Interview du groupe Idles lors de son passage au festival Art Rock
Le furieux combo anglais Idles vient de dévoiler le 29 mai 2018 un premier extrait de son très attendu deuxième album, à venir. Le morceau s'appelle "Colossus" et il est absolument exceptionnel ! La vidéo (à visionner ci-dessous) vaut le coup d'il ! En attendant - impatiemment - le successeur de l'énormissime et bien nommé Brutalism, on a parlé avec les sympathiques Joe Talbot et Mark Bowen du merveilleux groupe cité à l'instant lors de leur passage au festival Art Rock de Saint-Brieuc, le dimanche 20 mai 2018...
On s'est rencontrés pour la première fois l'été dernier au festival La Route du Rock... A cette époque je découvrais votre musique, et ça a été comme une révélation, Idles est le meilleur nouveau groupe britannique que j'ai écouté et vu sur scène depuis un bail ! Est-ce que vous pensez que ce concert et ce festival a marqué le début de quelque chose avec la France et les Français ?
Joe : Oui, vraiment, La Route du Rock a été une véritable décharge pour nous ! On a eu de la chance, l'installation des scènes l'une face à l'autre et le moment que l'on a passé sur scène étaient incroyables. Donc, oui, c'était énorme ! On a découvert qu'il y a plein de gens qui parlent anglais en France, la plupart des Anglais sont fainéants avec les langues, justement parce que tout le monde parle anglais dans le monde. Moi, j'essaye de parler le plus possible français, je suis épouvantable, mais j'essaye. J'avais des doutes sur la façon dont l'album serait interprété dans les autres pays. Il y a un élément tribal dans notre musique qui captive n'importe quelle personne qui écoute ! Je n'avais pas réalisé à quel point notre album avait été bien compris jusqu'à ce que je vienne ici. Ça tombe bien, c'est mon endroit préféré sur terre !
Vous avez joué à Paris en décembre dans une petite salle (Le Point éphémère) et en avril dans une plus grande salle (Le Trabendo)... Entre ces deux concerts vous avez beaucoup tourné et vous avez enregistré votre deuxième album, comment vous sentez vous ?
Bobo : Prêts ! Prêts à continuer. Tout va de mieux en mieux, on sent que tout s'accélère. Les concerts sont de plus en plus fun, plus expressifs, et je pense que lorsque l'on va commencer à tourner pour le deuxième disque, tout va changer et pour le mieux, pour nous et pour le public...
Joe : Je pense que nos concerts pour le nouvel album vont ajouter une nouvelle couleur à notre palette. Ça va nous faire travailler plus dur, parce que c'est en pratiquant qu'on apprend. Ça va être rafraîchissant, et comme Bowen l'a dit, ça bouge beaucoup pour nous, chaque mois il y a une surprise, c'est magique !
Bobo : Ouais, et puis je suis très excité parce qu'après 45 minutes de concert, on va se faire un set unplugged, je jouerai de la guitare acoustique, Jon jouera sur des boîtes...
Joe : Heu, absolument pas !
Est-ce que vous pensez que les choses vont vraiment vite depuis la sortie de votre premier album, "Brutalism" ?
Joe : Oui, maintenant on se rend compte que c'est le cas. Mais quand on regarde en arrière, non. On a toujours travaillé dans le présent, on n'a jamais fait trop de prévisions sur l'avenir et on n'a jamais regardé dans le passé, parce que c'est une perte d'énergie. On a tellement à apprendre, à exprimer, à travailler, qu'on veut tout donner à chaque fois ! Donc, on ne s'excite pas trop à propos du mois prochain, on profite des choses sur le moment, on bosse dur chaque jour... Mais quand on regarde en arrière, c'est juste incroyable, il y a eu tellement de changements en un an qu'on se sent à nouveau jeunes et revigorés, grâce au monde qui est petit mais néanmoins immense. J'ai plus d'espoir en l'humanité maintenant.
Votre musique touche énormément de gens, "Brutalism" est très beau et intense, vos concerts sont impressionnants, vous avez donc réussi à former une grosse communauté de fans. Vous attendiez vous à cette réception par le public et à cet impact sur les gens ?
Joe : Oui. Je ne m'y attendais pas, mais je m'y attendais, oui. Parce que quand tu fais quelque chose, tu dois croire en ce que tu fais. Tout le but de notre message est "l'inclusivité", construire des communautés, faire changer l'état d'esprit des gens en échangeant avec eux. Engager des discussions à propos de la haine et démonter uns à uns les clichés en utilisant l'Amour. Donc, avec ça en tête, je m'attendais à toucher plus de personnes, à voyager en Europe et à jouer devant de nouveaux publics, parce que c'est pour ça qu'on est là. Mais pour être franc, je ne m'attendais pas à avoir autant de succès.
Bobo : Oui, je pense que l'album est arrivé au moment où on avait tous décidé de faire des choses pour nous ; ça ne veut pas dire que c'est un album égoïste, c'était plus l'expression de notre honnêteté les uns envers les autres. Et je pense que ça se traduit par de l'honnêteté vis à vis des gens et à mon avis ils apprécient ça, c'est pour ça que ils ont accroché. Faites que ça continue, parce que c'est génial !
