Chronique de Concert
(my) This Is Not a Love Song (TINALS) Festival 2018, 3-3 : Fabulous Sheep, Rolling Blackouts, Loheem, Park Hotel, Le Sound Truck, Deerhunter, Harold Martinez, The Breeders, Ezra Furman, Idles
Troisième et déjà dernier jour (dommage, on commençait juste à prendre le rythme !) au festival TINALS. Météo fraîche (un petit vent moyennement agréable) et couverte, qui nous vaudra d'ailleurs un dépucelage : en plus d'une brumisation persistante, on essuyera plus tard la première averse, heureusement pas trop méchante, sur ce site depuis qu'on y vient en 2015 ! L'été se fait décidément prier, cette année dans le Sud... Manifestement, le dimanche est toujours le jour des enfants à Paloma, eux qui sont invités et casqués anti-bruit gratuitement par le festival, pour mémoire - c'est une des raisons pour lesquelles on l'aime. Bien évidemment, les jeux en bois et autres sont pris d'assaut...
D'humeur un peu bougonne (il fait pas chaud et donc, pas soif non plus), on commence d'abord sans grand entrain, avec Fabulous Sheep, groupe de rock de Béziers, régional de l'étape donc : à vrai dire on sera rapidement conquis par leurs compositions punchy, un duo vocal également percutant, des guitares et batterie qui claquent comme de bonnes fessées et finiront par déclencher un pogo de bon aloi et bien mérité de leurs potes mais pas que, avec une fin tous potards dans le rouge. Ils jouent un peu trop fort, ils n'ont sûrement pas réinventé la machine à courber les bananes, mais au moins, ils savent bien s'en servir ! Et puis aussi, c'est agréable et même réconfortant d'entendre un discours engagé venu de jeunes gens de cette ville politiquement sinistrée. Merci pour avoir rectifié notre humeur, bon vent et bon courage à eux, donc ! Pendant ce temps tout à côté, deux metalleux hauts en couleur et habitués du festival, semblent envisager un mariage selon le rite vaudou. Il est vrai qu'ils iraient très bien ensemble...
C'est l'heure de Rolling Blackouts, pop australienne pas désagréable, mais il ne se passe à peu près rien sur scène et le groupe n'est en rien meilleur que, au hasard, celui des Biterrois précédents ! Mais après tout tant mieux pour eux, si quelqu'un là-bas peut leur payer une tournée mondiale... Du coup on rejoint rapidement le binôme Loheem, dont on a lu qu'il allait accueillir des enfants sur scène. On avait bien constaté la présence de ribambelles de minuscules et d'un public inusité en festival rock (des mamans voilées, par exemple), et ce n'était pas par hasard : tout ce petit monde est venu applaudir les 40 mioches absolument adorables du CE2/CM1 de l'école Albert Camus de Nîmes. L'école a composé avec le groupe un très joli morceau, enfantin mais pas cucul, tout à fait bien chanté et orchestré, avec chorégraphie incluse, et les moutards ravis récoltent un tonnerre d'applaudissement de la petite foule venue les soutenir. Trop mignons ! Le duo continue ensuite à dérouler un joli set de pop mélodieuse et élégante chantée en français, sous influence Air, qui s'écoutera agréablement jusqu'à la fin et une jolie ballade à l'ukulele, Ladybird.
Pas très convaincu, par contre, par Park Hotel, duo mixte de pop discoïde pas très originale, qui peut rappeler Metronomy dans ses meilleurs moments, mais est limité par les capacités vocales un peu faibles de son chanteur... Dans ces moments-là, on est bien content de tomber à nouveau sur la Chorale de la Paloma (un coup dans les escaliers dedans, un coup sous un chapiteau dehors...), grosse patate générale et bleutée, et avec toujours un répertoire frais et moderne (My Number de Foals ! Jure !)
Et puis on peut toujours être "dépanné" par le Sound Truck qui, en plus de la diarrhée vocale marrante de son animateur, déploie cette fois-ci un vrai petit concert stylé, celui de surf-rock de Joe Vibrato (avec masque de catch mexicain). Son acolyte se charge de recruter dans le public des figurants au hasard pour constituer un air-band complet, petits et grands, pour jouer sur des classiques de Link Wray et autres... Coup de bol incroyable, au moment où ils vont jouer l'air de Batman, passe un type avec un T-shirt... Batman ! Ca ne s'invente pas... Et évidemment, il n'échappera pas à l'animateur pour venir faire le pitre. Dans la série side attractions, on passe aussi un moment agréable à la Love Room, où se tient une petite conférence sur le Queer Love, animée avec légèreté par un professeur très calé sur la question, et entrecoupée de clips représentatifs (Beth Ditto, Big Freedia...). Il se passe toujours quelque chose à TINALS !
