Accueil Chronique de concert Prog'Sud 2007 : Fanstamagoria + Opram + After Crying
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Chronique de Concert

Prog'Sud 2007 : Fanstamagoria + Opram + After Crying

Jas'Rod- Marseille 16 Mai 2007

Critique écrite le par

Alors qu'au même moment à 200km de là s' ouvre pour la soixantième fois l'un des festivals les plus attendus de la planète, sur les hauteurs des Pennes-Mirabeau s 'ouvre pour la huitième fois un festival tout aussi cosmopolite et attendu par les amateurs de rock progressif. Le smoking n'y est pas de rigueur, mais les tee-shirts à l' effigie de groupes connus ou moins connus y sont les bienvenus. L' affiche du ProgSud 2007 est, comme à son habitude, des plus prometteuse.

Il est 20h30, et nous pénétrons dans la salle du JasRod où le temps semble s' être figé depuis l'an passé : stands de disques, le stand de Déci et ses montages électroniques, la musique de Pink Floyd et les soli de The division bell.
Cette première soirée est placée sous le signe des retrouvailles : pour le public évidemment avec cette huitième édition, mais également pour les musiciens qui sont tous passés dans une édition précédente du ProgSud.

21h00 Fanstamagoria

Arrivé le matin même de Tel Aviv, le groupe japonais Fantasmagoria en tournée aux quatre coins du globe fait étape aujourd'hui aux Pennes-Mirabeau. A la tête du quintet la jeune Miki Fujitomo dont on avait pu découvrir les talents de violoniste l'an passé dans ce même festival, au sein de la formation acoustique Asturias. Ce soir, habillée comme une star de Cannes avec sa jupe noire et son débardeur à brillants, elle nous présente SON groupe, composée de Junpei OzakiIà la guitare, Masataka Suwa à la batterie, Naoki Kitao à la basse etRyuichi Odan aux claviers.



Le set débute par crusader, qui nous plonge directement dans l'univers fantasmagorique du groupe nippon : les styles musicaux se succèdent, se chevauchent, se mélangent dans des mises en place habiles et des mesures souvent complexes. Après une intro au clavecin et une ligne de violon issue du classique, la guitare vient doubler les arpèges du clavier avec un son de distorsion bien gras entraînant les musiciens dans une aspiration fusion. Breaks, et mesures impaires sur rythme haché suivent avant d' entamer un air plus jazz.
Au terme de ce premier titre, Miki Fujitomo préfère annoncer que trois autres morceaux vont suivre comme pour se libérer de ses futures prises de paroles en anglais.
Les thèmes de violon oscillent entre le classique, le jazz-rock de Didier Lockwood, de Christophe Cravéro et le hard-rock d'Apocalyptica. Derrière, un bon appui rythmique groove, jazz ou rock, des claviers aux multiples sonorités, une guitare très rock, métal voir parfois à la limite du stéréotype.... Derrière ou plutôt en retrait. En retrait, c'est ce qu'on peut reprocher aux balances des instruments faites par le groupe (on retrouve ce même déséquilibre des instruments sur energetic live demo CD). L'entrée du violon avec son son clair et intelligible, occulte parfois complètement la guitare dans son saturé un peu confus, et des claviers trop faibles.
Au terme de ces 3 titres, où le spectateur a hésité maintes fois à applaudir croyant à plusieurs reprises reconnaître les symptômes d'une fin, Miki Fujitomo présente son band.



Into the sea et sa sonorité de clavier très année 80, entame une série de 5 interprétations où se succèdent moments de dextérité au violon, harmonies violon/guitare/clavier, et des mises en place au terme desquelles on voit le bassiste laisser échapper un énorme "ouf !". Les musiciens semblent un peu stressés et ne bougent guère sur la scène. Les interventions parlées sont rares, et parfois difficiles, mais Miki Fujitomo ne manquera pas de remercier, feuille à l'appui, l'équipe du ProgSud pour son invitation, et d' inviter le public à venir les voir si d' aventure il passait par le Japon.
21h50 Fin du set.Alain Chiarazzo, maître de cérémonie, monte sur scène pour décrocher une bise de la violoniste et un titre supplémentaire avec sa phrase rituelle "on ne va pas les laisser partir comme ça quand même !". Mais " barrière de la langue, ou marseillais ?", le groupe ne semble pas avoir compris qu'il doit rester et se retire.
Il réapparaît tout de même pour interpréter the march, débutant par un groove rapide aux charleys, et durant lequel le guitariste Junpei OzakiI se lache enfin. Les jeunes musiciens, qui ont assumé la lourde tâche d' ouvrir ce festival, quittent la scène après un salut final laissant derrière eux une prestation de qualité des meilleurs augures pour la suite.

