Chronique de Concert
Festival MIMI-Rêve Général-Aksak Kaboul/Aquaserge
On embarque une nouvelle fois au Frioul pour la 3e soirée de cette édition du Festival MIMI 2016 qui a lieu à l'hôpital Caroline pour une " Nuit de l'Os qui Compte ", avec deux ensembles, constitué à chaque fois de deux groupes, qui se retrouvent ce soir autour d'une création commune spécialement réalisée pour l'occasion, Rêve Général et Aksak Kaboul qui joue avec Aquaserge.
Rêve Général, est un ensemble de musiciens qui réunit le quatuor à cordes Metamorphosis, constitué de musiciens tchèques, russes et japonais, et Volapuk, formation française qui mêle rock, jazz et musique contemporaine, menée par le batteur Guigou Chenevier (et ex membre d'Etron Fou Leloublan, groupe majeur du mouvement Rock in Opposition, dont Ferdinand Richard, Directeur de l'AMI avait fait également partie).
Les Huit musiciens présents sur scène vont jouer de longues pièces très marquées par les musiques de l'est, où les cordes ont beaucoup de places. Les titres sont pour la plupart instrumentaux, passant de moments plus calmes et contemplatifs à d'autres plus frénétiques. Les musiciens jouent souvent avec les textures sonores de leurs instruments en laissant aussi une grande place à l'espace et aux silences.
Guigou Chenevier donne libre cours à un jeu de batterie solide et très free jazz. Cela donne une musique très fine, aérée et surprenante, qui peut prendre aussi bien des accents tropicaux, noise ou même cabaret jazz façon Tom Waits comme sur le titre Une Cigarette chanté par le violoniste Christoph Pajer. Rêve Général a offert au public un grand moment de musicalité.
Rappelons qu'Aksak Kaboul a été un groupe phare de la new wave belge, qui mélangeait, dès 1977, musiques électroniques, jazz et faux folklores africains ou balkanique, avec un sens de l'absurde assez prononcé. Il était ainsi un des groupes les plus originaux et novateurs de son temps. Les membres du groupe avait fondé par la suite Les Tueurs de la Lune de Miel qui avait eu un certain écho en Angleterre et en Europe.
Ce soir, deux membres fondateurs du groupe sont présents, la chanteuse Véronique Vincent et le clavièriste Marc Hollander (également maitre d'oeuvre de l'excellent label Crammed Disc). Les toulousains d'Aquaserge, de leurs côté, s'illustrent depuis quelques années avec une pop oblique qui doit autant à Stereolab et au Krautrock qu'à la musique progressive française des années 70. Ils demeurent un des groupes les plus passionnants de ce pays.
Il y a une filiation évidente entre ces deux groupes, réunis ce soir sur la scène du MIMI, qui pratiquent tous deux une pop atypique et audacieuse, d'une grande richesse harmonique. Le fait qu'ils soient sur une même scène est donc assez cohérent tant leur démarche est similaire : faire sortir la pop de ses sentiers battus tout en restant dans un format " chanson ".
Les deux groupes vont jouer ensemble leurs répertoires respectifs, chose dont ils vont très bien s'acquitter et de façon très naturelle. Le premier titre joué est d'Aksak Maboul, l'électro pop Chez les aborigènes, que l'on retrouve sur l'album de la réformation, sorti en 2014. La voix si particulière de Julien Gasc (le chanteur claviériste d'Aquaserge) ne sonne pas toujours très juste au début mais son timbre toujours sur le fil dégage un charme particulier. Véronique Vincent chante également en français. On retiendra le très beau Je pleure tout le temps.
Ils chantent ensemble plusieurs titres d'Aquaserge comme A l'amitié ou TVCQJVD. Si la couleur des chansons reste très pop, l'ensemble peut prendre une tournure plus free : les musiciens partent facilement dans des improvisations psychedelico-progressives ou des digressions instrumentales sans que cela ne desserve les chansons, et ils ne tombent jamais non plus dans la démonstration technique. Les styles des deux groupes ont fusionné de façon naturelle, aucun groupe ou musicien ne tire la couverture à lui.
Cette collaboration très excitante sur le papier a vraiment été à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer et a permis de (re)découvrir pour beaucoup deux groupes francophones passionnants et hors-norme, dont les musiques mériteraient une plus grande audience. C'est une fois de plus tout à l'honneur des organisateurs du Festival MIMI d'avoir pu faire venir de tels musiciens.
Plus de photos par Julien Confalonierie par ici
Critique écrite le 04 août 2016 par Phil2guy
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