Accueil Chronique de concert Dechman + King Custer Mac Carthy & The Magnetix + The Wild Bud (Silver Jubilee Rumble)
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Chronique de Concert

Dechman + King Custer Mac Carthy & The Magnetix + The Wild Bud (Silver Jubilee Rumble)

L'Escapade, Clermont-Ferrand 6 janvier 2006

Critique écrite le par





La tournée Silver Jubilee Rumble fait partie de ces événements annoncés nulle part, proposant pour un prix modique trois excellents groupes peu connus finançant leurs disques et leurs tours de France de manière totalement indépendante : The Wild Bud, King Custer Mac Carthy & The Magnetix et Dechman... Mais ce n'est pas parce que la presse soi disant spécialisée n'en parle pas que ce n'est pas bien. C'est bien connu, Rock Sound, Rock ‘n Folk, Rolling Stone, Rock One, Magic, Les Inrockuptibles et consorts parlent des groupes dans leurs colonnes quand les maisons de disques leur prennent des pages de pub... ou alors quand il y a une hype qui permettra de vendre à coup sûr du papier. C'est pour ces raisons qu'en complément de leurs lectures traditionnelles, beaucoup de fans de musique se sont tournés vers les webzines et les blogs MP3 ; ceux-ci sont sensés être plus indépendants et moins vendus jusqu'au trognon. Sauf que sur ces sites, en plus de supporter les états d'âme de l'auteur du texte, on constate rapidement que les critiques reproduisent souvent de manière pathétique celles parues dans la presse dite classique ou les médias indés américains comme Pitchfork Media. La presse alternative est primordiale pour mettre en lumière tout un pan de la musique non commerciale, c'est évident, mais force est de constater qu'elle ne peut remplir son rôle de défrichage si les rédacteurs font seulement un travail de recopiage scolaire. Il serait parfois bon de se poser certaines questions messieurs dames... Pourquoi toujours consulter l'avis des médias américains ou anglais avant d'adouber un artiste ? Pourquoi délaisser sciemment la scène punk/pop/rock/folk française ? Pourquoi ne pas essayer de donner son propre avis sur un disque sans se renseigner avant pour savoir si c'est cool d'aimer, ou pas ? Pourquoi ne pas se déplacer dans les petites salles pour découvrir les groupes à leurs débuts ?
Cela dit, fort heureusement, tout le monde ne reste pas cloîtré chez soi en attendant les concerts à 40 euros chaudement conseillés par de complaisants médias ; il y a même des gens qui se déplacent un 6 janvier par une température négative dans un bar enfumé pour assister à trois concerts de Rock ‘n roll. Cela parait inouï, mais c'est vrai...





The Wild Bud, attention danger, mélange explosif !

