Chronique de Concert
La Coupure (soirée de soutien au Vortex)
Soirée de soutien au Vortex, ce vendredi soir, l'aimable agenda origami-artistique qui nous tient au courant de tous les concerts underground auxquels on a généralement pas la force d'aller ! Avec qui ? Avec La Coupure, bien connus de nos services ! Ce duo très bruyant et très classe, les deux R, Roland batterie/claviers/voix et Rudy guitare/potards/voix. Première gageure du chroniqueur, c'est quel style ? Sont-ils du genre pointilleux, "ben c'est évident : on fait du post-kraut avec une grosse influence indus-noise, et une touche de shoegaze-punk mélodique... t'es con ou bien" ? Pas de bol, aucune indication sur leur présence online...
Mais en fait on pense qu'ils s'en foutent, qu'ils ne se fatigueraient pas eux-même à ça : style trop hybride, trop riche pour s'enfermer dans une ou même trois cases. Ce qu'on peut dire sans se tromper c'est que La Coupure est un vrai groupe de pédales, alors ça oui ! 14 à eux deux, si on a bien compté. Qui construit ses morceaux sur une base à peu près irrésistible : d'abord une boucle simple, un riff, puis ça monte, puis des fois l'un chante, ou l'autre crie, rarement les deux, ça monte encore, des bruits s'ajoutent, ça culmine et ça s'arrête au meilleur moment, 3 minutes max, quand on est franchement en train de décoller très haut, aïe.
Alors qu'on pourrait en écouter certains pendant 10 à 15 minutes tant on trippe, les morceaux sont trop courts et manifestement ça fait partie de leur plaisir, à ces 2 'R' sadiques, de les COUPER au meilleur moment. Et bim, voilà qu'on a craqué le code du nom du groupe, sans faire exprès ! Leur art est aussi là, à savoir arrêter leurs morceaux au pire moment ! Mais ça n'est pas négociable, La Coupure est un groupe très coupant, dont acte. Ça marche comme ça dès les premiers morceaux (relativement, plus calmes) et jusqu'aux derniers (totalement, hypnotiques et jouissifs).
Prenez Morohime qui ouvre : on laisse d'abord s'épanouir une boucle orientale, qui monte doucement, histoire de faire gentiment décoller. Mais qui monte haut dans les tours, déjà. Et puis bim, la coupure. Pile au moment où on était en train de hurler un nom de bière au bar pour se faire entendre. Et on recommence, sur un autre sujet. Dans mes notes plutôt indéchiffrables, au hasard, vers le milieu du concert : "comme une reprise des Cure jouée par des punks derrière la porte des chiottes !". Faut-il préciser que c'est donc sublime ? Rare autre moment lisible à la fin : un titre "tartagueule metal noise indus". Ca devait être bien saignant aussi ...
Avec des voix dans des chambres d'échos lointaines ou bien tout à fait crues dans le micro, des sons de guitare compressés/tiraillés ou au contraire brut de décoffrage : avec tant de pédales et de potentiomètres, ils font ce qu'ils veulent évidemment, c'est varié et ultra-travaillé, c'est très fort en décibels sans jamais que ça sature : la classe. Rudy n'est pas ingénieur du son pour rien... Vrombissements étranges au clavier, batterie claque-fesse, guitare vrillante, parfaitement mixés, ça fait vraiment du bien, ça vous décrasse parfaitement les oreilles, des graves aux aigus, et pourtant sans aucune douleur...
On reconnait à peine les titres qu'on connaît pourtant pour la plupart (eh oui, on avait déjà le disque, après vérification) : le problème est que sur disque ça sonne vraiment deux tons plus calme et plus propre, ça nous avait donc peu marqué... Alors que sur scène, tout ou presque vous attrape, vous secoue, vous soulève et/ou vous pète à la gueule. Par moments ça nitwite un peu d'ailleurs, si vous voyez... Et à la fin il y en a de franchement terrifiants : Kraut Rock et Behind the Door, selon la set-list : 2 putains de bombes, rhaâââ ! Mais pas moyen de vérifier, ces choses-là ne sont pas en ligne ni sur disque, faut les mériter en live, ah mais !
Et sinon le bar des 9 Salopards ? Bien, comme toujours, l'endroit a souvent changé de noms (petite nostalgie de l'époque Motörhead, pas du tout de l'époque biker), mais au final on y a vu plusieurs "petits concerts" excellents au fil des années ! Avec cette équipe, accueil aimable et bonne audition au bar - la tenancière arrivant à décrypter des commandes que je n'entendais pas moi-même en les hurlant ! Et ce soir la salle est comble (40 personnes dedans, autant voire plus dehors) : espérons que ça leur rapporte un peu de cash, en plus de celui fléché sur les vaillants petits punks-plieurs du Train en Marche.
Agréable réminiscence : à un moment donné, dans le bruit et la fureur, entouré de visages familiers, et la salle un peu enfumée, on se dit que ça nous rappelle la Machine à Coudre ... et c'est pile là qu'entre J2P, ça s'invente pas ! Souvenirs, souvenirs. En tout cas ce sont les mêmes personnes sur scène, dans le public, dehors... Et pour ambiancer le tout, un duo fantastique et lui aussi pleinement ancré dans l'histoire du rock underground de Marseille. Les 5 étoiles, on ne les lâche pas comme ça et ce n'est pas un hasard !
On laissera néanmoins Odliz et Emma, vaillantes activistes au Vortex et ailleurs, continuer la bande-son. Mais on en repart avec un merveilleux ver d'oreille : Nuit Blanche, de Vive la Fête ! Merveilleuse soirée donc. Longue Vie au Vortex !
Setlist :
Morohima
Craked Kraken
Billy
Yaourt Nature
Amicalement vôtre / Twin Pax
Pop
Minibrute
Jet / Son of himself
Kraut Rock
Behind the Door
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Critique écrite le 12 février 2023 par Philippe
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