A priori on ne se pensait pas fan de Deerhunter, pilier de l'indé américain. Ils ne sont pourtant pas là par hasard : pop folk céleste, une voix très intense et des compositions élégantes, qui aideront à faire passer la pluie en même temps qu'un très bon moment avec eux. On devra toutefois les quitter rapidement (et à regret) pour aller voir Harold Martinez, un artiste annoncé sous influence Wovenhand. Bonne pioche, c'est la révélation de la journée : duo humble de deux pistoleros barbus, très beaux gosses, jouant une folk hantée (plutôt dans le style de 16 Horsepower, d'ailleurs ?), hululée par une voix poignante, joliment hantée par des fantômes d'hommes en noir, et une guitare vrombissante. Ils captivent littéralement le patio, en transe et totalement sous leur charme. Grosse sensation ! Le chanteur, qu'on a tenu à féliciter ensuite pour sa prestation, en semblera tout ému et étonné : belle démonstration de modestie ! Pas question d'aller ensuite comater au son prétentieux de Cigarettes after sex, qui paraît d'ailleurs aussi soporifique sur scène, que sur disque. A chacun sa sieste, on préfère faire la nôtre dehors, merci. Cosmo Pyke : joker ! (...le chroniqueur est parti dîner sous un arbre...)
De toutes façons c'est l'heure du retour des revenantes, les soeurs Deal et leurs Breeders, qui ont bercé notre adolescence (il y a déjà, ouh putain, 25 ans !). On ne peut pas dire qu'on ait beaucoup réécouté leur historique Last Splash au 21ième siècle, et pourtant on en reconnaîtra tous les singles d'alors, par exemple New Year, I just wanna get along ou encore Aloha ... Le sourire radieux des filles, plutôt marrantes par ailleurs, compense le fait que le groupe manque un poil de puissance. Il démontre quand même qu'il n'a pas perdu la main pour composer des petites bombes rock pétaradantes comme Wait in the Car, superbe ! Outre une splendide ballade a capella, le climax du concert sera évidemment l'ultra-attendue Cannonball (la chair de poule ressentie sur le "Ahu-hu, ahu-hu" initial, ne ment pas !), jouée un peu en roue libre mais évidemment jouissive, tout comme une plaisante (et également émouvante) reprise du Gigantic des Pixies. On imagine les sentiments mêlés de celles et ceux qui n'ont jamais croisé le groupe mythique... A ce moment, la pluie ayant repris, je prête mon parapluie à un minot trop peu couvert et qui, instantanément et au lieu de se protéger, se met à jouer du air-guitar avec : c'est dire l'effet euphorisant du groupe... Do you love me now ? Mais oui, mesdames !
Avouons que pendant le set des soeurettes, par curiosité (et ayant sournoisement préparé notre coup après avoir étudié leur set-list habituelle, pour ne pas rater leur tube ultime en boule de canon), on s'est aussi autorisé une petite escapade pour découvrir Ezra Furman, un artiste attachant et sagement travesti, doté d'un univers original de pop déjantée et d'une jolie voix gouailleuse, accompagné d'un groupe tout de blanc vêtu, et que ça valait le détour ! Enchanté notamment par une ballade joyeuse sur le Gay sex et un titre très incarné et touchant (si on imagine les quolibets imbéciles que doit subir un homme habillé en femme, même dans une grande ville...), qui s'appelle peut-être Keep on walking. Bel artiste, à découvrir et qui aurait mérité une exposition à une heure moins concurrentielle !
C'est déjà l'heure de notre dernière grosse attente du festival, les affreux, sales mais gentils lads anglais de Idles, dont la banderole est aussi jolie que leur dégaine est repoussante - on croit pouvoir sentir à distance la bière qui a sans doute remplacé depuis longtemps leur sueur ! Tout droit échappés de Trainspotting, et avec un, euh, chanteur dont le physique n'est pas sans rappeler celui du mythique Francis Begbie... On constate rapidement que plus encore en live qu'en studio, ce brave garçon est littéralement et totalement incapable de chanter Faith in the City et le reste ! Mais bon, on s'en fout complètement : quand on aligne des singles aussi bourrins et puissants que Heel/heal, Mother ou la proprement tuante 1049 Gotho, peu importe qu'on les interprète un peu à la ramasse, pas vrai ? Surtout si on est sauvé par un batteur au look de chauffeur routier qui heureusement, semble le plus sobre de la bande et porte la baraque à bout de bras... Alors si en plus on nage constamment dans le public, si on développe un message politique puissant ("I fucking love refugees !"), quand on est pas occupé à singer des ballerines ou à rattraper au vol ses propres crachats, et qu'on termine en plus sur les absolument dévastatrices Date Night et Well Done, qui pourrait bien trouver à se plaindre de quoi que ce soit, hein ? Certainement pas nous, ni la plus grande partie de la fosse en tout cas, qui en ressortira trempée et hilare !
Rideau pour nous sur cette copieuse édition, on quitte le festival comme prévu et sans trop de regrets au son plutôt atroce (de loin) de Dead Cross, nouveau projet punk/hardcore du pourtant très recommandable Mike Patton. En tout cas, on a pu constater que le festival se suit, et se vit, idéalement sur 3 jours... La presse nationale autorisée (et qui couvre tous les festivals) raconte depuis peu que TINALS est en train de devenir le meilleur festival de rock indé en France : difficile de ne pas être d'accord ! Pour l'année prochaine, ayant désormais une confiance totale dans la programmation, il faudra sans doute envisager sérieusement le blind pass !
Alors "Merci pour ce moment", et Longue vie à TINALS !
A lire également sur Concertandco, les chroniques de nos précédents passages à TINALS : 2017, 2016, 2015 !
Critique écrite le 04 juin 2018 par Philippe
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