Chronique de Concert
Drôles de Drames (festival Avec le Temps 2015)
Ou alors faire confiance. Et c'est sans doute la confiance qui a guidé mes pas ce soir, sur la base des judicieux conseils de Pirlouiiiit et des quelques chroniques de concerts sur concertandco, mais qui remontent désormais ... à une petite éternité. Et puis, il faut bien l'avouer, bénéficier aussi, d'un peu de chance : celle d'avoir croisé de loin, le chanteur à L'Eolienne quelques jours auparavant, lors d'un autre concert. Et de sentir que rater cette date (rare) serait une erreur.
Car Jean-Jacques Blanc est un phénomène à lui tout seul, dans le civil comme sur les planches. Disons-le tout net, l'Eolienne semble ce soir remplie de fans de la première heure, ou de personnes-satellites de ses, semble-t-il, multiples autres activités et implications culturelles ("Le Bouillon Marseillais ",...). L'ovation et la bonne humeur qui accompagnent l'arrivée de Drôles de Drames est assez impressionnante. A tel point que la soirée prend comme un parfum de soirée entre amis, fêtant le retour du groupe et de son chanteur charismatique sur scène. Au grand dam, sans doute, de la portion restante du public, néophytes et sans attaches particulières avec ce petit cercle, et qui aura peut-être un peu plus de mal à entrer pleinement dans le vif de la soirée. Et là, il faudra tout le talent du chanteur et de ses deux musiciens pour accrocher ces brebis perdues au milieu des discussions à haute voix et des blagues fusant du public, virant même parfois aux private-jokes entre le leader et ces fans.
Heureusement pour moi, le groupe est parvenu à m'emporter au-dessus de tout ça.
Par la forme tout d'abord, mélange de bonne humeur, de voyage en chanson et de performance théâtrale. A en croire les traces laissées ça et là par le groupe depuis 2004, si le projet semble évoluer en permanence avec le temps (exit contrebassiste, exit violoniste ?), la signature semble demeurer, principalement incarnée par son leader. Présence et jeu de scène totalement bluffants, large sourire communicatif, sens de l'humour et de la répartie à la gâchette facile. Et surtout un incontournable kilt rouge (voir Jean-Jacques Blanc suivre le fil de sa setlist sur son pupitre, tout en s'essuyant les lunettes dans le pan de son kilt est indéniablement quelque chose à voir...).
Le tout enveloppé d'une musique aux atmosphères enivrantes et bigarrées. Oh rien de tape-à-l'oeil dans les interprétations des (trop effacés) José Dos Santos (guitare) et Remy Chaillan (batterie). Ou même de Jean-Jacques Blanc en personne (guitare, flûtes, ...) ! Mais plutôt nourries aux nuances subtiles. Et par-dessus tout, une capacité à nous faire voyager par sauts successifs, entre chanson, blues, fado, jazz, scat ou autres pas de côté, et nous faire perdre l'équilibre en nous déposant, à chaque interlude, dans un coin différent de la géographie ou du temps.
Par les textes ensuite. Une véritable série de grands écarts entre humour, auto-dérision, humeurs du temps, ou spasmes amoureux. Et avec un verbe qui fait mouche. " Les deux pieds en éventail, l'étrange souvenir m'assaille [...] Mais toujours il se taille. Est-ce mon effet épouvantail ? ". Plus tard, le souvenir d'un abandon amoureux sous la forme d'une , "juste digestion, après avoir été mâché ". Parfois plus vif : " Je ne sais rien, c'est Fernando qui sait ", sur une chanson inspirée du manifeste de Fernando Pessoa et qui se résumait en trois mots, un " putain de merde ! " (sic). Ou encore un drôle et décalé Keanu Reeves (" Keanu Reeves (qui nous rive) au fauteuil, quand sur l'écran, il nous fait de l'oeil "). Et bien entendu, la désormais (semble-t-il) incontournable " Barquette ", quasi-hymne, telle un étendard, tant cette chanson semble devancer le groupe. " Et voilà, on se casse la tête à écrire des textes, et au final, le public ne redemande que cette chanson ... (sic) ". Des mélodie et des mots qui pénètrent et ne lâchent pas facilement (et sourire en entendant quelques membres du public, fredonner Léger, en attendant leur consommation au bar de l'Eolienne). L'interprétation en portugais, renforçant ici ou là, le côté poétique ou dramatique.
Et par la performance enfin. Car si Drôles de Drames est un groupe, la présence, l'interprétation - la nature-même - de son comédien-chanteur est écrasante. Un peu trop même. Il n'empêche, les yeux fermés, un doigt planté sur le front, abandonné, il nous souffle avec un " Je ne pense à rien. Cette chose centrale qui n'est rien, m'est agréable ". Ou bien lors d'un " Je suis seul. Et personne pour dire que je suis un mec bien ". Là, curieusement, plus personne ne rit du loufoque bout-en-train en kilt. Séducteur, fou, drôle ou dramatique, Jean-Jacques Blanc est incroyable de justesse, hypnotisant, se donnant totalement, au point de se (nous) perdre un peu trop tôt, dans les deux derniers morceaux du concert.
Mais la particularité de cette date-là ne vaut certainement pas généralité. Et les prochaines performances ne sont à manquer sous aucun prétexte.
Critique écrite le 30 mars 2015 par Flag
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