Emel Mathlouthi, c'est d'abord une voix. Une voix puissante qui ondule du grave aux aigües avec une souplesse jubilatoire; mais c'est avant toute une voix qui raconte la Tunisie; celle d'hier, celle d'aujourd'hui et puis ses espoirs pour celle de demain.



Une voix engagée, donc, qui touche de plein fouet tous ceux venus l'écouter. Pas étonnant alors que ce petit bout de femme ait réussi à envouter la Cigale, le 28 janvier dernier.

En l'attendant, nous passons la première partie du concert avec le chanteur Smadj et ses acolytes : percussion, batterie et chanteur à la voix sensuelle. Un groupe charmant dont les multiples influences - électro-oriento-disco-hiphop, rien que ça ! - donnent un cocktail folklorique entraînant mais qui n'émeut pas vraiment.





Quand vient son tour, Emel Mathlouthi ne monte pas sur scène, non : elle l'a prend. L'embrase, la soulève. Dans un style électro-lyrique qui n'appartient qu'à elle, au rythme de sa guitare et des percussions orientales qui l'accompagnent, elle nous transporte pour un voyage musical dont les frontières s'estompent pour laisser la place à toute la poésie de ses textes. Évidemment, coup de cœur pour Ma lkit, chanson phare de son dernier album (Kelmti Horra, 2012), que nous avons eu le plaisir d'écouter dans toute son intensité. Et il pleuvra des mélodies qui sècheront mes larmes, murmure-t-elle au micro avant d'enchaîner avec une sublime reprise du Hallelujah de Cohen.



Emel Mathlouthi porte en elle une colère lumineuse, vibrante, contagieuse. Pas besoin de connaître les mots pour en comprendre le sens. Et peu importe qu'on ne parle pas un mot d'arabe, qu'on ait de lointaines racines pieds noirs ou que le tunisien soit notre langue maternelle : dès qu'elle chante, on comprend. On comprend l'exigence de liberté, ce cri qui vient des tripes, la force des convictions et l'amour fou de ses racines. Il n'y qu'à l'entendre psalmodier l'entêtante Houdou'on pour s'en convaincre.



Il y a quelque chose de transcendant dans les chansons d'Emel Mathlouthi, quelque chose qui rassemble au-delà des générations, au-delà des origines, au-delà des différences. Avec son regard profond, ses boucles noires qui tombent sur des épaules dénudées et sa voix comme un trésor, Emel Mathlouthi est, à elle seule, un hymne à la paix.