Chronique de Concert
EggS
Les sept musicien.ne.s, parmi lesquels on retrouve Erica Ashleson du groupe Special Friend au chant, entrent sur scène avec une forme de nonchalance, sans cérémonial. Une fois les derniers accordages réalisés, ce sera un splendide déluge de chansons pop, éblouissantes non seulement par leurs mélodies lumineuses et impétueuses, mais également par leurs touchants déséquilibres. Les morceaux de ce chef d'oeuvre inattendu de 2022 qu'est "A Glitter Year" resplendissent particulièrement, et on en est toujours à vouloir s'expliquer pourquoi ils nous font chavirer à ce point.
On a beaucoup parlé des influences nineties du groupe, celle de la Twee Pop notamment, mais cela ne suffit pas pour saisir l'ampleur et le souffle de la musique de EggS, qui tire ses sources de périodes plus éloignées. Il faut probablement aller chercher du côté des grands ancêtres, de la Jangle Pop des Byrds pour la manière d'aborder la mélodie, mais également du côté de Paul Westerberg qui, avec ses Replacements, exemplifiait cette façon de chanter à gorge déployée, comme à bout de souffle, donnant l'impression qu'à chaque instant la voix pouvait se briser. Mais, chez EggS, le saxophone relayant héroïquement les guitares rappelle également - même si la référence peut surprendre - le Springsteen de "Two Hearts" ou "The Promised Land" : dans les deux cas on retrouve le souci de faire entendre la voix de celles et ceux qui vivent à la marge et qui s'époumonent pour arracher à une société hostile la reconnaissance de leur dignité. Certes, Charles Daneau n'a pas la force vocale du Boss, et c'est tant mieux d'ailleurs, mais sa musique a ce quelque chose de torrentiel que l'on retrouve chez le E Street Band, la fragilité assumée en plus.
C'est bien cette énergie à défendre des causes apparemment perdues que l'on cherchait, ce jeudi de grève, à capter, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on n'a pas été déçu. On entendra autour de nous dire que le son n'était pas parfait, que la batterie était trop mise en avant et que les guitares ne se faisaient pas suffisamment entendre, mais il n'en reste pas moins que, en dépit de ces considérations techniques, EggS a brillé dans l'expression d'une émotion brute et cabossée.
Critique écrite le 26 mars 2023 par Stephane Vidroc
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