Accueil
Chronique de concert Earth + SunnO)))
Mercredi 4 décembre 2024 : 6454 concerts, 27246 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Chronique de Concert
Earth + SunnO)))
"Excuse-moi, tu ne viendrais pas de Reims ? Si, de l'IUT ? Ouah ! Il faut que je te salue ! Jamais j'aurais cru que quelqu'un de l'IUT informatique aime ce genre de musique !" Un grand ébouriffé sert la main d'un brun frisé (comme King Buzzo pour les experts) avec un anneau entre les narines. C'est émouvant... A l'issue de ce concert, je peux comprendre le sentiment accablant de profonde solitude d'un fan d'Earth ou/et de SunnO))).
Moi aussi je viens de Reims, moi aussi je me sens seul, mais je ne suis fan ni d'Earth, ni de SunnO))), surtout APRES ce concert.
Je suis venu le sourire aux lèvres en curieux impatient d'entendre de mes propres oreilles quelle réalité recouvre le terme de drone rock. Je me souvenais aussi d'une chronique chez foutraque par une certaine Charlotte K. Il n'y a pas si longtemps. En avril, quand SunnO))) a joué au Nouveau Casino. Il y avait cette phrase : "Le trouble des premières minutes, le frisson s'effacent pour laisser place à une hypnose quasiment effrayante". D'autres expressions pleines de promesses.
Ce soir, le Point éphémère affiche complet. Libération a publié un article et je crois que cela a suffi à attirer un solide contingent d'amateurs de sensations fortes et autres paires d'oreilles curieuses. J'ai en effet du mal à accepter l'idée qu'autant de gens se soient déplacés en connaissance de cause, qu'autant de gens aiment sincèrement Earth et surtout SunnO))). A jeun, en tout cas.
La drogue a joué un rôle central dans les premiers pas d'Earth, le groupe dont Dylan Carlson est le leader. Dylan nous vient de la côte Ouest des Etats-Unis. Du Nord, vers Seattle et Olympia. Un ancien copain de Kurt Cobain. Ancien ... fatalement... C'est lui qui lui a vendu le fusil avec lequel il s'est guéri de la migraine. On le voit d'ailleurs dans le documentaire de Nick Broomfield, Kurt et Courtney, une canette à la main, répondant de manière autant vaseuse qu'évasive aux questions du réalisateur fouille-merde. C'était en 1997.
Dylan a dû vider bien d'autres bières depuis. Il est en effet bien difficile de le reconnaître en la personne du vieux taulard bedonnant et tatoué qui s'est placé avec sa guitare au centre de la scène. Même la voix. Je ne sais pas par quels drames il a pu passer, mais cette voix sonne comme un stigmate. Enfin, aujourd'hui est une période heureuse. Après un long sommeil, Earth a enregistré son premier disque depuis neuf ans (Hex chez Southern Lord) et les voici en tournée européenne avec leurs héritiers SunnO))). Et ce soir, c'est complet. Mieux que ça, le public réagit positivement aux morceaux. Mieux que ça, il connaît les morceaux. Le troisième titre est ainsi accueilli par de vifs applaudissements et un murmure collectif de contentement.
Pourquoi, les spectateurs ont pu réagir plus à un morceau qu'à un autre, cela reste pour moi une énigme ?
Car pour moi, le set d'Earth s'est résumé à une traversée du désert au ralenti. Le néant, au rythme d'une image par heure.
Earth est à l'origine de ce courant musical que certains appellent le drone rock. Un style qui pourrait se définir comme la réduction du métal à une seule note étirée à l'infini. Sur la scène du Point Ephémère, Earth c'était cinq personnes. Une batteuse, deux guitaristes, un bassiste et un joueur de trombone. Ils ont joué quatre ou cinq morceaux. Chacun durant au moins dix minutes. Et chacun se résumant à Dylan jouant les trois mêmes accords de guitare en boucle (évoquant les compositions western d'Ennio Moriconne), sur un rythme très lent et au-dessus du bourdonnement généré par les trois musiciens restants. Chaque morceau avait exactement la même structure. Il arrive des fois que l'on dise d'un groupe qu'il joue qu'une seule et même chanson. Il s'agit la plupart d'un jugement assez caricatural. Ici, ce n'est pas une blague. Le même morceau cinq fois. Un groupe de bègues.
"Jouer de la guitare est la chose que je préfère. Je joue tous les matins, très tôt, pendant deux heures. Lentement. Le plus lentement possible. J'aime cette musique quand elle fait du surplace, quand elle ne se résoud pas immédiatement. Je n'aime rien tant que jouer des notes en suspension. La nuit, avec Adrienne, on improvise longtemps des riffs qui finiront par donner des chansons. C'est ça la méthode."
