Chronique de Concert
Détroit
Après presque 11 ans d'absence pour les raisons que nous connaissons tous, Bertrand Cantat faisait son retour sur une scène parisienne avec son nouveau groupe, Détroit. En tant que fan indéfectible de Noir Désir, dont je n'avais raté aucun passage parisien à compter de la tournée Tostaky, ce concert était clairement la très grosse attente scénique de l'année et je me devais d'y être ! A la fois chaleureuse, à taille humaine, belle, au cœur de Paris, et dotée d'une bonne acoustique, La Cigale était le meilleur endroit pour accueillir le revenant.
C'est par un public en surchauffe totale, qui s'était arraché en quelques secondes les billets de ce premier retour Parisien lors de leur mise en vente, que Cantat fut accueilli sur scène. Le concert commença par "Ma muse", le morceau qui ouvre l'album de Détroit. Très vite on perçoit que le combo précité, à l'instar de Noir Déz n'est pas sur scène pour faire un "copier coller" de ses disques. C'est donc une version habitée, portée par l'intensité d'un long crescendo qu'offre le groupe qui a tôt fait de convaincre l'assistance que Cantat n'est pas uniquement là pour relever les compteurs.
Après un second titre de leur album, la troupe enchaîne par le premier "vieux" titre de la soirée : Des visages des figures. L'annonce de la chanson éponyme du dernier album de Noir Désir provoque inévitablement une clameur dans le public. Cette chanson fait partie des morceaux qui sont le plus proche de l'univers de Détroit. Car ce début de concert nous montre que Détroit a sa singularité propre et se démarque de Noir Désir par bien des aspects . Si La basse de Pascal Humbert est bien plus présente et métronomique que l'était celle de Jean-Paul Roy et apporte une vraie identité à l'ensemble, les fans hardcore de Noir Désir s'apercevront vite que la guitare de Détroit n'a pas l'ampleur, l'incandescence et la rage qu'avait celle de Serge Teyssot-Gay.
Détroit excelle dans les morceaux aux tempos lents et intenses plutôt que dans les grandes envolées électriques. Des morceaux comme le Creux de ta main ou Lazy comparé à des titres comme le Fleuve ou à ton Etoile illustrent bien ce propos. Certains morceaux de Détroit, comme Null and Void ou encore Glimmer in your eyes, paraissent un peu anecdotiques, d'autres comme Ange de la désolation ou Droit dans le soleil sont bien lugubres, même s'ils sont porteurs d'une ferveur et d'un poids émotionnel non dissimulé.
A ce moment du concert et à l'exception de Ma Muse, on pourrait penser que les nouveaux morceaux, malgré leur qualité, ne sont pas à la hauteur des morceaux historiques. C'est lorsqu'on se fait cette réflexion que Détroit vient nous contredire et retourne toute la salle avec le titre " Sa Majesté". Complètement habité et s'éloignant énormément de la version discographique, ce titre de Détroit impose sa marque et met tout le monde d'accord et restera l'un des grands moments du concert. On sent que Détroit a énormément bossé et répété cette tournée. On aimerait voir des concerts de cette qualité et de ce professionnalisme plus souvent.
L'heure est désormais aux titres historiques avec Un jour en France, Fin de siècle, une version discoïde exceptionnelle de Tostaky qui a vu la fosse s'embraser comme aux grandes heures de Noir Désir. Le concert se conclura pour le plus grand bonheur du public par "le vent nous portera" et "Comme elle vient" sous une ovation dithyrambique, à tel point que le concert se prolongera par une session acoustique en dehors de la salle Boulevard Rochechouart pour apaiser la frustration d'un public qui aurait voulu un rappel de plus. Ce retour au premier plan de Cantat est donc une vraie réussite pleine d'émotions et de générosité, que l'on osait espérer. Pour autant son groupe s'appelle désormais Detroit et plus Noir Désir. L'approche, même se elle reste similaire et extrêmement qualitative, s'éloigne quand même de l'osmose incandescente, de la puissance, de l'intransigeance et de la théâtralité que Noir Désir pouvait avoir sur scène. Cela n'empêchera pas Cantat de continuer de faire de grands concerts avec on l'espère d'avantage de morceaux du Niveau de ma muse et sa majesté au milieu de grands titres de Noir Désir. J'aimerais d'ailleurs beaucoup entendre "En route pour la joie", "Joey", "Marlène", " Si rien ne bouge", A l'arrière des taxis en version Détroit...
Photos prises par Pirlouiiit au concert de Marseille...
Critique écrite le 17 juin 2014 par Lol
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