Chronique de Concert
Les Déferlantes d'Argelès 2013 - Jour 1 : Ben Harper & Charlie Musselwhite, Saez, Dub Incorporation, Maceo Parker, Willy Moon, Shake Shake Go
Se rendre aux déferlantes d'Argeles, c'est comme choper une Ex. Un peu de plaisir, pas vraiment de surprise, mais au final un bon moment où l'on a un peu transpiré.
Sous la chaleur harassante de l'avant pays catalan, l'ambiance est mitigée. Partagée entre la douceur des Shake Shake Go menée par la voix cristalline de leur chanteuse et un Willy Moon rayonnant, qui ferait presque de l'ombre à l'astre lumineux. Les premiers, quasi inconnus au bataillon, ambiancent les lieux. Derrière une pop légère, le fruit d'une copulation effrénée entre Florence and The Machine et les Mumford and Sons. Préliminaires idéals pour préparer la venue du second, Willy Moon.
Dandy elviesque, Moon sous un soleil de plomb argue la foule. Malgré 38°c à l'ombre (et de l'ombre sur la grande scène il n'y en a pas) le type arbore un chic costume noir et blanc. Parce qu'un dandy n'a jamais chaud, il ne tombera pas le veston au grand dam des demoiselles auxquelles il lancera un bon nombre de fois des "I love you you you you and you". Dans ce cadre idyllique, adossé à un manoir, la mer en fond de décors, le néo zélandais charme par son rock brut. La classe londonienne c'est un "yeah yeah yeah" qui fait lever -un peu- la foule (pourtant bien installée dans la pelouse jaunâtre), un "my girls" tellement bien envoyé qu'il force le déhanché ! Après la prestation de Moon, le soleil n'avait plus qu'à aller se coucher.
Se coucher ou accompagner les Dub Incorporation et la foule dans leur réveil. Sans même parler de style musical, on ne peut enlever au collectif français la puissance et l'énergie développées à chaque prestation. Une réputation voulue, forgée depuis quelques années. "On a décidé de faire moins de festival parce qu'on veut de vrais show, que les gens soient vraiment à fond dans le concert comme nous le sommes. Sur un festival c'est parfois dur de faire passer un message" explique Aurélien, l'un des chanteurs. L'année dernière les Dub Inc n'avaient d'ailleurs joué que dans un festival, la Fête de l'Humanité. Logique, pour ce groupe militant affirmé, revendiqué et prosélyte.
Dans l'activisme musical, les Dub Inc ont joué une nouvelle carte ce soir à Argelès. En marge de leur prestation (et a priori de celles qui suivront cet été) une grande distribution gratuite d'albums. Interrogé avec un simple "Pourquoi ?", le staff tout sourire a immédiatement, entre deux albums, répondu "Pourquoi pas". En fait, de l'aveu du batteur "donner un album c'est comme donner une affichette sauf que les gens le garde un peu plus longtemps, vont au fond des choses". De toute façon, l'Incorporation n'a pas vraiment à craindre du téléchargement illégal. Comme ce soir aux déferlantes, le vrai son de Dub Inc, celui qui fait bouger les foules de gauche à droite et de droite à gauche, celui qui soulève un épais nuage de poussière, ne se trouve qu'au détour d'une scène. Qu'on aime ou pas, on ne peut leur enlever, la volonté ultime de faire de chaque concert un jovial champs de bataille.
Bien moins gai, Saez prend le relais. Caché derrière son pupitre Damien Saez lance son "Arnichetecture". Avec les paroles devant la gueule, la lecture est bien moins saisissante... Clope au bec, Saez déglutit sur la société comme il crache la fumée de sa "cigarette", violemment. La contestation aux accents révolutionnaires Damien Saez en a fait son gagne pain, quitte à tomber dans la caricature. A en juger par la panse rondouillette de l'animal le commerce se porte toujours aussi bien. Non pas que la crise soit le terreau fertile des lieux communs saeziens, mais, la bête de scène qu'est Damien possède l'indéniable talent de donner corps à ses textes. "Marie ou Marilyn" à bout de souffle, "Fils de France" avec puissance, "J'accuse" le doigt en l'air le ton ferme, Saez fait le show. Du pain et des jeux, il n'en fallait vraisemblablement pas plus au public d'Argelès.
La nuit tombe, et Maceo Parker s'élève. Dans un bouillon de Jazz, Soul et Funk, l'ex saxophoniste de James Brown (qu'il quitte jugeant "The Godfather of Soul" trop autoritaire), apparaît sans avoir pris une ride. Grand habitué des festivals, Maceo est rodé à la tache. Dans un show sans surprise mais d'une grande qualité, Parker s'amuse à jouer les chefs d'orchestre. Une fois au chant, une autre au saxophone, à tout moment scotchant. Son backing band, n'est pas en reste. Du guitariste au batteur, du bassiste aux choristes durant une heure chacun brillent, et à son tour fait briller un Maceo Parker plus resplendissant que jamais.
Tête d'affiche de cette première soirée, Ben Harper débarque tranquillement sur scène, poing serré, sourire éclatant et chapeau de cowboy. Toujours accompagné des Relentless Seven, pour cette nouvelle tournée la famille s'est agrandie d'un patriarche, Charlie Musselwhite. Au virage résolument rock des dernières productions d'Harper, le vieil homme, légende incontestée du petit monde de l'harmonica, apporte un blues poussiéreux comme on en fait qu'aux Etats Unis et auquel Ben Harper rêvait de prétendre depuis quelques années. L'alliance Musselwhite/Harper, n'est pas surprenante. Le duo transpire d'évidences, suite logique du parcours d'un "Ben" insatiable. "I Don't Believe A Word You Say", single de la coproduction "Get Up", est parfait, spirituel, généreux, et captivant.
Bande originale sèche d'un western de John Ford, la nouvelle tournée de Ben Harper ne s'inscrit pas comme un retour aux sources mais une sublime renaissance. Quelques "anciens" morceaux sont réarrangés à la sauce du cowboy et obtiennent le timbre boisé auxquels elles ont finalement toujours prétendues "Homeless Child" en tête. En plus de certains morceaux de Musselwhite, Ben Harper s'attaque aussi à un monument du genre "When the Levee Breaks" somptueuse reprise de Memphis Minnie & Kansas Joe McCoy (popularisée par Led Zeppelin).
Bien plus convaincante que la précédente tournée avec "seulement" ses Relentless Seven, l'alliance de Ben Harper avec Charlie Musselwhite au bout d'une heure de show est aussi surprenante que naturelle. La généreuse communion n'a pas de quoi brouiller les fans du californien, pas sur qu'il en soit de même pour les badauds qui ne connaissent de Ben Harper que ses singles.
Critique écrite le 13 août 2013 par Boby
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