Chronique de Concert
(mon) Festival Phocea Rocks 2013 : Departure Kids, Lo, Reliques, Soma, Nitwits, Crumb, Conger! Conger!, Binaire
Rhaââââ les cons ça ose vraiment tout, décidément, la phrase d'Audiard ne vieillira jamais. Prenez Vince & Gina par exemple, un couple d'activiste musicaux à Marseille. Quand on les voit déambuler déguisés en égyptiens antiques, sous la pluie et au troisième jour des Eurockéennes à Belfort (ils sont à peu près les seuls déguisés ce jour-là sur 30 000 personnes), alors qu'on sait qu'ils sont venus en train de Marseille et qu'ils dorment au camping, et qu'en plus ils vous avouent fièrement qu'ils ont mis un déguisement différent pour chaque journée... On ne peut pas s'empêcher de se dire qu'ils sont quand même un peu tarés. Un déguisement le premier jour quand il faisait beau, c'était pas assez, les enfants, mmh ?
Ben non. Pareil, quand ils se sont mis en tête d'organiser un festival à Marseille en 2013 pour marquer Marseille Capiculmachinchose, une date, c'était pas assez : ils en ont prévu 6 ou 7. Et pour organiser un truc comme ça à peu près sans argent, une salle amie (Machine à Coudre ?) pour le lancement c'était pas assez ? Ben non, ils ont voulu l'Espace Julien. N'importe qui de censé aurait prévu, allez, deux groupes, ou trois à la limite pour l'ouverture, pour pouvoir gérer correctement le truc, voir si ça roulait, se roder l'organisation avant une plus grosse date ensuite ? Eux, non. Ils en ont programmé treize. Read my lips, I will say that again : TREIZE ! Dreizehn, thirteen, samsip, 13 quoi, en plus c'est un chiffre pas du tout connoté "tout va foirer", pas vrai ? Treize putain de bonnes formations de Marseille, représentatives de la plus grande partie de la scène rock (à l'exception du metal). Bref, ces cons-là ont tout osé !
Alors bien sûr ils n'y sont pas arrivés tout seuls, et ont su s'entourer d'une team efficace qui serait trop longue à présenter ici : relations publiques, booking, comptabilité, etc... Bien sûr ça a tangué ici ou là, des gens ont sauté du train, d'autres y sont montés en marche, mais ce soir c'est pour de vrai : Phocea Rocks, baby ! Et ce avec le soutien de, écrivons-le au moins une fois, Marseille 2013 OFF et divers sponsors directs ou indirects (la banque BPPC, les instruments Scotto, etc). Et bien sûr, pour finir, de quelques branquignols bénévoles totalement non qualifiés pour le job, venus surtout pour gagner un t-shirt, espérant boire à l'oeil et en foutre le moins possible, dont votre serviteur, l'auteur de ces lignes... Qui a pourtant trouvé naturellement sa place à la caisse, pour jouer à la marchande la moitié de la soirée, en binôme avec le tristement célèbre Mystic Punk Pinguin.
Donc disons-le tout net, pour ce faire, il a bien fallu faire des choix pour nous relayer : je n'ai pas vu une note de La Flingue, The Magnets, x25x, Elektrolux, Rescue Rangers, que quelqu'un d'autre pourra sûrement décrire. J'ai vu environ 5 minutes de Departure Kids - le temps de me dire que ces jeunes idiots étaient doués à défaut d'avoir un son très original, et de me demander si le chanteur portait ses vrais cheveux.
Dans le même genre de durée, j'ai passé un petit moment avec les reliques de Reliques, c'est-à-dire un duo malchanceux qui s'est retrouvé sans batteur. Les deux gaillards s'en sont démerdés pas si mal, donnant un concert acoustique et quand même sympa : jolies voix, jolies compositions, un peu de percus quand même : à revoir au complet...
J'ai enfin du quitter les Crumb après une durée ridicule alors que j'aime toujours bien ce qu'ils font dans le genre rock déglingué, que le chanteur semblait très sobre ce soir (mais braillant admirablement) et qu'il avait la guitare de mes rèves d'enfant (une Gibson SG rouge, la même que qui-vous-savez-mais-si-faites-pas-semblant !).
Mais j'ai vu à peine plus de Soma, pourtant le groupe le plus médiatisé de la soirée (ce qui ne veut pas dire le plus intéressant, évidemment). j'ai trouvé ça très carré et pro, hyper-efficace en electro-pop/pop-rock, mais pas assez captivants pour laisser le Pinguin dilapider ma monnaie durement amassée, foirer mes statistiques de comptage d'entrées et boire toutes les bières, en le laissant trop longtemps à la caisse ! J'y ai quand même rencontré un grand amateur de mes chroniques (ça fait toujours plaisir !) et j'ai pu y prêter le casque anti-bruit de mon petit Joshua (pas là ce soir) à un premier kid.