Ces propos éclairants sont de la bouche même de Dylan Carlson, tirés de l'interview qu'il a accordée à Philippe Azoury pour Libération (Adrienne c'est le prénom de la batteuse, elle a aussi été la compagne d'un boxeur, y a longtemps durant les années 80).
Pour être juste, je me dois de préciser que le dernier morceau fut un peu plus enlevé. Le trombone, dont depuis le début je n'arrivais pas à distinguer quels sons il émettait, s'est lancé dans un bref solo cuivré.
C'est tout. Rien de plus.
Ce n'est pas grand-chose. Mais c'est encore beaucoup trop pour SunnO))). La musique ça peut être encore moins. Pourquoi du rythme ? Pourquoi des accords ? Pourquoi un début et une fin ? J'exagère là. J'ai quand même pu faire la différence entre le moment où il jouait et celui où ils sont rentrés chier dans leur loge. Il y avait un piège. Mais j'ai bien reconnu le bruit non amplifié de leurs trous du cul.
Ce qui m'interdit d'écrire que c'est de la musique de trou du cul. De toute façon, cette dénomination est déjà prise (connaissez-vous les Butthole Surfers ?, ça c'est sauvage).
Sans être grossier et en m'approchant d'une certaine forme de vérité (la mienne), on pourra résumer le concept par le qualificatif de fumeux. C'est très exactement cela. SunnO))) = fumée. L'instrument principal de SunnO))), celui autour duquel tout s'organise, ce n'est pas les guitares qu'ils ne cessent de brandir comme de saintes reliques, non c'est le puffer, la fog machine, cet appareil qui inonde la scène de fumée. C'est ça leur truc, ce qui les rend à nul autres pareils.
Pffffffffffffffffffffffff..... Pffffffffffffffffffffffff..... Pffffffffffffffffffff..... Et encore pffffffffffffffffffff.... Sans discontinuer pffffffffffffffffff.... Imperturbables, les machines placées sur le devant de la scène vont diffuser des mètres cubes de fumée. Les musiciens ne monteront sur scène pfffffffffffffffffffff... que quand celle-ci sera totalement pffffffffffffff... envahie d'une épaisse pfffffffffffffumée impénétrable aux regards du public. On ne voit rien. On n'entend juste, broommzzzxxwww. D'ailleurs ce n'est pfffffffffffffff .... broommzzzxxwww pas totalement saugrenu pfffffffffff .... Au moins le spectateur ne se laisse broommzzzxxwww pas détourné par d'inutiles scories visuelles, toute son attention pfffffffffffffff.... peut se tourner vers broommzzzxxwww la musique. Cela manque peut-être de clarté pour vous, mais "broommzzzxxwww", c'est la seule et unique musique jouée par les musiciens durant l'heure et demi de concert. Une heure et demi, il faut bien ça pour le novice, le temps de ressentir toutes les nuances du broommzzzxxwww.
"J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans, mais sur la fin ça le faisait grave", ai-je entendu à ma sortie sur le bord du canal Saint-Martin, comme quoi, on a beau dire, ces Américains, ils en ont là-dedans. De la suite dans leur idée (au singulier attention).
SunnO))) a été formé en hommage à Earth qui avait intitulé l'un de ses albums live, Sunn Amps and smashed guitars. Disciples zélés, ils ont décidé de perpétuer le message dronesque, en le réduisant à son essence absolue, le broommzzzxxwww : un bourdonnement érigé en mantra religieux.
Derrière le rideau de fumée, les membres de SunnO)), vêtus de très longues robes de moine, la tête recouverte par d'immenses capuchons, manient leurs guitares devant un mur d'amplis. La gestuelle est limitée. Il n'y a que trois positions possibles. Une avec la main vide brandie en l'air. Une avec le dos courbé et la main sur les cordes. Et la dernière, le corps dressé vers le ciel, la guitare portée au-dessus de la tête. Il y a aussi un gars qui n'a pas de guitare. C'est celui qui a la barbe la plus chétive du lot. Ils ont dû le punir.
Alors, il se retrouve derrière un pupitre avec des boutons à son sommet et des pédales à sa base. Y a écrit Moog dessus, mais je n'ai pas compris. Un trombone est apparu à un moment, vers les trente dernières minutes. Cela devait être le musicien d'Earth, mais pour ne pas qu'on le reconnaisse, en plus de la robe et du capuchon, il portait une serviette rouge qui cachait le bout de son nez et tout ce qu'il y avait derrière le nez. Ca ne changeait absolument rien au broommzzzxxwww. C'était toujours la même musique. Les seules notes discordantes sont venues d'un chanteur, apparu au tiers de la performance. Lui aussi, seulement trois positions au catalogue dont une avec le micro devant la bouche, la bouche qui crie des bruits, à intervalles très réguliers.
