Chronique de Concert
Dominique A. (Les Correspondances de Manosque)
En pénétrant à l'intérieur, on réalise qu'en fait la salle est archicomble. Quelques chaises, des gens assis par terre, du monde partout. Pour l'intimité il faudra privilégier la méthode Coué. Un coup d'œil panoramique laisse entrevoir des têtes connues : JP Nataf, Marie Modiano, Arnaud Cathrine, Oshen, Nevchehirlian, Olivier Adam... Les festivaliers se concentrent ici ce soir.
Le site internet "Comment certains vivent" nous avait prévenu "ce n'est pas un concert". Une lecture donc. Mais à quoi s'attendre ? Des textes de chansons, des extraits de son dernier livre ? A voix basse, les uns et les autres spéculent. Sur scène : un pupitre, deux micros. Dominique A. entre sous les applaudissements. Les spots braquent une lumière constante sur lui. Guitare en bandoulière il entame la lecture d'"Y revenir".
L'homme-paysage lit des pages tirées de son récit paru chez Stock en mai dernier. Il y pose des accords, alterne, superpose, cale des morceaux quand le texte s'y prête. Ainsi, "Partir" de Gisor , "rue des marais", "retour au quartier lointain" , "tout sera comme avant" ... viennent s'intégrer à cette lecture musicale. Pieds sur ses pédales, il balance des boucles parfois obsédantes. Sa langue fourche par endroits, lui s'en veut peut-être, ces éraflures maintiennent pourtant le fil tendu vers son public : de l'humanité qui rassure et nous rapprochent un peu plus. Sur les lèvres de certains glissent les paroles de ses chansons. D'autres gardent les yeux fermés pour mieux s'imprégner peut-être du parcours déployé. Dominique A. nous mène sur ses pas d'enfants, sur ce qui le lie à sa ville natale, Provins, cité médiévale aux contours intimes.
Et puis il est question des bords de la Vilaine, Close west s'annonce à coup de riffs reconnaissables. Le paysage prend corps. L'eau ruisselle sur son crâne, ses traits se muent en routes sinueuses, ses mains balaient des vents venus de loin. La chemise est sombre , le noir est omniprésent, j'y vois l'hommage à l'Eloge de l'ombre de Tanizaki où dans le dépouillement des maisons obscures les statues d'or éclairaient, où la patine du temps valait mille fois l'éclat du neuf. Les textes et le visage de Dominique A., mineur de fond/lumière frontale, nous entraînent dans ses entrailles, là où tout a commencé.
L'instant touche à sa fin. Un rappel. Il revient, échange quelques mots avant de nous offrir le Convoi, extrait du sublime "Vers les lueurs" sorti lui aussi en 2012. Année dense. En mars ressortait sa discographie remasterisée et truffée d'inédits. Sa guitare sature la salle, deux vieilles se bouchent les oreilles, d'autres secouent la tête frénétiquement. Des "bravo" se font entendre. La salle se rallume. Le public se disperse. Nous sortons, contaminées par sa présence. Le bruit de nos pas sur le gravier prolonge encore ce moment précieux.
Critique écrite le 07 octobre 2012 par Aureza
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