La soirée commence avec The Wild Bud, un gentil groupe dont le joli site Internet permet à chaque clic d'égorger les innocents cerfs qui tentent de se promener sur la pochette bucolique de leur dernier disque, Over the top. Pour donner une idée de l'état d'esprit de ces brutes épaisses, leur label - Flame on records - a apposé sur la page consacrée sur son site à leur dernière parution un avertissement clair - "Achetez ce disque ou on tue ce chien !" -, juste à côté d'une photo d'un toutou mignon qui aboie des bulles "100% rock ‘n roll", "100 % country" et "100% Surf". Vous l'aurez compris, nous sommes là en présence d'un authentique groupe de garage rock méchant. Les quelques courageux qui n'avaient pas fui en juin dernier à Clermont-Fd se souviennent avec émotion d'un concert fusillé par un volume sonore démentiel, sans doute provoqué par des libations excessives avant l'entrée en scène. Mais si The Wild Bud est capable de pousser le(s) bouchon(s) un peu loin, en ce début d'année 2006, les quatre hommes ont surtout envie de mettre en valeur leur répertoire, très original. Les Bordelais mélangent en effet dans leurs compositions marquantes ballades country, solos surf, mélodies presque pop et rythmiques garage punk ; ce qui pourrait se révéler être un pari risqué et bancal sur le papier, est au contraire une véritable réussite artistique. Sur scène, avec un son permettant d'apprécier à sa juste valeur le travail d'écriture, tout prend du sens. Sur les planches, le ténébreux chanteur/guitariste caché par ses lunettes et son chapeau fait office de chef d'orchestre... Il est impeccablement soutenu par un bassiste racé, un guitariste rythmique bruitiste au taquet et un batteur aussi impressionnant à regarder qu'à écouter : c'est lui qui booste de manière hallucinante les compositions extrémistes des bien nommés Fatals. Ce gars sait être léger sur ses fûts (assez rarement quand même, hein) mais son plaisir, c'est cogner comme un damné sur son matériel rouillé à force d'être éclaboussé par la bière. Quand le seul morceau qui ne nécessite pas de batterie débute, notre ami, désormais torse-nu, vient piquer le chapeau de son leader, retourne boire une bière en la crachant sur son instrument de prédilection, tout en prenant des airs de "c'est pas bientôt fini ces conneries mollassonnes ?". Il faut dire que l'homme, qui finira écroulé derrière le bar à la fin du set de 45 minutes, n'est pas habitué à rester au chômage technique ; chez The Wild Bud les morceaux commencent souvent calmement avant de rapidement déraper très gravement dans le bas côté, et c'est ça qui est bon. L'impression de voir Lou Reed et sa guitare jouer dans un groupe de Country punk avec le fantôme de Link Wray est assez saisissante. Et quand le groupe tente, avec succès, de reprendre Surfin bird des Trashmen (titre repris à fond par les Ramones), c'est dans une langoureuse version ultra ralentie, et diaboliquement jubilatoire... The Wild Bud ne fait rien comme les autres, mélange n'importe quoi dans son garage (mais pas n'importe comment) et c'est cela qui en fait un groupe très précieux.





King Custer Mac Carthy & The Magnetix, Hou, ha, yeah, ha, hou, yeahhhhh !!!

La suite va s'avérer, elle aussi, digne de figurer dans la grande histoire du rock garage... Le duo The Magnetix (Looch Vibrato à la guitare nucléaire, Aggy Sonora aux baguettes destructrices), qui nous avait électrisés l'année dernière aux Abattoirs de Riom a en effet décidé d'inviter un certain King Custer Mac Carthy pour faire un raffut de tous les diables avec sa Telecaster désaccordée et son chant vociféré. La guest star se fait attendre, et arrive sur scène cinq minutes après ses acolytes ; le temps de sortir sa guitare de son étui, et c'est parti pour une série d'onomatopées hystériques : "Hou, ha, yeah, ha, hou, yeahhhhh, ha, hou, yeahhhhh !!!". Dans sa version chasse aux sorcières du mauvais rock ‘n roll, on deviendrait presque adepte du pourtant sinistre MacCarthysme ! Car ce Mr Mac Carthy là fait plaisir à voir avec ses petites lunettes rondes (un des deux verres est définitivement brisé), ses rouflaquettes, sa guitare qui sonne comme une casserole et ses faux airs de Jon Spencer français. La sexy batteuse des Magnetix attire, elle aussi, le regard : avec son regard dominateur, son petit short en jeans et, accessoirement, sa manière de gifler ses peaux avec une sècheresse bien punk. La jolie brune fait donc son boulot avec le talent qu'on lui connaît, tout en cherchant les yeux de son conjoint grassouillet qui a piqué les énormes lunettes de Martin Rev de Suicide... Déchaîné, comme à son habitude, il se fait fort de décocher moult riffs et solo cradingues. Pendant ce temps là, l'invité de marque gueule comme si sa vie en dépendait, tout en jouant des rythmiques aussi basiques que distordues. Les sons clairs, la finesse guitaristique et les accordeurs ne font pas partie du registre de King Custer Mac Carthy, c'est une certitude ! Quand il lâche sa guitare et se saisit d'un texte de chanson pour le lire, il y a une bite dessinée au verso, c'est vraiment de toute beauté, très fin et, surtout, très classe ! En un mot comme en cent, un concert de King Custer Mac Carthy & The Magnetix, c'est parfait ! Mais trop court : ayant sans doute épuisé son répertoire commun, le trio descend de scène après à peine 30 minutes de show.