Des vents musicaux des côtes bretonnes nous parviennent depuis le fond de la salle. La formation folklorique Bagad'Aix se fraie un passage dans l' allée centrale de la salle du Jas'Rod et vient s'installer au pied de la scène le temps d'un entre-acte. Binious, bombardes, grosse caisse et caisse claire toujours endossée par Tonton, la formation s'est agrandie avec une jeune recrue juchée sur la scène.

22h25 Opram

Annoncé comme un groupe prometteur lors de leur passage en 2003 au ProgSud les jeunes musiciens de Gap reviennent ce soir pour confirmer les espoirs portés en eux.
La scène semble moins encombrée, réduite d'un musicien et d'un clavier, et vaste sous les pas du bassiste Jeremy Joubert qui dès les premières notes de Mon temps et mon espace arpente les lieux, tête et instrument en berne. Le batteur Claude Montagnier est devenu invisible derrière ses fûts et cymbales alors qu'Antoine Cola trépigne, assis, derrière son clavier. Endossant le double rôle de chanteur et guitariste, Devy Diadema se tient droit devant son micro, yeux fermés tournés vers le ciel. Musicalement le morceau rappelle Incubus période Make Yourself : mélange électro et métal, couplet aérien épuré, alternance d'espaces rythmiques basse/batterie et tempêtes d' accords saturés. Le chant semble,lui, par son timbre, plutôt sorti des nouvelles écoles télévisées formant des stars. Ce décalage qui peut surprendre au début, s' avère être une marque d' originalité osée et réussie. Un très bon solo empreint du jeu de Petrucci est suivi d'un assaut final durant lequel le clavieriste exulte autour de son instrument tantôt debout, tantôt agenouillé.



Un minimaliste "bonsoir, nous sommes Opram" précède le titre Requiem. La structure du morceau est chiadée .Couplets planant sur le flanger , et refrains au son de guitare lourd et grave très King's X appuyé par la 5 cordes de Jeremy Joubert, laissent place à une suite de riffs sortis du monde de Dream Theater, avec notamment un excellent passage de basse sur lequel guitare et clavier viennent greffer leurs harmonies. Trois titres du premier opus le siège de verre, nouveau jour, l'armée de la paresse durant lesquels Devy Diadema montre son potentiel à assurer à la fois son rôle de chanteur et de guitariste, avec des parties de guitare franchement complexes sans infléchir ses lignes de chant : de quoi rendre jaloux des musiciens des plus chevronnés ! Il sait faire et n'en fait jamais trop : un soupçon de sweeping par ci, une pincée de tapping par là .



Petit entre-acte musical pour une majorité du groupe avec un solo de claviers pink floydien.
Sur le morceau suivant les musiciens libèrent toute leur énergie sur scène, avec des headbanging d'Antoine Cola à fleur de clavier, que l'on finirait presque par soupçonner de cacher un onzième doigt sorti de son front ! Claude Montagnier ne ménage pas sa batterie avec de bonnes parties, mais le son trop brillant de celle-ci n'est parfois pas très agréable, notamment sur les enchaînements de coups de cymbales.



23h15 Opram termine son set par l'homme sans fin et son sublime passage tapping guitare et clavier qui rappelle 6:00 de Dream Theater, avant de remercier l'équipe du ProgSud.
Mais ne "pouvant pas les laisser partir comme ça", à l' insistance du public, le groupe répond par débloc au couplet presque rappé, et toujours une musicalité entre Incubus et Dream Thearter.



A part ce son de batterie, et un peu de manque d' interactivité avec le public, Opram est pour moi, ce soir, la palme d'or du meilleur espoir (confirmé) français de la fusion-métal-rock-progressive.

23h20 Nouvelle intervention de Bagad'Aix. Cette fois je me retire de ma place au premier rang : les instruments n'ont beau pas être amplifiés, il est des distances en dessous desquelles il ne faut pas mettre ses tympans en péril. Et puis il faut que je me procure sans plus tarder le dernier disque d'Opram (sur lequel je découvre une touche Tripod de la première heure avec le morceau TER).

Sur scène on accroche l' étendard du groupe After Crying, Une voix off énumère (sans doute en hongrois) chacun des éléments de la batterie afin d'en régler le son. On fait la balance de la foultitude d' instruments qui commencent à envahir la scène : claviers, trompette, basse, violoncelle...On demande une douche pour éclairer chaque pupitre.
Le passage en 2000 du groupe hongrois semble avoir marqué les esprits : trouvant une place libre à côté nous, le "depuis converti" nous dit que leur prestation avait été pour lui comme une révélation. Il a depuis tout acheté de la formation et s'est muni d'un camescope numérique pour filmer le concert de ce soir. Mais ayant trouvé le DVD live de la tournée en vente sur les stands du ProgSud, il préfère se profiter pleinement du spectacle.

