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Chronique de Concert

Daniel Darc

Daniel Darc en concert

Collège des Bernardins, Paris 7 décembre 2011

Critique écrite le par

Ecrin de choix pour un concert de Daniel Darc, le Collège des Bernardins de Paris (ancien bâtiment religieux, récemment réhabilité) est un lieu à la fois inattendu pour un concert non religieux (comme son nom l'indique), et à la fois raccord avec ses ambitions - une ouverture sur le monde de l'art mis face aux questionnements de la religion (ou le contraire). Bref, y programmer un chanteur, même protestant, mais qui termine chacun des ses albums par un psaume, ne paraît pas complètement stupide.


Si en plus c'est un chanteur qu'on adore, peut-être le dernier d'une génération de géants décadents et habités (Gainsbourg, Bashung etc), et dont les albums sont régulièrement bouleversants, il n'y a pas à hésiter. On traverse donc sans discuter la magnifique salle des colonnes d'en bas (où est prévu le concert de Noël des amis des Bernardins), puisque le Tatoué va jouer deux étages plus hauts, lui, dans l'auditorium sous les toits : une jolie salle sous le toit pointu, toute en longueur et qui se termine par une magnifique rosace.


La configuration du concert de ce soir, qui débute une tournée liée au joyau La Taille de Mon Âme, est un "trio acoustique"... En trichant un tout petit peu : un musicien sera brièvement remplacé par Laurent Marimbert, compositeur principal des musiques du disque, et un technicien manie discrètement et dans l'ombre, un laptop pour quelques rares sons enregistrés et non joués live. Quoi qu'il en soit on serait venu voir Daniel Darc aussi seul avec un ukulele ou un melodica, sans aucun problème.


Avec sa diction d'abord hésitante, on se demande quelques instants s'il ne serait pas dans un mauvais jour (il dira lui-même en rigolant qu'il n'arrive pas à être génial aujourd'hui, au rappel), mais sa parfaite précision à l'harmonica lève tous les doutes possibles : pas génial peut-être, mais pas diminué non plus par une substance quelconque. Quand le groupe joue les magnifiques compositions, surtout des trois derniers albums, quand les lumières (sublimes dans cet endroit) s'agitent, quand Daniel Darc chante ou scande, la magie est instantanée et la chair de poule, jamais loin.


Plus rien puis Serais-je Perdu, on est d'abord épaté par les lumières et les arrangements soyeux (et différents des version studio), avant que La Pluie qui Tombe nous rappelle qu'on est bien venu voir un chanteur d'exception - et aussi un déconneur qui annonce souvent un titre, pour en jouer un autre. "C'était mieux avant" précède par exemple les assez optimistes C'est moi le printemps et J'irai au Paradis. Plus intense et lente, LUV en duo avec son pianiste, discret et parfait par ailleurs. Et puis Je me souviens, je me rappelle, qui me fait vibrer jusqu'à la chair de poule, comme d'habitude...


Plus hésitante, Inutile et hors d'usage, dont il semble que les paroles soient un peu passées cul-par-dessus-tête, et Scenic Railway de Gainsbourg, très bien chantée - Darc est un diesel, mais une fois à plein régime, on ne l'arrête plus, même s'il a toujours l'air sur le point de tomber sur les fesses. Sur Ca ne sert à rien, comme sur pas mal d'autre, le chanteur pousse les refrains à coup d'harmonica qu'il sort de ses poches de veste, tandis que le pianiste joue de la flute traversière d'une seule main (bel exploit !)


Suit son Elegie, étrange chanson jouée en plus, dans une étrange version, et Seul sous la lune, pas la plus marquante sur l'album, mais où apparaît le fameux compositeur Laurent Marimbert (après que les musiciens aient rappelé au chanteur de l'inviter d'un ton amusé - il l'avait zappé). Pianiste dont le toucher délicat la rend très belle, tout comme la mélancolique Vers l'Infini, enchaînée après la présentation de son petit groupe. Et une belle cerise inattendue sur le gateau : Il y a des moments, sortie des limbes de Nijinsky, album injustement méconnu ...


Enchaînée avec la superbe C'était mieux Avant!, comme pour rappeler sa vie d'avant sa résurrection (et d'avant sa Victoire de la Révélation de l'Année ?!) : avec l'éclairage rasant et changeant, même la rosace derrière lui semble se mettre à vibrer. Plus ancienne encore, Cherchez le Garçon , qui twiste toujours plus de trente ans après son écriture ! Et pour se faire pardonner ce péché bénin, enchaînement de Sois sanctifié et du Psaume 23, toutes deux poignantes et incarnées, bible à la main.


Rappelé vigoureusement après sa première sortie, il blague un petit peu, nous fait crier très fort, puis sort la grosse artillerie, avec (à mon goût) son morceau le plus bouleversant, Jamais, Jamais, et nous achève avec La Taille de Mon Âme, qu'il n'aurait soi-disant pas eu le temps d'apprendre (il s'en sort pourtant parfaitement, devant les têtes qui oscillent au rythme de la valse). Et sur ce dernier moment de grâce, il sort après avoir scandé quelques vers de People have the Power : 1 h 30 d'un très beau concert, sans doute pas son meilleur, mais largement assez intense pour avoir fait vibrer son auditoire, et ce encore bien après la dernière note...


Photos : comme j'ai pu, de loin avec un compact...
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