Je l'ai revu passer ensuite sur une autre petite tête, ce que j'ai trouvé très amusant... Donc, Soma ça a l'air bien et dans une catégorie qui a le mérite de se vendre (surtout avec leur merchandising très efficace), je les reverrai plus en détail avec plaisir mais j'ai manqué de temps pour creuser la question...
J'ai pu passer heureusement plus de temps à Lo, dont je dois avouer pour éviter tout conflit d'intérêt (et autre escroquerie en bande organisée) que ce sont des copains. Et qui ont donné comme d'habitude un concert de rock parfait, stylé, sensuel, ultra plaisant à regarder, devant une salle hélas encore peu garnie en début de soirée.
Le groupe aux trois mille bassistes n'en a pas moins profité de cette grande et belle scène, pour nous enchanter une fois de plus, entre précision des cordes, harmonies du chant masculin-féminin, ponts tout en tension où les deux rongent leur frein avant d'envoyer à nouveau la gomme, et plus généralement, classe naturelle éblouissante... Et bien sûr, petites danses hystériques & rigolotes qui sont la marque de fabrique de leur chanteuse. Du très beau travail, on ne se lassera jamais de leurs Drugs & Coffee et autres Black Kites !
Dans un autre genre, vu une magnifique prestation des Nitwits (au fait pour les curieux, le Vince dont je parlais au début est l'asperge famélique qui tape désinvoltement, mais comme une mule, sur les futs du groupe), sans doute les meilleurs dans la scène noisy locale, expérimentateurs de mélanges rigolos (disco-thrash par exemple), avec un chanteur hurlant comme un damné tout en assurant la guitare mélodique, et des titres foudroyants comme Sergent Rosco ou Latin Lover (du death punk ?).
Mais aussi au moins un tube quasiment pop en comparaison (Wake up, inusable), une ressemblance frappante par instants avec du early Nirvana, et un passage pour lequel j'ai pensé aux Pixies joués par Motörhead, ce qui n'est pas mince comme double référence... Et donc logiquement, une faculté à vous retourner une salle de joie à tous les coups - ce qui n'a pas raté encore ce soir-là. Il faut dire qu'ils se sont déjà entraînés un jour devant 10 000 chinois (si, si !), alors c'est pas l'Espace Julien qui allait les faire frémir. Dans un monde meilleur, ils devraient déjà avoir joué devant 10 000 français aussi !
Si la soirée s'était finie là, elle aurait déjà été excellente. Mais l'honnêteté m'oblige à dire que le meilleur restait à venir : un tsunami dans l'Espace Julien et une réplique dans le Café Julien... Le fait qu'un spectateur me dise à la fin qu'il avait vu les plus grands groupes du monde en live, mais jamais un truc aussi fou que Conger! Conger!, et le fait qu'un batteur (ayant joué plus tôt dans la soirée) ait menacé d'arrêter la batterie pour se mettre à la contrée après les avoir vus, ne m'ont évidemment pas étonné, mais m'ont fait grand plaisir !
Pour ma part j'écris depuis 2009 que leurs concerts et leurs disques sont fabuleux et hors-norme (voir par ailleurs sur ce site !), alors... Et les trois téléostéens, comme à leur habitude quand on les quitte quelques mois entre deux concerts, ont joué une liste de titres inédits et aussi barrés que toujours. J'envie sincèrement les gens qui les ont découvert ce soir-là, sur une scène idéalement éclairée et sonorisée, avec plein de monde dans la salle : Patrice et les autres ont cartonné comme des bêtes et rien que de pouvoir les voir jouer là, aurait justifié toute la soirée...
Eux aussi s'adonnent volontiers à des mélanges fous : death-pop, disco-noise, appelez-ça comme vous voulez... Chanter comme une fillette ? c'est possible. Hurler comme le chanteur de Cannibal Corpse ? Aussi. Eventuellement même dans la même chanson. Faire un titre proprement hallucinant sans ... batterie ? Mais oui, y'a qu'à demander. Et encore, on ne fait plus la chanson avec du mini-xylophone unplugged ou celle où l'on se tapait la glotte (maintenant, on léchouille le micro !). Le chanteur-batteur (déjà, ce concept est plaisant & rare !) irradie de sa joie de jouer là, perd des litres de flotte, cogne comme un gorille, danse avec son micro - et les deux autres assurent le reste au millième de seconde, servant admirablement le propos.