23h50 After Crying

Balazs Winkler débute seul en scène, solennel à la trompette, assis derrière son clavier. Rejoint par Zsolt Madai qui vient prendre place derrière sa batterie, il double le son de sa trompette, qu'il tient d'une main, par un son numérique du même instrument de l'autre main.



La formation se trouve au complet sur Remote control avec Zoltan Batky au chant,Zoltan Lengyel au deuxième clavier , Peter Pejtsik au violoncelle et à la guitare basse et Ferenc Torma à la guitare et au synthétiseur.



La première partie du morceau rappelle des titres de groupes des années 80 comme Saga, en particulier sur les lignes de chant.



Une voix off féminine en français (mais avec un accent qui rend incompréhensible les propos...Il est question de nouveau mode je crois) vient marquer l'un des nombreux départ en coulisses de Zoltan Batky et le début d' un enchevêtrement de thèmes musicaux empruntés à des styles assez hétéroclites. Bassiste et guitariste poursuivent en entonnant NWC comme un chant guerrier, tribal. Le jeu au toms du batteur et les éclats de voix du chanteur supportent l'intensité de l'interprétation traversée par des envolées symphoniques empruntées à Dvorak.



Paradise lost vient calmer l' atmosphère avec son thème violoncelle et ses petits oiseaux. Avec le quatrième titre, une atmosphère dramatique s'est mise en place : musicale avec ses nappes de claviers, ses passages de violoncelle, mais également scénique, avec les entrées graves et théâtrales du chanteur, allant et venant au travers de la fumée qui recouvre la scène.



L'intensité se maintient avec Secret service, morceau de 15 minutes au cours duquel l'on peut apprécier l'habileté de composition d'After Crying : il arrive aussi bien à intégrer de la musique traditionnelle hongroise que faire repartir le morceau en état de suspension avec un riff à la guitare étouffé et au violoncelle sur un groove de boîte à rythmes. Comme dans d'autres titres du groupe, on y intercepte des passages qui nous rappellent quelque chose, on se dit "ça je connais", mais le temps d'essayer de replacer ce petit bout de quelque chose dans son contexte (allant du classique de Ravel au rock de King Crimson), le groupe nous a happé ailleurs.



La voix off de technopolis amène un peu d'humour dans le set : illustrant le déroulement de l'installation d'un programme très verrouillé (comprendre issu du monde Microsoft), Zoltan Lengyel fait mime de ne plus savoir sur quelle touche de son clavier appuyer lorsque la phrase "press any key... You are not allowed to stop the installation process". Ce morceau instrumental qui commence avec un premier thème rappelant crying de Bjork, mélange musique électronique, classique et contemporaine.



Les 2 morceaux suivants sont des instrumentaux solo : un rag-time à quatre main de Zsolt Madai et Zoltan Lengyel que les deux musiciens exécutent avec décontraction, croisant leurs mains et leurs regards étonnés, tournant à tour de rôle les feuillets de la partition; suivi d'une interprétation énergique et abondamment applaudie de Peter PEJTSIK au violoncelle qu'il a calé avec..une grosse pierre !
Après farewell, et la présentation des musiciens par la voix off, After Crying interprète son ultime morceau.



Tout au long de cette prestation, chaque musicien a rivalisé de talent avec en particulier des chorus superbement joués mais jamais surdosés. Aucun leadership perceptible de la part d'un instrument, même si au niveau des musiciens on sentait que Peter PEJTSIK était au devant du groupe, notamment par ses prises de paroles, habituellement réservés au chanteur. Ce parfait équilibre est en grande partie du au travail de Tamas Görgènyi et Gabor Egervàri restait à la régie, sorti de l'ombre pour rejoindre le reste du groupe pour le salut de fin.



Acclamé, After Crying nous offre un morceau supplémentaire.
Fort d'une plus longue et solide expérience, à la décharge de ces deux prédécesseurs, le groupe a incontestablement donné la meilleure prestation de la soirée.

Il est un peu plus de 1h30, le premier volet de ce festival se referme. Il est temps pour moi de regagner ma voiture, et de me poser une question rituelle après quelques heures de concert : "je m' écoute un cd ou pas..."

Photos : Dimitri

 Critique écrite le 25 mai 2007 par Frédéric Bloise


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