L'intention de départ de Steve O'Malley et de Greg Anderson, le noyau fondateur de SunnO)) était de créer une musique qui agisse sur les intestins de l'auditeur. Que ça lui donne envie de quitter la salle pour aller déféquer.
Entre nous : quel manque d'ambition ! Ce serait tellement plus intéressant, que le public fasse sur lui, dans l'instant, en pleine salle, une odeur de merde proooouuuutttt monterait ainsi progressivement au-dessus du broommzzzxxwww et du pfffffffff...
Enfin, pour ma part, je n'avais rien à offrir que de la bière, mon aliment principal avec le fromage. Je suis allé tout de même aux toilettes à la fin du broommzzzxxwww pour vérifier l'effet qu'avait pu avoir SunnO)) sur les intestins de mes camarades. Hormis, un graffiti mensonger "Bertrand Lasseguette est le meilleur coup de Paris" (j'habite dans la Marne), rien à signaler. Un vrai public de constipés. Putain, pour qui on va passer ? Des monstres insensibles ?
Sérieusement, comme dirait un certain président, "ça m'en a touché une sans me toucher l'autre". C'est joli comme tout, leur idée de bal masqué, la fumée, les barbes, les costumes, mais n'est pas la Compagnie Créole qui veut. J'aurais aussi bien pu partir dès la première seconde. Tout était dit. Même pas peur. Des infrabasses toutes molles, juste bonnes à déplacer les bouteilles plastiques posées sur la scène. C'est mou, vide, triste, ridicule, ennuyeux. Ca m'a surtout questionné quant au comportement d'un musicien drone dans la vie quotidienne. Quand on voit les efforts fournis pour ne rien dire. J'imagine un dialogue entre O'Malley et Carlson :
- ............
- Par-le paaas trooop viiii-te, je cooom-prends pas.
- . . . . . . . . . . .
- Puuuu-taiiin, tu as en-cooo-re pris du speeeeeed, ar-ti-cuuu-le.
- . . . . . . . . .
- Yeee-aaah, t'es vraiiment wiiiiild tooaaa.
NB : bravo tout de même à l'ingénieur du son, aussi vide soit-elle cette musique aurait pu être dangereuse pour les oreilles, ce qui ne fut pas le cas, de plus des bouchons d'oreille étaient distribués à l'entrée.
Moi aussi je viens de Reims, moi aussi je me sens seul, mais je ne suis fan ni d'Earth, ni de SunnO))), surtout APRES ce concert.
Je suis venu le sourire aux lèvres en curieux impatient d'entendre de mes propres oreilles quelle réalité recouvre le terme de drone rock. Je me souvenais aussi d'une chronique chez foutraque par une certaine Charlotte K. Il n'y a pas si longtemps. En avril, quand SunnO))) a joué au Nouveau Casino. Il y avait cette phrase : "Le trouble des premières minutes, le frisson s'effacent pour laisser place à une hypnose quasiment effrayante". D'autres expressions pleines de promesses.
Ce soir, le Point éphémère affiche complet. Libération a publié un article et je crois que cela a suffi à attirer un solide contingent d'amateurs de sensations fortes et autres paires d'oreilles curieuses. J'ai en effet du mal à accepter l'idée qu'autant de gens se soient déplacés en connaissance de cause, qu'autant de gens aiment sincèrement Earth et surtout SunnO))). A jeun, en tout cas.
La drogue a joué un rôle central dans les premiers pas d'Earth, le groupe dont Dylan Carlson est le leader. Dylan nous vient de la côte Ouest des Etats-Unis. Du Nord, vers Seattle et Olympia. Un ancien copain de Kurt Cobain. Ancien ... fatalement... C'est lui qui lui a vendu le fusil avec lequel il s'est guéri de la migraine. On le voit d'ailleurs dans le documentaire de Nick Broomfield, Kurt et Courtney, une canette à la main, répondant de manière autant vaseuse qu'évasive aux questions du réalisateur fouille-merde. C'était en 1997.
