Chronique de Concert
Dirty Farmers + Goddamn Gallows
Soirée à contre courant mercredi soir où les sirènes du foot s'ancrent tout autour d'un Molotov peu rempli malgré l'affiche prometteuse : du hobocore venu tout droit de la rust belt américaine. Les vidéos live sont démentes, ça sent la communion crasse et poisseuse ; on n'a pas été déçus. Le Molotov climatisé et sa playlist Deezer spéciale ‘folklore à boire anglophone' nous met dans l'ambiance et la salle se remplit d'un public bigarré entre fiftoses gomina pour les garçons et éventails pour les filles, country-girls, rude boys et autres brebis égarées.
Montent sur scène les locaux de Dirty Farmers , cap de trucker et chemise de bûcheron, qui distillent du hillbilly punkifié sauce marécage, avec un duo de guitares, sèche et électrique, une batterie droite au but et une contrebasse rondement slappée. Le chant alterne entre voix nasale 100% redneck et le beau timbre chaud et mélodique de Marianne, dont on regrettera qu'elle ne chante que sur deux morceaux.
On notera au passage les clins d'il un peu inégaux aux grands classiques des Pogues ( Vielle ville sale ), des Dead Kenn ( Viva Las Vegas ), voire même à l'homme qui tombe à pic , dans une tentative de camarguiser le bayou, avant de chanter à la gloire du poulet, comme l'aurait fait un Hasil Adkins dans son trailer du West Virginia.
Ça fonctionne plutôt bien, et s'ils n'arrivent pas à être booké dans des festivals country, ça doit être à cause des line dancers qui trébucheraient tous. Ça tombe bien (ha !), on les préfère au Molotov .
Après des balances à l'américaine, débarquent les Goddamn Gallows . Oh bordel. Avant même que l'accordéoniste ne joue avec sa salive, on les observe à distance. Leur artillerie est lourde : banjo pentagramme, guitare archtop, washboard avec un astucieux système d'accrochage au gaffer (que j'ai pu moi-même tester...), deux cuillères d'une propreté douteuse, accordéon avec le sticker à la Guthrie "This machine kills careers", mandoline, batterie.
Recouverts de tatouages des pieds à la tête -ce qui occasionne un grand débat pour savoir si l'accordéoniste arbore un Karl Mark ou un Jules verne sur le ventre- grosses barbes ou dreads-lianes, avec des tronches de hobos repris de justice, on sait à l'avance qu'on va se prendre une grosse décharge. Dès les premières secondes, on en a la confirmation : le son est ultra massif, le batteur sur-tatoué n'hésite pas à user de la double pédale et la voix rocailleuse à la Beatman nous enfonce six pieds sous terre.
Ça part dans tous les sens, entre americana survolté, hillbilly caverneux et ballades voodoos, tout ça rincé à l'eau en plastique. Même pas au mauvais bourbon. Mais au-delà de ça, on a vraiment l'impression de faire partie d'un freakshow, entre les grimaces et les rires de train fantôme du frontman, les clowneries de l'accordéoniste avec ses tours de magie décadents ou le ficelage de la foule au jack (le câble, pas le daniels), un cirque peuplé de forains déglingués, une foire au monstres option bayou du nord-est des US.
Dans Maléfices, le polardeux Maxime Chattam décrit Portland dans l'obscurité : "Encerclé de forêts à l'est, d'un immense parc sur une colline à l'ouest et contenue au nord par la rivière Columbia, Portland brillait dans la nuit, semblable à une plate-forme pétrolière perdue en pleine mer d'ombres." Ça colle à leur ambiance comme un crachat au fond d'une cuillère. Après une série de morceaux plus calmes, le batteur prend le mic version hxc d'une voix criarde et tellement rageuse qu'on est prêt à vendre père ou mère pour ne pas avoir à le croiser dans un wagon de marchandises.
Après plus d'une heure d'un véritable show, on en ressort lessivé, assassiné même, par le gun imaginaire du frontman. Le "One More" scandé en chur n'aura pas suffi à les faire revenir, mais on ne peut leur en tenir rigueur -d'ailleurs on ne s'amusera pas à les faire chier tout court hein- vu leur tournée marathon en Europe qui déroule jusqu'au 6 août avec un unique day off, avant de repartir en terre natale pour la préparation d'un sixième album.
À minuit et demi, on sort du Molotov , on ne sais pas qui est en demie finale, mais on a bien fait de sauter du train en marche.
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Critique écrite le 08 juillet 2016 par odliz
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