lubie lynchienne, Chrysta Bell ne monte pas sur scène, elle apparaît. Créature sanglée dans un imper noir, juchée sur des talons vertigineux, visage robotique de poupée de cire et bun travaillé laissant s'échapper quelques mèches rebelles et sensuelles. Elle a cette allure à la fois architecturale et fragile, glaciale et touchante de Rachel dans Blade Runner.
L'atmosphère est délibérément sombre et on entend le vent souffler depuis de longues minutes quand elle libère enfin les premières notes, mélancoliques et planantes, de Real Love, d'une belle voix grave.
On ne va pas tergiverser, tout le monde est à peu près immédiatement subjugué, bouche ouverte, sous le charme de cette voix venue d'ailleurs, torride et lancinante à la fois. Et les choses ne s'améliorent pas du tout lorsque, d'un geste, la Bell fait tomber son imper pour dévoiler un corps parfait, emprisonné dans une robe ultra moulante, déploie sa longue crinière incandescente et s'adresse au public avec une voix d'une sensualité à se damner. "I had this feeling about the show tonight", "I know you're worth it". Il n'y a pas à dire, elle sait comment s'y prendre!
Sa musique est cardiaque, on est porté par les pulsations - basse/batterie - lentes et répétitives et par la fluidité sanguine du chant. C'est, dans une veine trip-hop, beau, minimaliste et mystérieux. On ne peut pas vraiment s'empêcher de penser à Massive Attack (Friday Night Fly) ou à Portishead (Swing with me).
Malheureusement, les titres s'enchaînent de manière un peu décousue, et la qualité est loin d'être égale. A l'écoute de Right Down to You, pourtant le premier morceau qu'elle a écrit avec Lynch, j'ai l'impression d'entendre Whitney Houston, puis, sans transition, on passe à des morceaux plus rock, à un Be-Bop-A-Lula sorti d'on ne sait où et sans grand intérêt... C'est vraiment dommage parce que le début du concert était littéralement envoûtant.
Dommage également, le parti pris de Chrysta Bell de mettre autant en avant sa personne, un peu au détriment de sa musique. On ne peut pas lui en vouloir de chercher à recréer physiquement une atmosphère onirique et à pallier l'absence d'images et de vidéos par une gestuelle aussi énigmatique que langoureuse (d'autant qu'elle n'aurait pu trouver salle moins sexy et moins poétique que le Poste à Galène) mais elle tombe rapidement dans le travers qu'on craignait de devoir lui reprocher, être trop et perdre en crédibilité.
De fait, elle vocalise avec emphase, surjoue sa sensualité, n'arrive plus à s'exprimer avec une voix normale. Caricature d'elle-même, elle en devient un peu agaçante... et petit à petit, de sublime, complexe et troublante créature lynchienne, je finis par ne plus voir en elle que la bombe rousse de Tex Avery... ce qui, avouons-le, compromet un peu l'émotion... Cela dit, je ne lui rends pas totalement justice en disant cela car elle chante effectivement comme un rêve, selon les termes employés par Lynch lui-même, et son album recèle quelques très jolies perles.
Critique écrite le 27 décembre 2012 par Mai-lan
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