Dylan a dû vider bien d'autres bières depuis. Il est en effet bien difficile de le reconnaître en la personne du vieux taulard bedonnant et tatoué qui s'est placé avec sa guitare au centre de la scène. Même la voix. Je ne sais pas par quels drames il a pu passer, mais cette voix sonne comme un stigmate. Enfin, aujourd'hui est une période heureuse. Après un long sommeil, Earth a enregistré son premier disque depuis neuf ans (Hex chez Southern Lord) et les voici en tournée européenne avec leurs héritiers SunnO))). Et ce soir, c'est complet. Mieux que ça, le public réagit positivement aux morceaux. Mieux que ça, il connaît les morceaux. Le troisième titre est ainsi accueilli par de vifs applaudissements et un murmure collectif de contentement.
Pourquoi, les spectateurs ont pu réagir plus à un morceau qu'à un autre, cela reste pour moi une énigme ?
Car pour moi, le set d'Earth s'est résumé à une traversée du désert au ralenti. Le néant, au rythme d'une image par heure.
Earth est à l'origine de ce courant musical que certains appellent le drone rock. Un style qui pourrait se définir comme la réduction du métal à une seule note étirée à l'infini. Sur la scène du Point Ephémère, Earth c'était cinq personnes. Une batteuse, deux guitaristes, un bassiste et un joueur de trombone. Ils ont joué quatre ou cinq morceaux. Chacun durant au moins dix minutes. Et chacun se résumant à Dylan jouant les trois mêmes accords de guitare en boucle (évoquant les compositions western d'Ennio Moriconne), sur un rythme très lent et au-dessus du bourdonnement généré par les trois musiciens restants. Chaque morceau avait exactement la même structure. Il arrive des fois que l'on dise d'un groupe qu'il joue qu'une seule et même chanson. Il s'agit la plupart d'un jugement assez caricatural. Ici, ce n'est pas une blague. Le même morceau cinq fois. Un groupe de bègues.
"Jouer de la guitare est la chose que je préfère. Je joue tous les matins, très tôt, pendant deux heures. Lentement. Le plus lentement possible. J'aime cette musique quand elle fait du surplace, quand elle ne se résoud pas immédiatement. Je n'aime rien tant que jouer des notes en suspension. La nuit, avec Adrienne, on improvise longtemps des riffs qui finiront par donner des chansons. C'est ça la méthode."
Ces propos éclairants sont de la bouche même de Dylan Carlson, tirés de l'interview qu'il a accordée à Philippe Azoury pour Libération (Adrienne c'est le prénom de la batteuse, elle a aussi été la compagne d'un boxeur, y a longtemps durant les années 80).
Pour être juste, je me dois de préciser que le dernier morceau fut un peu plus enlevé. Le trombone, dont depuis le début je n'arrivais pas à distinguer quels sons il émettait, s'est lancé dans un bref solo cuivré.
C'est tout. Rien de plus.
Ce n'est pas grand-chose. Mais c'est encore beaucoup trop pour SunnO))). La musique ça peut être encore moins. Pourquoi du rythme ? Pourquoi des accords ? Pourquoi un début et une fin ? J'exagère là. J'ai quand même pu faire la différence entre le moment où il jouait et celui où ils sont rentrés chier dans leur loge. Il y avait un piège. Mais j'ai bien reconnu le bruit non amplifié de leurs trous du cul.
Ce qui m'interdit d'écrire que c'est de la musique de trou du cul. De toute façon, cette dénomination est déjà prise (connaissez-vous les Butthole Surfers ?, ça c'est sauvage).
Sans être grossier et en m'approchant d'une certaine forme de vérité (la mienne), on pourra résumer le concept par le qualificatif de fumeux. C'est très exactement cela. SunnO))) = fumée. L'instrument principal de SunnO))), celui autour duquel tout s'organise, ce n'est pas les guitares qu'ils ne cessent de brandir comme de saintes reliques, non c'est le puffer, la fog machine, cet appareil qui inonde la scène de fumée. C'est ça leur truc, ce qui les rend à nul autres pareils.
Pffffffffffffffffffffffff..... Pffffffffffffffffffffffff..... Pffffffffffffffffffff..... Et encore pffffffffffffffffffff.... Sans discontinuer pffffffffffffffffff.... Imperturbables, les machines placées sur le devant de la scène vont diffuser des mètres cubes de fumée. Les musiciens ne monteront sur scène pfffffffffffffffffffff... que quand celle-ci sera totalement pffffffffffffff... envahie d'une épaisse pfffffffffffffumée impénétrable aux regards du public. On ne voit rien. On n'entend juste, broommzzzxxwww. D'ailleurs ce n'est pfffffffffffffff .... broommzzzxxwww pas totalement saugrenu pfffffffffff .... Au moins le spectateur ne se laisse broommzzzxxwww pas détourné par d'inutiles scories visuelles, toute son attention pfffffffffffffff.... peut se tourner vers broommzzzxxwww la musique. Cela manque peut-être de clarté pour vous, mais "broommzzzxxwww", c'est la seule et unique musique jouée par les musiciens durant l'heure et demi de concert. Une heure et demi, il faut bien ça pour le novice, le temps de ressentir toutes les nuances du broommzzzxxwww.
