Chronique de Concert
Enrico Macias
Lorsqu'à 21 h, le grand rideau rouge d'un Olympia bourré à craquer d'un public multi générationnel, s'ouvrit ce fut un premier choc. En effet pas moins de 20 musiciens étaient présents dans une scénographie à plusieurs niveaux particulièrement bien mise en lumières ! Au moins 3 percussionnistes, 3 choristes, 3 violonistes et pas loin d'une dizaine de joueurs de oud et d'instruments traditionnels orientaux, de pianistes et une formation classique basses, guitares faisaient résonner des sonorités orientales pour préparer l'entrée sur scène de la vedette dont le nom était écrit en lettre rouge sur le fameux fronton du boulevard des Italiens.
C'est sous un tonnerre d'applaudissements que l'homme de 83 ans se place sur le devant de la scène. Si L'homme et sa voix paraissent quelque peu émoussées par le poids des années, l'envie de jouer de chanter et de donner au public un véritable spectacle de qualité est plus que palpable. Pendant une première partie qui durera 1 heure un quart, Enrico s'attaque à son répertoire en mode tour de chant à l'ancienne avec des arrangements folkloriques très travaillés à 1000 lieux des sonorités eighties pleine de synthétiseurs que l'on avait en tête. Avec des chansons comme "Rien que du bleu", "Paris tu m'as pris dans tes bras", "Adieu mon Pays", "Les oranges amères", "La France de mon enfance" et la quasi-totalité du répertoire de cette première partie, il chante le blues du Pied noir arraché à sa terre constantinoise au début des années 60.
Je découvre de très beaux textes poétiques ou il n'est quasiment question que d'une nostalgie pleine de soleil, d'oliviers, d'odeurs d'épices, d'oranges amères et d'amandiers, du bleu du ciel et de la mer Méditerranée, du spleen du déraciné arrivant dans une métropole grise. Sur le très beau "Les gens du nord" Enrico montre aussi qu'il est un guitariste très fin et subtil dans un style arabo andalou.
La plupart des refrains de ces chansons sont repris en chur par un public plus que fidèle, probablement principalement composé lui aussi de pieds noirs parisiens, qui réserve à chaque fois moult applaudissements à Enrico qui semble se nourrir avec délectation de cet amour qui lui est adressé.
Après un entracte de 20 minutes, le rideau rouge s'ouvre à nouveau sur une scène scintillante de mille feux, ou tel Roger Hanin dans "La rumba", Macias se présente en smoking tel en meneur de revue. La tonalité musicale de cette deuxième partie se veut résolument plus festive, folklorique et dansante que la première. On se retrouve comme téléporté dans un mariage oriental. Ça danse, ça chante de partout. Les youyous et "lai lai lai" résonnent des quatre coins de la salle.
Si les titres comme "Les filles de mon pays ou "Le mendiant de l'amour", avec de fabuleux arrangements arabo andalous, font leur effet, Enrico Macias semble vouloir célébrer et rappeler à tout le monde quelles sont ces racines musicales. Fils d'un musicien de l'orchestre de malouf arabo andalou de "Cheikh Raymond", dont il fut lui aussi membre comme joueur de oud à la fin des années 50, Enrico est probablement l'un des derniers grands ambassadeurs de ce style qui savait réunir juifs, musulmans, arabes, kabyles et gitans andalous dans une même ferveur dans les mariages et fêtes de village d'une Algérie qui n'existe plus. Avec un bonheur et une générosité qui illumine son visage, Macias se lance dans des mélopées kabyles ou des chants gitans qui mettent littéralement le feu à l'Olympia. Les youyous redoublent de vigueur dur "Ya rayah", "Bel tar ou el oud" alors que l'orchestre oriental donne toute sa vigueur, avant que le spectacle se termine sur une version ultra festive de "L'oriental".
On quitte donc l'Olympia le sourire aux lèvres, et prêts à embrayer sur un cycle de cinéma spécial Alexandre Arcady avec "Le coup de sirocco", "Le grand carnaval", "Le grand pardon" et "Ce que le jour doit à la nuit" ... C'est donc un très beau voyage musical auquel nous a invité Enrico. Un voyage plein de folklore et de traditions, comme peuvent l'être dans des genres différents les répertoires d'I Muvrini pour la Corse, d'Alan Stivell" pour la Bretagne, de Gheorghe Zamfir pour la Roumanie, des Dubliners en Irlande, de Theodorakis en Grèce ou de Manitas de Plata et Paco de Lucia pour le flamenco. A l'arrivée on était bien plus dans les musiques du monde que dans la variété des plateaux de Michel Drucker. Et si l'on doit trouver un dernier adjectif qualificatif pour décrire ce spectacle, ce sera bien évidemment : la générosité...
Critique écrite le 04 avril 2022 par lol
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> Réponse le 05 avril 2022, par MuMei
Merci pour ce merveilleux article. Je suis toujours touchée par les gens "tombés" là par hasard et qui repartent conquis. Vous n'êtes ni le premier ni le dernier. Moi cela fait 48 ans que je vois Enrico à l'Olympia et aux 4 coins du monde, et que celui qui ne l'a jamais vu sache qu'il passe à côté d'un moment d'émotion, d'amour, d'échange et pour vous reprendre de "générosité". Générosité partagée entre un des derniers grands chanteurs des sixties, même s'il n'a jamais fait partie de cette mouvance, gardant son style et ne se courbant jamais devant la mode pour être au top, et son public multigénérationel et multiculturel. L'amour existe, nous le rencontrons à chacun de ses concerts. Réagir
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