Chronique de Concert
Delgrès + Thomas Kahn
Il y a 3 ans, nous étions tombés sous le charme du premier album "Mo Jodi" d'un savoureux trio de blues rock créole nommé Delgrès. Il est vrai que ce n'est pas fréquent d'entendre un chant créole, bien chaud accompagné d'un blues rock bien gras pulsé au soubassophone. En avril dernier, ils ont sorti un successeur "4:00 AM", un disque meilleur encore. C'est peu dire que nous étions très heureux de les retrouver sur scène. Dans le cadre de leur nouvelle tournée qui se poursuivra évidemment en 2022, ils ont déposé leurs valises à Paris dans ce lieu mythique du Trianon. En première partie, on est gâté car nous allons retrouver le talentueux et prometteur artiste clermontois Thomas Kahn.
Thomas Kahn
A 19h45, l'homme au bonnet arrive seul sur scène avec sa guitare. Il affiche un magnifique sourire et nous adresse quelques mots, nous remercie d'être là. Les masques sont malheureusement de retour mais la chaleur du public et le charisme de Thomas Kahn nous font oublier cette bien trop longue période sinistre et morose que nous traversons. De plus, en novembre tout est moche et malgré tout, le soleil a fait son apparition à l'intérieur du Trianon. En 30 minutes, Kahn va réussir à nous faire chavirer. Il chante magnifiquement bien, sa voix est prenante grâce à sa tonalité chaude et éraillée. Le public, qui balaie trois générations, applaudit chaudement et apprécie. Lors de cette courte première partie, Thomas Kahn, baptisé le "Petit Prince de la Soul contemporaine" par le magazine Rolling Stone en 2019, justifie totalement cette appellation. A présent, on a hâte de le retrouver en format groupe car avec un talent pareil, ses magnifiques chansons doivent naturellement se transformer en machines à groover.
Delgrès
30 minutes plus tard, la salle est bien remplie, on doit être autour de 900 personnes et pour notre plus grande joie, Baptiste Brondy , le batteur, Rafgee et son soubassophone ainsi que Pascal Danae, à la guitare et au chant, prennent place devant nous. C'est avec le fiévreux et tripant "Aleas" que le trio Delgrès débute les hostilités. Les lumières rouges accentuent l'ambiance, on plonge avec bonheur dans leur univers. "4 ed maten", qui suit, nous fait taper des pieds, des mains et nos têtes commencent à se secouer de bas en haut. Leur musique est rentrée dans nos petits corps et elle ne nous lâchera plus. "Mo Jodi" poursuit un chemin truffé de blues flambé au rhum et on se régale. Cette chanson qui s'inspire de l'héroïsme de Louis Delgrès est un des premiers titres écrits par le groupe. "Mourir aujourd'hui", c'est sa traduction en français, rend hommage à ce colonel d'infanterie de l'Armée française qui s'est rebellé contre les troupes napoléoniennes venues rétablir l'esclavage.
En préférant la mort à la captivité, il s'est sacrifié. Voilà pourquoi ce morceau est si important pour Pascal Danaé et l'histoire du groupe qui se nommera au final Delgrès. C'est un sublime hommage qu'on entend là et on vibre. Musicalement, on se trouve entre les Black Keys et Tinariwen , avec un blues rock féroce qui regorge d'histoires, de souffrance et qui se révèle vraiment libérateur. On apprécie la performance du batteur Baptiste Brondy, membre de Lo'jo, et de son acolyte Rafgee au soubassophone. La dernière fois qu'on a pu voir un tel instrument, c'était lors du concert de The Roots aux Eurockéennes de Belfort en 2019. Cet instrument qui fait partie de la famille des cuivres est tout bonnement impressionnant. Il remplace la basse et sonne un peu comme une contrebasse. Le duo soutient donc remarquablement Pascal Danaé, le chanteur/guitariste qui attire un peu tous les regards.
L'homme a beaucoup d'aura, l'entendre chanter est très plaisant. Il nous parle toujours avec un sourire incroyable. Il nous dit qu'il est heureux d'être là, tellement heureux forcément. Le monde du live a beaucoup souffert depuis 20 mois et pendant l'interprétation de la chanson "Vivre sur la route" il nous fera chanter tous en coeur "c'est un bonheur d'être sur la route". On vit de beaux moments de communion et cela fait chaud au coeur. La set-list offre la part belle au dernier album, qui sera joué dans sa quasi intégralité : plus 5 titres extraits de "Mo Jodi" ainsi que deux inédits et une reprise de Led Zeppelin, "Whole Lotta Love". On termine la soirée par une nouvelle version en mode jam session de "Mo Jodi" qui permet à Pascal de rendre un hommage appuyé à Louis Delgrès. On a vécu une bien belle soirée !
Remerciements chaleureux à Eléonore et à l'équipe de Caramba Culture Live
Photos : Jérôme Agier
Critique écrite le 05 décembre 2021 par Lebonair
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