Chronique de Concert
D'Aqui Dub vs Nicolas Dick + Fillette (Festival Chhhhhut)
Proposition audacieuse que celle de hier soir, tentée par le Mystic Punk Pinguin, activiste de la scène rock bien connu, notamment pour l'agenda des concerts LiveinMarseille.com qu'il tient à jour depuis le siècle dernier. Marier, et un soir d'OM-PSG pluvieux encore, le dubfolkcitan de D'Aqui Dub avec le rock indus de Nicolas Dick, tête pensante de Kill the Thrill. La bourrée occitane contre le tonnerre des enfers, Nine Inch Nails rencontre l'Oustau Dau Pais Marselhes, Killing Joke provoque en battle Le Cor de la Plana : de quoi faire des étincelles !... sans encore savoir ce qui pouvait en émerger, tant certaines créations/rencontres peuvent parfois tomber un peu à plat ? Tant parfois les gens jouent les uns à côté des autres mais pas vraiment ensemble ?
Cela dit un papier élogieux sur les répétitions de la création dans la Marseillaise avait achevé de nous donner envie... Première belle surprise en arrivant (un peu tard, à la toute fin de Fillette) : la Machine à Coudre est putain de bondée ! L'armée du public rock habituel, harmonieusement mélangée avec la galaxie de l'Occitanie, le tout mixé à un bon paquet de curieux judicieusement attirés par une campagne de harcèlement médiatique mené, notamment, par notre photographie Pirlouiiiit auprès de la moitié de Marseille. Peut-être 150 personnes ? En tout cas de quoi ne pas boire la tasse pour l'organisateur. Ou alors, plutôt une tasse de cervoise, il me semble...
Le groupe du jour commence donc son set devant une salle archi-pleine, au point qu'il est difficile d'y voir quelque chose autrement qu'en grimpant sur les tables et les tabourets. La grosse machine ainsi créée marche au diesel : d'abord tranquille, elle s'ébroue tranquillement sur les premiers titres, montant gentiment en puissance. Morceaux pas tout de suite chantés, pas tout de suite guitarisés (on parle de guitare électrique à l'oreille mais c'est bien une minuscule mandoline qui donne cet énorme son !), beats pas tout de suite agressifs : tout le monde reste calme et boit frais... De quoi renvoyer, temporairement, les moins curieux en bas au bar. Pour ma part, bien harponné, je m'accroche sans effort : dès que la voix de Arnaud "fou rire" D'Aqui Dub retentit, de toutes façons, je sais que toute résistance sera inutile.
Qu'il chante en arabe ancien, en provençal ou en toute autre langue improbable, son timbre fascine, tout comme son charisme nonchalant (Merci à toi, public féru de poésie persane !). De son côté, Nicolas Dick n'en fait pas des tonnes, se contentant de nappes de guitares telluriques, mais mixées (avec raison !) un peu en retrait. Par contre, son influence s'entend très bien aussi dans les beats, de plus en plus méchants, envoyés par le machiniste à l'ordinateur, et par un réglage général du son nettement plus vrombissant que celui de l'ordinaire occitan - à l'exception de Mutacion Nacion, qui est toutefois lui-même déjà un groupe mutant...
Bien sûr, les titres les plus immédiatement frappants (désolé, pas de set-list et je ne connais pas bien les originaux de D'Aqui Dub) sont ceux qui tendent vers l'électro : de l'électro produite avec un bouzouki, une clarinette, une voix sépulcrale et lancinante et une guitare, pardon, mais ça déboîte autrement que celle cliquée par un simple branleur de mulot ! Et donc à la clé, quelques beaux moments de transe qui prennent la salle toute entière, hurlante et sifflante, suivis par des morceaux en apparence plus calmes, mais systématiquement en trompe-l'oeil pour qui sait tendre l'oreille et s'accrocher aux branches - parfois c'est la clarinette, qu'il fallait suivre pour décoller !
Car au final, pas un morceau qui ne finisse par vous envelopper le coprs et le cerveau, pas un titre à enlever de cette incroyable set-list ! Même ceux un peu plus lents, comme celui qui conclut la partie principal du concert : il parvient peu à peu à me vriller les nerfs et le cerveau, et finit par faire trépigner l'assemblée entière comme une zombie walk en train de s'ébranler. Et dans un ensemble de très bon niveau, au moins 3 morceaux littéralement à tomber par terre : merde, désolé, je ne suis pas venu assez souvent cette année à la Machine pour pouvoir affirmer un truc aussi péremptoire, mais n'était-ce pas là le concert de l'année ? A la Machine ? à Marseille ? En Provence ? Paca ? France ? Monde ?
Tout le monde a vibré à ce concert, tout le monde, même celles et ceux qui l'ont nié après, je les ai vues danser, les girelles, je les ai vus headbanguer, les garis ! Bon, pas forcément toutes et tous au même moment : certains du début à la fin (moi, peu ou prou), certains plutôt quand ça a ressemblé à du Karpienia remixé par Blackstrobe, d'autres plutôt quand ça a sonné comme du Einstüerzende Neubauten featuring Omar Souleyman, autrement dit et pour parler français, selon que le dub prenait un peu le pas sur les machines, ou selon que le gros son violentait un peu l'occitan...
Mais ce qui est sûr, au moment où le groupe a quitté la scène en faisant force mamours à un Mystic Punk Pinguin en transe et euphorique, sous les hurlements d'un public défoncé de plaisir, après un dernier titre fabuleux, c'est que la première question qui nous vint à la fin du concert, hilares et aphones, fut : mais quand est-ce que ce truc totalement jouissif et inouï (au sens propre du terme) va t'il sortir en disque ? Et la deuxième : mais quand est-ce qu'on pourra les revoir dans cette formation ? Rhaaaaaaaâââââ....
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ps : chronique du très bon set de Fillette à suivre ...
Critique écrite le 01 novembre 2012 par Philippe
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