"J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans, mais sur la fin ça le faisait grave", ai-je entendu à ma sortie sur le bord du canal Saint-Martin, comme quoi, on a beau dire, ces Américains, ils en ont là-dedans. De la suite dans leur idée (au singulier attention).
SunnO))) a été formé en hommage à Earth qui avait intitulé l'un de ses albums live, Sunn Amps and smashed guitars. Disciples zélés, ils ont décidé de perpétuer le message dronesque, en le réduisant à son essence absolue, le broommzzzxxwww : un bourdonnement érigé en mantra religieux.
Derrière le rideau de fumée, les membres de SunnO)), vêtus de très longues robes de moine, la tête recouverte par d'immenses capuchons, manient leurs guitares devant un mur d'amplis. La gestuelle est limitée. Il n'y a que trois positions possibles. Une avec la main vide brandie en l'air. Une avec le dos courbé et la main sur les cordes. Et la dernière, le corps dressé vers le ciel, la guitare portée au-dessus de la tête. Il y a aussi un gars qui n'a pas de guitare. C'est celui qui a la barbe la plus chétive du lot. Ils ont dû le punir.
Alors, il se retrouve derrière un pupitre avec des boutons à son sommet et des pédales à sa base. Y a écrit Moog dessus, mais je n'ai pas compris. Un trombone est apparu à un moment, vers les trente dernières minutes. Cela devait être le musicien d'Earth, mais pour ne pas qu'on le reconnaisse, en plus de la robe et du capuchon, il portait une serviette rouge qui cachait le bout de son nez et tout ce qu'il y avait derrière le nez. Ca ne changeait absolument rien au broommzzzxxwww. C'était toujours la même musique. Les seules notes discordantes sont venues d'un chanteur, apparu au tiers de la performance. Lui aussi, seulement trois positions au catalogue dont une avec le micro devant la bouche, la bouche qui crie des bruits, à intervalles très réguliers.
L'intention de départ de Steve O'Malley et de Greg Anderson, le noyau fondateur de SunnO)) était de créer une musique qui agisse sur les intestins de l'auditeur. Que ça lui donne envie de quitter la salle pour aller déféquer.
Entre nous : quel manque d'ambition ! Ce serait tellement plus intéressant, que le public fasse sur lui, dans l'instant, en pleine salle, une odeur de merde proooouuuutttt monterait ainsi progressivement au-dessus du broommzzzxxwww et du pfffffffff...
Enfin, pour ma part, je n'avais rien à offrir que de la bière, mon aliment principal avec le fromage. Je suis allé tout de même aux toilettes à la fin du broommzzzxxwww pour vérifier l'effet qu'avait pu avoir SunnO)) sur les intestins de mes camarades. Hormis, un graffiti mensonger "Bertrand Lasseguette est le meilleur coup de Paris" (j'habite dans la Marne), rien à signaler. Un vrai public de constipés. Putain, pour qui on va passer ? Des monstres insensibles ?
Sérieusement, comme dirait un certain président, "ça m'en a touché une sans me toucher l'autre". C'est joli comme tout, leur idée de bal masqué, la fumée, les barbes, les costumes, mais n'est pas la Compagnie Créole qui veut. J'aurais aussi bien pu partir dès la première seconde. Tout était dit. Même pas peur. Des infrabasses toutes molles, juste bonnes à déplacer les bouteilles plastiques posées sur la scène. C'est mou, vide, triste, ridicule, ennuyeux. Ca m'a surtout questionné quant au comportement d'un musicien drone dans la vie quotidienne. Quand on voit les efforts fournis pour ne rien dire. J'imagine un dialogue entre O'Malley et Carlson :
- ............
- Par-le paaas trooop viiii-te, je cooom-prends pas.
- . . . . . . . . . . .
- Puuuu-taiiin, tu as en-cooo-re pris du speeeeeed, ar-ti-cuuu-le.
- . . . . . . . . .
- Yeee-aaah, t'es vraiiment wiiiiild tooaaa.
NB : bravo tout de même à l'ingénieur du son, aussi vide soit-elle cette musique aurait pu être dangereuse pour les oreilles, ce qui ne fut pas le cas, de plus des bouchons d'oreille étaient distribués à l'entrée.
Critique écrite le 19 février 2006 par Bertrand Lasseguette