Votre vie a-t-elle changé depuis ce "succès" ? Travaillez vous toujours parallèlement au groupe ?
Bobo : Oui, je travaille toujours comme dentiste. Mais je vais devoir réduire mon temps de travail, parce que je deviens totalement fou. On fait en sorte que nos vies restent normales, mais l'équilibre entre le travail et la vie est très difficile à trouver, il n'y a pas de repos, de pause. Cela dit, on a de l'énergie pour le faire et on est tellement passionné pour ça et pour tous les aspects de nos vies, qu'on peut donc continuer !
Joe : Je suis d'accord !
Vous avez donc enregistré le second album en début d'année, comment ça s'est passé ? Dans quel studio ? Avec qui ?
Bobo : On est retourné en studio avec le même producteur que pour Brutalism, mais on avait un peu plus de budget cette fois, donc on a pu enregistrer dans un très chouette studio à Monnow Valley au Pays de Galles. Et le truc énorme dans ce studio, c'est la salle de batterie, elle est tellement bien ! La batterie sur cet album est comme "Aaaah", c'est incroyable ! On a réalisé l'album de la même façon que "Brutalism", on n'a pas fait n'importe quoi avec des overdubs ou passé trop de temps à penser comment les morceaux pourraient sonner en live. La plupart des chansons sont des premières prises. Mais c'est comme ça qu'on voulait s'y prendre, encore une fois. Cet album est en un sens presque encore plus honnête que "Brutalism", c'est pas qu'on se cachait, mais il y a plus de vulnérabilité dans celui-ci ! On s'est rendu compte de ça pendant l'enregistrement et le mixage, qui viennent tout juste d'être terminés. Donc on est prêt à y aller maintenant !
Y-a-t-il un "thème" pour cet album ?
Joe : Oui, c'est encore une fois sur le deuil. Essayer de transformer le processus de deuil en... Je sens que beaucoup de Britanniques sont en deuil. Je suis en deuil, encore. C'était un moyen de transformer le chagrin en quelque chose de productif, pour devenir une meilleure personne et pour soulager les douleurs de la violence avec un défi commun, compter sur les autres, être plus naïf, plus vulnérable. Utiliser ses amis comme un moyen d'apprendre sur soi... Il y a une vrai bataille pour l'Amour, et c'est bien !
Bobo : "Quelqu'un" a dit que le travail d'un artiste est d'observer les choses. Et sur cet album, une des choses que l'on a observées, avec l'accueil qu'a eu Brutalism, c'est qu'il y a une joie inhérente à notre musique, du bonheur, de la jovialité. On ressent une incroyable libération quand on se lance sans inhibitions, que ce soit nous sur scène ou le public. Tout ça peut aussi être exprimé dans la violence et dans la rage, et, instantanément, tu te sens mieux. C'est vraiment ce que j'ai mis dans cet album et ce que je veux mettre en avant. J'espère qu'on va réussir à transmettre ça aux gens !
Joe : Oui, c'est essayer de concrétiser la positivité, l'attitude mentale positive, celle qu'on a installé entre nous mais aussi avec nos amis et nos familles. On veut propager ça dans une plus grande sphère !
Pouvez-vous nous donner vos coups de curs musicaux du moment ?
Joe : Mon groupe préféré du moment, c'est Bambara. L'album est sorti cette année, il s'appelle "Shadow Over Everything", il est génial ! A la fois tentaculaire et sombre. C'est dans le même registre que Nick Cave, heu non, que The Birthday Party, avec plus de contenu je dirais. Les paroles sont magnifiques, j'aime beaucou la voix du chanteur. Je viens de redécouvrir la jungle, que j'aime, le genre hein, pas le groupe, je n'aime pas le groupe... Le genre jungle/drum and bass, c'est quelque chose que j'écoutais quand j'avais 10 - 12 ans et c'est incroyable !
Bobo : Je suis à fond dans l'album de Goat Girl en ce moment. Je les avais vues à South by South West et je ne les avais pas trouvées terrible. Après, quelqu'un m'a conseillé l'album, que j'ai donc écouté, et il est très bon ! Le truc c'est que les femmes sont souvent négligées dans ce genre de musique. A cause de ça je pense que les Goat Girl sont un peu oubliées, alors qu'elles sont excellentes et bien meilleures que certains groupes à guitares en ce moment en Grande Bretagne, y compris nous.
Joe : Goat Girl ne sont pas meilleures qu'Idles... Parmi nos coups de coeur, il y a aussi Fontaines D.C., un groupe de Dublin, qui est fantastique. Lice, de Bristol. Heavy Lungs, de Bristol. Life a sorti un nouveau morceau. Ought, le nouvel album est génial.
Bobo : un groupe de L.A., Numb.ER, ils sont très bons !
Photos (prises à Art Rock - la 1ère - et à la Route du Rock, les autres) : Titouan Massé www.facebook.com/titouanmassephoto, titouanmasse.tumblr.com, www.flickr.com/photos/titouanbzh, twitter.com/titouanbzh
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