Chronique de Concert
Dookoom
Dookoom , c'est un seau d'eau croupie dans ta gueule, un vrai saut dans le vide. C'est la voix noire et outcast de l'Afrique du Sud, celle qui balance des pétroliers d'encre sur "la nation arc en ciel".
Dookoom , c'est l'ombre qui te colle à la peau, le revers de la médaille, le retour du boomerang.
Le spectateur dans son coin peut n'y voir qu'une clique de rappeurs flippants s'engrainer de "fuck you" et de regards mauvais. La panoplie bad boy classique. Celui ou celle qui va fouiller, creuser la substance, se confronter à eux se heurte à une vraie démarche, une rage surpuissante et enracinée, un discours construit et sans concession sur l'état des lieux en Afrique du Sud, l'exploitation, l'apartheid, les faux semblants. Elle ou il va sentir le regard déterminé, les cauchemars sous la peau, les coups de sang alimentés par la peur, la colère, la baise et la défonce locale. Ce soir, c'est vodka, à grande rasade pour le public trop parsemé que le groupe n'arrête pas de vouloir rapprocher.
Dookoom , soit Isaac Mutant et Human Waste aux mics, Wade Potts Brown à la batterie et Spooky à la danse possédée, au pogo massif et à l'incitation à la catharsis, plus des instrus déglinguées en arrière plan. Quatre entités qui tabassent d'entrée au visuel, et qui te prennent dans les bras en fin de concert après un rappel en forces inversées : le public sur scène et le groupe dans la fosse. Partage d'énergie, échange de rages légitimes, construites, instruites.
Pas étonnant qu'ils fassent trembler l'Afrique du Sud, Larney Jou Poes , qu'on pourrait traduire par "Va te faire foutre, patron" n'est pas qu'un cri de haine : c'est un long ressentiment jalonné de la chronologie d'une histoire de l'ombre. On t'exploite depuis quatre siècles et maintenant on te dit que tout va bien, qu'est ce que t'attends pour sourire aux touristes ? Dookoom remet les pendules à l'heure. C'est non seulement jouissif mais putain de courageux. Et ouais, les majeurs en l'air, on a aussi envie de les lever ; c'est pas du décorum, c'est un acte de dignité.
Musicalement, c'est encore une claque ; les instrus sont épaisses mais dansantes, poisseuses et pourtant libératrices, entre trap, grime et de la bass music pour une énergie résolument punk. Isaac Mutant, pieds nus, et Human Waste, arborant le dossard du crew, se partagent le flow où l'agressivité rejoint la transe, martelées par la batterie en back-up. Spooky et son visage maquillé tatouage comme un masque tribal ou mortuaire rajoute de l'épilepsie jubilatoire au trio.
Une claque, on vous dit. Et signé sur le pointu label marseillais et nomade, IOT Records . La classe.
À voir et à écouter d'urgence >>
https://dookoom.bandcamp.com/
https://laplateforme.audio/IOT_Records/video/354
Critique écrite le 28 mars 2018 par odliz
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