Chronique de Concert
Deadwood
Entre Deadwood et nous, c'est déjà presque une vieille histoire... On avait eu un peu l'impression d'assister en direct à leur naissance en version 2.0 sur scène, il y a plus de 6 ans (@ Lollipop Music Store & Machine à Coudre, un même soir de décembre 2015), quand un Jeremy suant et légèrement paniqué, invitait timidement sur scène une Violette un peu flippée elle aussi, et le tout pour nous mettre une inattendue mais magistrale claque dans la gueule : des voix incroyables tous les deux, des compositions rock ou électro sombres, mélodieuses et marquantes, un charisme éclatant ! Le tout traduit quelques longs mois plus tard sur un vinyle superbe, qui avait été salué à juste titre, jusque dans Rock'n'Folk.
On les a revus depuis mais on a aussi raté plusieurs de leurs passages à Marseille et c'est donc une joie sincère de les revoir enfin au LAM, attachante petite salle de concert du quartier, surtout avec un son toujours costaud, mais qui nous paraîtra bien plus agréable qu'il y a quelques semaines pour les prometteurs Novitchok 234. Certes on n'y connait personnellement rien en réglage de son (private joke !) : on sait juste détecter, depuis 30 ans qu'on assiste à des concerts de groupes souvent assez velus, si on est au dessous ou au dessus du fameux seuil plaisir/douleur.
Ce soir-là en tout cas on est bien juste du bon côté de la barre, côté plaisir, et c'est d'autant plus remarquable que le groupe a considérablement musclé son jeu ! Pour la première fois, on les voit avec un batteur - sosie non officiel du beau Bouli Lanners - une boite à rythme faisait le job avant, mais c'est quand même un vrai plus ! Et aussi, avec une importante participation du petit frère du chanteur, paraît-il de 10 ans son cadet, mais qui lui ressemble tellement bien qu'on les a confondus, plus tôt dans la soirée.
Et toujours bien sûr, les deux beaux gosses d'origine : Jeremy, orchestrateur, manifestement toujours en délicatesse avec sa tondeuse, tandis que Violette, première gachette, arbore une frange Cléopâtre du plus bel effet, ce qui donne un total de trois voix souvent entremêlées et parfois très hurlantes, le tout sur poum-tchak pétaradant : décollage assuré dès le premier titre, bien(re)venue sur Deadwood Airlines ! Même ainsi remaniée, la complicité du duo d'origine reste remarquable et permet des enchaînements et des ponts millimétriques et totalement enthousiasmants - on dirait par ailleurs que les 2 autres sont là depuis toujours.
Par contre, et tous les groupes qui ont creusé à fond un sillon, même novateur, sont confrontés un jour à ce dilemme : faut-il faire la même chose jusqu'à la fin des temps pour ravir ses fans, et donc ici rejouer ses tubes (comme le plus cher à notre coeur, Sleepless nights), ou continuer à expérimenter, pour continuer peut-être aussi à s'amuser ? Deawoood a tranché et taillé allègrement (seulement 2 titres reconnus ce soir, dont la cavalcade punk rawk Run Baby run et une version écartelée de The Owl) - on leur a demandé à la fin : les autres ils en ont marre, ils les font plus, point barre. Et le mignon petit squelette d'oiseau, ben il a du se prendre un coup de tatane de la mère Deadwood mal lunée, un jour...
A la place donc, voici une nouvelle collection de titres plus punchy, plus teigneux, plus hip-hop et groovy (avec l'apport du petit frérot notamment), tendant régulièrement vers la fusion façon Cypress Hill / Beastie Boys, voire plus méchante encore. Mais toujours aussi sexy, à tous les sens du terme. Alors oui, on perd un tout petit peu la délicatesse des deux voix d'origine quand elles étaient moins poussées (Shirley Bassey et Tom Waits ne s'entendent plus que par intermittence), tout comme le Theremine ou la boîte à tonnerre qui ne servent plus beaucoup, dont acte. Disons qu'on s'éloigne des Contes de la Crypte pour se rapprocher du Hellfest... Mais on s'en remettra puisqu'on sait qu'on a l'essentiel de Deadwood 2.0 sur disque !
Et qu'ici avec cette version 3.0 (ou 4.0 ?) du groupe, on a gagné à la place une (encore plus) terrifiante et (encore plus) efficace machine à balancer des tartes punk, disco-metalloïdes ou le contraire, ainsi que des balades noisy impeccables de classe ou des rock'n'roll proprement infernaux. Plus le bois est mort et plus il est inflammable, on ne devrait jamais l'oublier ! Et puis on a sans doute également cette nouvelle version-là sur vinyle puisqu'évidemment, on a pas manqué de repartir avec le magnifique double qu'ils avaient apporté ce soir-là.
Alors bravo au LAM et merci aux (2+2=4) Deadwood pour ces formidables retrouvailles ! A bientôt, espérons-le.
PS : Photos ? Non, moi j'en ai pas. Ou plutôt si, mais prises avec un vieux téléphone de trop loin, sans artifices et là aussi sans compétences, dans une salle obscure et pire, avec un groupe remuant, c'est une sorte de galerie de vomis de Satan que vous n'avez sans doute pas besoin de voir... J'ai tout piqué sur leur page Facebook !
Critique écrite le 28 mars 2022 par Philippe
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