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Chronique de Concert

Deltas

Deltas en concert

La Meson - Marseille 14 Février 2014

Critique écrite le par

Il faut croire que je commence à prendre goût à La Meson. Pourtant, peu de monde en arrivant, ce qui me surprend, compte tenu de la haute tenue de la formation qu'on nous promet ce soir, et, il faut bien l'avouer, de la notoriété établie de leurs membres, dans Lo'Jo et Zenzile entre autres. Je m'attendais donc en arrivant à beaucoup plus de monde que ça. Mais bon, tout ça me permet de prendre une petite assiette Meson en attendant et un petit verre. Quoique profitant de mon manque d'attention, un petit public raisonnable prend place (ah les fourbes !).



Alors Deltas kesako ? Un duo angevin, devenu trio pour les besoins de la tournée, mais initialement trio quand même à l'occasion de l'enregistrement de leur album, mais annoncé duo pourtant sur le net... Enfin bref, Deltas, qu'ils soient deux, ou trois, ou plusieurs - à en croire par le nombre de doigts qu'ils agitent sur leurs instruments et à en croire par l'ampleur du talent qu'ils étalent - c'est Deltas, de la musique en cure musicale obligatoire sur les rives ligériennes, rapport à l'ancien nom latin puis patois accordé à la Loire. Et accessoirement au Pays de Loire semble-t-il, ça tombe bien. Des rives de la Loire, ou d'ailleurs, du fleuve Niger, Bamako et le Mali en l'occurrence, rapport aux origines du projet du groupe, coïncidant avec un projet d'échanges Angers-Bamako.



Deltas, c'est donc l'impressionnant Richard Bourreau, au toucher de cordes réellement incroyable au violon, à la kora, au sokou, ... et merveilleux instrumentiste chez Lo'Jo à ses heures, Vincent Erdeven, échanges fusionnels dans le jeu avec sa guitare, un petit je-ne-sais-quoi d'un Pascal Ebé zen dans le profil, membre de Zenzile à ses heures également, et donc Andra Kouyaté, musicien de Tiken Jah Fakoly à ses heures aussi, aux commandes de son ngoni fabrication maison (sorte de luth traditionnel, mais qui sonne parfois comme une basse, que l'on peut voir également entre les mains d'un Bassekou Kouyaté notamment), voire aux commandes de son double-ngoni (!!), qui lui vaut le surnom de Jimmy Page du Mali (sic) de la part de ses acolytes.



Une musique impressionnante de pureté, un blues-folk coloré, reposant pour beaucoup sur des répétitions de notes et d'accords à la guitare et au ngoni, qui prennent aux tripes, et sur lesquels volettent les notes du violon, de la kora ou d'un ngoni aux sonorités alors plus aiguës. En comparaison au jeu de ses acolytes qui tient plus de l'introspection, Richard Bourreau endosse ici visiblement par la force des choses le rôle de soliste au violon ou à la kora, tirant sur le jazz, sur des sonorités africaines voire asiatiques par certains côtés. Il n'en demeure pas moins que pour qui tend l'oreille, jaillissent de l'arrière plan des subtilités de jeu au ngoni (dont les notes de basse au timbres si chauds et si curieux vous hérissent les poils) ou à la guitare (à l'image de ce superbe accord à la guitare par Vincent Erdeven sur Ligerian Blues, à la note de basse finale d'un vibrato à vous arracher une larme), plus blues.



Difficilement explicable, mais l'évocation de ces deltas, de La Loire ou du Niger, me parle, moi qui ait pourtant peu voyagé au-delà des frontières, mais qui connait un peu ce que peuvent être les rives et le lit de La Loire un peu plus en amont. Le défilement des eaux. Des paysages. Ce toucher là. Cette sensation des sables ou gravières que disent ces cordes. Difficilement explicable.

Quoiqu'il en soit, tout est ce soir-là dans le ressenti. Pas d'éclats pendant le jeu de la part des musiciens, peu de mimiques, d'effusions. Une concentration impressionnante. Seules les pauses entrent les morceaux comme félicitations muettes à distances et approbations mutuelles, s'étonnant visiblement eux-mêmes, à quelques occasions, de la tournure qu'ont pris les notes ça et là. Et évocations de fleuves comme pour moi ou non, le public est à l'image du groupe, silencieux, les yeux clos ou plissés et le sourire aux lèvres, quasi recueillement, une écoute en équilibre, sur le fil. Et au final une ovation pour le trio, de la part d'un public de retour en ce monde. A l'atterrissage. A l'amerrissage.



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