Chronique de Concert
Etienne Daho + LuneApache
Comment ai-je pu passer à côté de toutes ses tournées alors que j'ai l'intégralité de sa discographie? J'ai toujours du mal à me l'expliquer. Toujours est-il que c'est avec pas mal d'entrain, mais un peu d'appréhension, que je me rendais lors d'un vendredi pluvieux au Silo pour réparer cette anomalie. Comme d'habitude, j'ai cette espèce de relation attraction-répulsion avec cette salle qui me place dans de drôles de dispositions : un lieu à la fois superbe et très froid, un espace d'accueil convivial, aux consommations pas chères, mais qui n'est plus accessible une fois pénétré dans la salle, une configuration ne proposant que des places assises (alors que sur les autres dates de la tournée il y a généralement une vraie fosse debout, bien plus chaleureuse), bref : le Silo.
LuneApache
C'est avec bienveillance (qui semble être sa marque de fabrique) qu'Etienne Daho présente lui-même le groupe qui assurera sa première partie : LuneApache. Trio semi local (Toulonnais), aux influences 60's psychédéliques très marquées: tempo lent, sonorités orientales et voix lancinantes sont au programme, mais avec une particularité qui me tient à coeur : ces gens là chantent en français, ce qui est à la fois casse-gueule sur ce genre musical, et rafraîchissant. Petit set de seulement trois morceaux, dont une adaptation en français de "Tomorrow Never Knows des Beatles (que personne autour de moi ne connaissait, la hchouma) à la fois surprenante, étirée et maîtrisée. Bref, une très bonne surprise pour moi, et un groupe que j'ai hâte de mieux découvrir. Ils n'ont pour l'instant qu'un EP à leur actif, mais l'album est sensé arrivé au printemps, et ils seront à l'affiche du festival "Avec le Temps" au mois de mars à Marseille.
Etienne Daho
Ce petit set apéritif permet de réduire l'attente avant l'arrivée de la tête d'affiche : Etienne Daho et son groupe, masqués comme Zorro, rentrant sur "Les Filles du Canyon", chanson d'ouverture de "Blitz", dernier album en date, aux influences rock. La scène en forme d'angle (je sais c'est très bizarre dit comme ça) et les éclairages sont superbes, le groupe est très bon bref, le son parfait : c'est la classe. Cette classe, c'est même un des trois piliers de l'expérience "Etienne Daho en concert", on a affaire à un esthète absolu, un amoureux de ce que la pop-culture a pu proposer de plus branché : Etienne ne vous racontera jamais sa soirée de beuverie avec Carlos et Sylvie Vartan après un enregistrement particulièrement arrosé des Grosses Têtes. Mais il pourra vous parler de la fois ou la famille de Syd Barrett lui a fait visiter la chambre où vivait reclus l'ancien leader des Pink Floyd, de ses collaboration avec Debbie Harry, "la Marilyn du Punk", ou Nile Rodgers, de l'influence de la scène artistique new-yorkaise de la fin des 70's sur son travail, avec un name-dropping sans faute : CBGB, Basquiat etc.. Bref, Daho c'est le bon goût incarné, un artiste qui s'est abreuvé le long de sa carrière de ce que l'air du temps avait de mieux à proposer : un genre de David Bowie français qui n'aurait jamais fait d'erreurs de parcours.
Le second pilier du concert, c'est le pari que fait Daho sur la curiosité de son public. Le bonhomme a 62 ans et 35 ans d'une carrière riche de tubes. Il pourrait les enfiler tranquillement, la jouer facile, voire même céder à la mode de jouer un album mythique dans son intégralité et pas grand monde ne pourrait lui reprocher. Mais tu t'en doutes, ce n'est pas le genre de la maison. Nous ne sommes pas dans le "La Notte Tour" ou le "Paris Ailleurs Tour", mais dans le "Blitz Tour", et le set est donc à l'avenant. L'accent est ainsi mis sur les chansons tirées des derniers albums, et même les vieux tubes joués (et il y en a une palanquée) sont réorchestrés pour se rapprocher des sonorités actuelles. Et le pire c'est que ça fonctionne ! Le public, bien que déchaîné sur ces vieux succès qui accompagnent leur vie depuis des décennies ne reste pas sur la réserve lorsque sont joués des titres tirés de "Blitz" ou de "Les Chansons de l'innocence retrouvée". Cela donne au final un cocktail extrêmement rafraîchissant et repousse l'image d'un artiste estampillé "années 80". Le dénommé Etienne occupe le devant de la scène depuis 35 ans sans interruption et a réussi la gageure de rester pertinent durant toute cette période, passant de la new wave au jungle, jonglant avec les codes de la chansons française classique et du rock, quelque part, c'est ça la clé de l'intemporalité.
Enfin, le troisième pilier est sa personnalité. Il se dégage de sa personne une bienveillance qui infuse un sentiment très positif à sa performance. Sans être dans l'échange permanent avec son public, mais en prenant le temps quand il le faut de présenter ses chansons, il réussit à créer une proximité et une connivence très agréable. Et qui permet du coup, peut-être, de faire encore mieux "avaler la pilule" de l'accent mis sur les chansons récentes de son répertoire. Il poussera cette bienveillance jusqu'à rappeler LuneAppache pour venir saluer le public après les rappels.
Bilan personnel : cette première aura été pour moi une fantastique expérience à reproduire au plus vite. Etienne Daho est le géant de la pop "à la Française", un artiste d'une constance et d'une exigence hors normes. Il fait partie de cette race rarissime de froggies qui braconne sur le terrain des grands artistes anglo saxons mais n'a pas à rougir devant eux.
Set list :
Les filles du canyon
Le grand sommeil
Le jardin
Sortir ce soir
Poppy Gene Tierney
Week-end à Rome
Les flocons de l'été
Arnold Layne (Pink Floyd cover)
Chambre 29
L'invitation
L'étincelle
L'homme qui marche
Des attractions désastre
L'américain
Tombé pour la France
En surface
Le premier jour (du reste de ta vie)
L'étrangère
Épaule tattoo
You're like a summertime
Après le blitz
Bleu comme toi
Ouverture
Photos : Laurent Bruguerolle
Critique écrite le 01 décembre 2018 par Fred Boyer
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