Chronique de Concert
Erik Truffaz
Le noir se fait ... Et puis rien ne se passe (ce qui est plutôt amusant). Nous attendons un peu, mais ils finissent bien évidemment par monter sur scène, à la fois très décontractés et très sérieux. Truffaz est chapeauté d'un feutre noir. Marc Erbetta marque les premiers temps dans le vide et ça démarre. La trompette commence, si douce, sur une ligne conjointe de la basse, de la batterie et du clavier ... Nous y sommes ... Le voyage commence. Et lorsque l'intensité augmente, c'est un embarquement complet, avec cette sensation que nos corps s'élèvent. Je suis emportée.
Benoît Corboz semble déjà ailleurs derrière son clavier. Quand à Erik, il semble à la fois si impassible et si investi, écoutant la musique les yeux les yeux mi-clos lorsqu'il ne joue pas lui-même, comme à son habitude. La batterie se déchaîne à grand renfort de cymbales pour un résultat déjà scotchant (et ce n'est que le premier morceau !)
Encore un démarrage à l'orgue plutôt swing pour La Luna Mentirosa, avec batterie à la pédale. La trompette fait ses vocalises ... Puis c'est au tour de l'orgue (une main sur chaque clavier. A croire qu'ils sont deux !) Erik le regarde, serrant sa trompette contre lui. Marcello bouge à peine; juste ses doigts qui parcourent les cordes et ses yeux qui montent au ciel.
"Un petit bonsoir pour ce concert clunysois spécial pour Marc, qui y trouve un intérêt culinaire tout particulier, puisqu'il a eu droit à une belle côte de buf !" Après ce petit intermède humoristique, nous reprenons les choses sérieuses, avec un solo de trompette durant lequel on perçoit même son souffle et qui ouvre la danse d'un morceau qui va, au final, s'avérer franchement Electro. La batterie est jouée aux doigts, à même les peaux et le son de la trompette est trafiqué ... Encore une fois nous nous retrouvons ailleurs, devant un Erik assis sur son tabouret haut. Quelque part, on est comme à la maison avec eux et c'est un véritable plaisir que de partager cet amour palpable de la musique.
La trompette devient de plus en plus sonore, toujours accompagnée d'une batterie au son très métallique (à grand renfort de cymbales et de baguettes frappées sur les cadres). Solo de basse, avec un Marcello qui s'en donne à cur joie, se tordant sur place et passant de l'accroupi au debout en l'espace d'une seconde.
Les enchaînements sont rapides, pour ne pas rompre le charme. La lumière ménage les jeux d'ombres. Leur univers est toujours aussi propice à la venue d'images qui assaillent nos esprits et, perso, je suis littéralement transportée, comme à chaque fois. Et mon corps ne peut s'empêcher de se balancer au rythme de leur musique. Pour maîtriser les parties d'impro, Truffaz fait un léger signe de la main pour impulser les reprises et, pour la digression du clavier qui va suivre, Benoît Corboz ne tient carrément plus en place sur son tabouret, tant il est embarqué par ce qu'il joue. Et puis tout s'arrête d'un coup, cash. Impressionnant !!
Passage du clavier au piano, pour Revolution Of Time. Benoît seul est éclairé (avec la batterie pour le moment silencieuse). Une parenthèse toute en poésie musicale. Un soupçon de batterie jouée au pinceau, une ligne de basse légère comme le souffle de la brise et la trompette si claire, limpide même ... C'est juste magique et ce jusqu'au bout, où Marc termine seul dans la lumière sur un dernier balayage. Incroyable d'intensité.
Erik sort ensuite une sourdine pour nous offrir un son plus rond et très Jazz. Rien ne bouge. Il est immobile. Juste les doigts de sa main droite qui jouent avec les pistons. C'est totalement captivant comme imagerie. Avec cette batterie jouée à la main, façon cajón pour accompagner le piano. Marcello est toujours dans sa bulle, perché sur son tabouret et, encore une fois, Benoît ne tient plus en place, lâchant même un petit "Yeah !" de plaisir (suivi d'une clappe de la salle !) Puis la basse reprend le relai, toute en discrétion, zenitude et maestria. Au piano, Benoît, serviette autour du coup, a mis les mains directement dans la bête, pour modifier le son des cordes. Et voilà que Marc fait sonner sa joue en la claquant ... On part dans l'expérimental là les garçons !!