Dechman, fasciné par la face B du rock ‘n roll...

Alors que pendant le précédent changement de plateau, un jeune homme poilu (et néanmoins fort aimable) avait glissé l'excellent disque 1914 de Billy Childish & The Buff Medways dans un poste de radio cassettes CD, quand Dechman se met à installer son matériel, c'est l'infecte émission Les Filles du Mouv' qui écorche nos oreilles. Après avoir bien rigolé (cinq minutes), on constate avec effarement qu'Emilie est toujours aussi écervelée et que l'argent du service public est toujours aussi bien géré par Radio France. Cela a au moins, le mérite de dérider Dechman qui a l'air tendu pendant l'installation de son matériel...
On se souvenait avec émotion de la première partie effectuée par Dèche Dans Face, le premier groupe de Dechman, avant l'exceptionnelle prestation de Sloy au Sonic Rendez-vous dans les années 90 ; mais c'est en solo que Dechman revient nous voir. L'homme a les cheveux poivre et sel, possède de faux airs de Dominique de Villepin, il est habillé avec un antique costume militaire et se présente assis derrière une boite à rythmes posée sur un orgue, dans lequel est encastrée une batterie. On ne voit pas ça tous les jours, c'est le moins qu'on puisse dire ! Comme le génial et lubrique Bob Log III ou le plus franchouillard et ringard homme-orchestre Rémy Bricka, Dechman est un one man band, mais, lui, il est fasciné par la face B du rock ‘n roll : il voue un culte sans partage à la soul, au rock groovy, aux titres de rock fifties joués furieusement au piano et au rockabilly électronique de Suicide. Après un nécessaire temps d'adaptation, la salle se transforme en fan club hystérique, duquel s'extirpe de temps à autres une charmante représentante dans le but louable d'abreuver de bière le héros de la soirée et de le soulager... en tapant à sa place sur le tambourin. C'est normal qu'il rende tout le monde un peu dingue : Dechman, c'est un peu comme si le fou furieux Charly Oleg avait passé sa jeunesse avec le duo Alan Vega/Martin Rev dans les clubs et les galeries d'art new-yorkaises, puis avait formé un Suicide organique et soul après avoir beaucoup écouté l'insurpassable amateur de chair fraîche, de bibles et de piano massacrés, Jerry Lee Lewis.
Plié en deux sur son orgue, triturant sa boîte à rythmes comme un maniaque, giflant ses cymbales d'une main, défonçant sa grosse caisse avec le pied ou hululant de manière plutôt sexy, Dechman semble littéralement habité par sa noble mission nocturne : porter la bonne parole groovy auprès des peuplades fréquentant les salles de concerts. Et les faire se déhancher jusqu'au bout de la nuit. Mission accomplie avec un sacré brio, monsieur !



Débutée dans le froid, sans musique et avec une assistance prenant son temps pour arriver, la soirée Silver Jubilee Rumble s'est achevée tard, dans une chaleur étouffante, avec un nombreux public déchaîné, visiblement ravi d'avoir découvert des musiciens qui mériteraient qu'on parle plus d'eux. Pris d'euphorie post live orgasmique, quelqu'un ose même un très à propos emprunt à Neil Young : "Le rock ‘n roll ne mourra jamais !". C'est une certitude, et pas besoin d'acheter Rollinrockonesoundmagic pour s'en convaincre.


Sites Internet : www.indusvalleyproductions.com, www.dechman.com, www.themagnetix.com, www.wild-bud.com.


Photo The Wild Bud www.garagesavage.com

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