Et le groupe finit sur quelques titres "connus", c'est heureux : When I was a Nigger, Icarus, ou encore Nevermind, tous plus jouissifs les uns que les autres. Conger! Conger! putain de merde, c'est des malades et des génies, je les aime et je crois qu'ils ont largement élargi le cercle de leurs fans - tout le monde parlait d'eux en fin de soirée ! Alors ne lisez plus jamais une ligne de moi si vous ne les avez pas adorés ce jour-là, merci. A en voir les bananes sur tous les visages en fin de soirée, je ne prends pas grand risque...
Mais peu importe la fatigue et l'alcoolémie, il a bien fallu se rendre à l'évidence, il restait encore un truc infernal sur la petite scène. Binaire, jamais vus avant ! Deux mecs avec chacun sa guitare électrique et sa voix, face à face gaucher et droitier comme dans un miroir, et une boite à rythme au milieu, grande comme un iPod. Ni plus, ni moins. Tuerie noisy et autiste, transe tribale, ultra-prenante, communion parfaite de la centaine de spectateurs restants, ils nous ont chopé au colback pour ne plus nous lacher.
Le public a naturellement fait cercle autour d'eux et suivi en dodelinant de la tête comme des figurants de Bienvenue à Zombieland. Un truc indescriptible, de malade, une rave de metal industriel, une essoreuse à neurones... Et accessoirement, le concert idéal pour finir cette soirée décidément fabuleuse !
Certes sans être bénévole j'aurais sans doute vu 3 ou 4 concerts cool de plus, comme tous ces petits salopiots de photographes qui se sont vraiement gavés ce soir. Mais en contrepartie, j'ai bien eu le t-shirt du festival, bu des bières tièdes à l'oeil (qu'il a parfois fallu aller piquer aux groupes qui se piquaient joyeusement la ruche dans les étages), j'ai vu passer des tas de gens rigolos et sympas à l'entrée, quelques emmerdeurs mais pas des méchants, un sacré paquet de potes du milieu "concerts" ... et au moins une fille qui m'a ouvertement dragué. J'ai eu la joie d'expliquer à des dizaines de gens qu'à 50 centimes d'euros le concert, en tout cas ils en auraient pour leur argent. Et enfin, personne n'a jugé utile de me braquer avec un fusil à pompe ou de me gazer, ce qui aurait certes un peu gâché la soirée qui fut donc excellentissime.
Mille bravos à Gina & Vince donc, qui portent ce projet depuis le début, et à celles et ceux qui les ont aidés depuis, et merci à l'Espace Julien d'avoir si bien joué le jeu et accepté nos maladresses : on a quand même fini en vendant des papiers de carnet à souche vierges avec ma signature dessus, tellement on en avait pas assez à vendre aux 500 personnes, au moins qui sont venues... Putain hier soir moi, titubant dans la rue à 2 heures du mat' à la recherche du dernier kebab ouvert, pour une fois, ben j'étais drôlement "Fier d'être Marseillais", tiens !! Alors à bientôt pour la suite !
Plus de photos et videos de la soirée par Pirlouiiiit par ici et de très belles photos sur le site de Pixxxo !
Critique écrite le 01 juin 2013 par Philippe
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> Réponse le 03 juin 2013, par vv
Bravo Philippe pour cette nouvelle gonzo-chronique que j'ai lu avec beaucoup d'émotions. Mega mega big up à Vincent Fraschina des excellents the H.O.S.T qui s'est cassé le *bip* à faire le régisseur en backstage avec plus d'éfficacité et d'abnegation qu'un T-1000, ainsi qu'a Philippe Petit qui a brillament oeuvré comme DJ. Selection sophistiquée et adéquate qui a donné un liant délicieux à l'enchainement de concerts. Vv ps: C'est malin, on est grillé pour les costume d'Egyptiens maintenant ! Et mon déguisement de Batman me tient super chaud ! Réagir
> Réponse le 03 juin 2013, par Yann
[Espace Julien - 31 mai 2013] Depuis vendredi soir une phrase de Mark Twain me trotte dans la tête, allez savoir pourquoi ! Je vous la livre telle quelle: "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait". Oui parce que cette soirée, c'était un truc de dingue ! Le truc auquel personne n'osait croire. Réunir 13 formations locales et faire le plein à l'espace Julien. Impossible. Tout à fait impossible. D'ailleurs d'autres s'y sont cassé les dents. Mais eux, ils l'ont fait. Dans quelques années on dira, ému: " Tu te souviens du 31 mail 2013 ?". Puis dans cela deviendra une légende urbaine, quelque chose de trop dingue pour avoir existé ! Ou alors... ou alors, et je n'ose l'espérer, cette soirée aura été le début de quelque chose. Et dans quelques années on dira, ému: "c'est là que tout à... La suite | Réagir
> Réponse le 15 juin 2013, par Philippe
Hey au fait, final count, c'était pas 500 mais bien 700 personnes qui sont venues ! C'est pas mal du tout !! Réagir
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