La sourdine s'en va. La trompette sonne à nouveau, hors micro pour un son plus mat, et tous les autres instruments décollent à leur tour. Jeux des sonorités avec les va-et-vient vers le micro. C'est définitivement unique !
Avec Mr K., dédié à leur manager, on repart dans du plus Electro-Jazz. Lui est debout, droit comme un i, et lève sa trompette vers le ciel. Encore une fois c'est captivant, dans la sobriété et la simplicité les plus complètes. Et je crois qu'on peut vraiment dire que Mr K. va être récompensé à sa juste valeur par un public ravi.
The Dawn. Juste la trompette enregistrée et dédoublée à l'infini. Comme un souvenir qui remonte du lointain, avec Marc qui nous fait une ligne de voix très aérienne ... Complètement fantasmagorique comme morceau. Ils sont quasi dans le noir, avec juste une ombre bleue. On dirait presque du Rock-Prog, c'est fou ! Ils ont inventé le Jazz-Prog en fait ;)
Et puis la trompette à sourdine vient s'ajouter à ce doux mélange ... C'est comme si tous les instruments se réveillaient d'un drôle de sommeil ou d'un rêve. C'est ensuite au tour de Marc de nous faire son solo, accompagné par une simple ligne de basse. Terminant même avec une baguette dans la bouche, frappant sa batterie de l'autre et faisant raisonner sa bouche, ses joues, puis jouant avec son micro et nous produisant un mix entre la goutte de pluie, le robot et quelques animaux bizarres, mais toujours stoïque (ce qui fait beaucoup rire les enfants de la salle !) Il fait même prendre le relai au public, qui doit frapper des mains pour qu'il puisse boire un coup. Si ça c'est pas du solo, je n'y connais rien !! Il finit pourtant par être rejoint par les autres dans son délire digressif (ou sa digression délirante, au choix !). Jamais eu un tel numéro ma foi ;)
Dernière présentation de la troupe. Salut final. Et quand ils reviennent pour le rappel, c'est très tranquillement, pour un The Walk Of The Giant Turtle avec un piano légèrement dissonant, accompagné de nouveau par les onomatopée de Marc (décidément et définitivement très expérimental ce soir !) Cordes "étouffées" au piano. Trompette à la sourdine. Batterie frappée sur ses cadres. Seule la basse reste non trafiquée finalement. Et tout cela va donner, paradoxalement, un résultat très planant sur la fin. Comme quoi ...
Mais retour à du plus traditionnel, si je puis dire (bien que le terme ne leur sied pas vraiment). Disons plutôt du très bon Jazz-Electro tout simplement. Avec Truffaz qui quitte la scène et revient sur le côté en tapant dans ses mains, pendant que les trois autres continuent. Comme en spectateur de ses camarades. Puis il regagne sa place et lance une clappe avant de recommencer à jouer. La dernière sera même lancée par un jeu on/off de la trompette. Plus lascive celle-ci, mais avec, forcément, des accélérations fulgurantes. Une dernière très belle mélodie, avant de saluer tous les quatre en se tenant par les épaules. Une très très belle soirée. Définitivement.
Erik Truffaz : Trompette
Benoît Corboz : Synthé & Piano
Marcello Giuliani : Basse
Marc Erbetta : Batterie
Setlist
1 - El Tiempo De La Revolución
2 - La Luna Mentirosa
3 - Miss Kaba
4 - Istanbul Tango
5 - Revolution Of Time
6 - Siegfried
7 - Mr K.
8 - The Dawn
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9 - The Walk Of The Giant Turtle
10 - Lost In Bogota
11 - In Between
Chronique réalisée par l'équipe de Concerts en Boîte
Critique écrite le 19 juin 2013 par Ysabel
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