Accueil Chronique de concert Festival Phil Grobi
Jeudi 21 novembre 2024 : 6751 concerts, 27228 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.

Chronique de Concert

Festival Phil Grobi

Salle Camille Claudel Clermont Ferrand 26 & 27 mars 2010

Critique écrite le par

Annoncé par une intense campagne d'affichage sur les murs de la ville, telle qu'on n'en avait pas vue depuis des années, depuis, en fait, l'éradication des pratiques sauvages par les services de la ville conjuguée à l'occupation sans vergogne des espaces réservés par les gros programmateurs du coin, le festival PhilGrobi s'est tenu ce week end au Centre Camille Claudel, à Clermont Ferrand. Une telle irruption de pratiques oubliées ne pouvait être le fait que de nouveaux venus sur la place, et c'est effectivement un collectif à moitié lyonnais qui s'est occupé de proposer... autre chose !

"Bienvenue au premier festival dada", annoncent les Didierveillaults avant de brusquer tout le monde avec un rock à l'exécution approximative mais crâne. Le public, raisonnablement nombreux, ne sait pas trop comment se tenir. Certains, sans doute plutôt venus pour la suite du programme, subissent l'orage agrippés aux chaises qu'ils ont imprudemment tiré devant la scène, d'autres se faufilent tout devant pour gigoter et décharger la tension accumulée par l'angoisse d'un programme inconnu. Les didiers font ce soir leur retour sur scène après un silence de quelques mois, avec un disque, des badges idiots et quelques nouveaux morceaux toujours dans la veine "bruit électrique / dépense d'énergie", spécialistes du démarrage à froid de 0 à 100 en poussant le moteur sans échauffement, risquant la blessure, l'apoplexie ou la sortie de route à chaque instant.

Leur bruit s'éteint. Et maintenant ? Le véritable danger est là, bien géré par les organisatrices qui se gardent d'installer Claire-Lise Demettre et son violoncelle sur la scène en désordre. C'est d'une petite estrade dans un autre coin de la salle qu'elle annonce son programme et ajuste le niveau sonore à celui de son instrument. On comprend vite qu'aucun des musiciens, ce soir, ne fera de concession au voisin : chacun imposera sa propre ambiance. Claire-lise, donc, entame sans fausses excuses par des Suites de Bach, des "études", qui ont le mérite de faire sonner le violoncelle à l'aise, mais dont les motifs lassent un peu à force. Heureusement, la deuxième partie est plus audacieuse et la troisième, quoique retournant à des formes classiques, est aussi plus dynamique. Bach a fait le boulot, donc, en permettant à tout le monde de constater qu'il était possible de passer du punk rock bricolé à un récital de premier prix de conservatoire sans attraper le hoquet. Qui l'eut crû ?

Jusque-là, donc, c'était facile, finalement. Trop sans doute, puisque les organisatrices installent Jacques Puech et sa cabrette, pour jouer seul, lui aussi, un répertoire trad'. Trad' !!!? Les amateurs de classique et de punk, encore présents, passent d'un pied sur l'autre et se jettent des regards : va-t-on se battre au rez-de-chaussée du Conservatoire ? Mais non, cette énorme couleuvre passe aussi très bien, et vaincues, les diverses bandes laissent leurs cigarettes sur l'oreille et écoutent, sans sortir avant la fin, cet instrument particulièrement réputé pour son instabilité. Là encore, la présence agréable du musicien incite l'auditoire à la curiosité et il goûte sans retenue le plaisir d'écouter ce que le type a à dire. Parfois, on bat de la cheville et on remue de la hanche aussi. Non, non, ce n'est pas une ambiance "polie", non non on ne s'emmerde pas. "Contre toute attente", doivent se dire pas mal de méfiants, peu habitués à fréquenter les concerts pour écouter les musiciens, mais plutôt pour y retrouver les copains et se féliciter avec eux d'appartenir à un monde (esthétique) bien délimité.

Eh bien, faisons les comptes... Punk, classique, bal... Qu'est-ce qu'il pourrait bien manquer maintenant à cette réunion impossible, quasiment interdite, de genres ennemis ? L'électronique sera pour demain, le vulgaire aussi... La disco ? Le rap ? Poil va se charger de tout ça à la fois, et même pire, faire du jazz-rock. Au pays autoproclamé "capitale interplanétaire du rock", garanti 100% sans distance ni humour ni curiosité (ce qui a parfois du bon, hein, le rock c'est pas forcément fait pour rigoler), les lyonnais s'avancent sans douter de rien. Il faut dire qu'ils auraient tort : musiciens incroyables, costumes provocants, dextérité dans l'exploration et l'enchaînement de toutes sortes de styles non pas en pastiches mais en réelle et sincère interprétation (le rap à la beastie boys, la disco implacable, le kobaïen dans le texte...), ils ne lassent jamais et même... fascinent ! Installés comme en répétition, ils s'amusent !

Nous aussi. On se dit : décidément, étudier la musique n'empêche pas d'en faire ! On se rappelle qu'on se trouve dans une salle du Conservatoire et on on trouve ça rigolo. On apprécie d'avoir vécu cette soirée qui ne faisait peur, finalement, que parce qu'on est trop habitués à des classements faits pour nous dans les bacs de la fnac ou les pages thématiques des magazines. On est bien contents d'avoir retrouvé cette grande vérité : les gens racontent des histoires avec leur musique, et quel que soit le style et le chemin emprunté, on aime bien écouter les histoires des gens.


Le lendemain, approfondissement de la polymusicalité : un quatuor de Ravel excellent, aux dires des auditeurs classiques (j'étais en retard). Une longue promenade électroacoustique donnée par Poupée Mobile plongeant la salle dans des rêves de sons magiques. (j'étais pas encore arrivé) (et on m'a parlé surtout du dispositif, des amplis dans le couloir, etc., bref d'un dispositif qui a permis de faire découvrir un espace pleinement exploité. Est-ce le fait des premiers épisodes, ou un soin particulier des organisatrices, les lieux sont décorés, apprêtés, pleins de détails qui disent : "nous avons fait attention à vous" ! Cette salle Camille Claudel, qui passe des mains des uns à celles des autres, au gré des soirées et des organisateurs, manque parfois de personnalité et de chaleur. Ce n'est pas le cas ce soir. Ce n'est pas rien.

Puis, le groupe Spirojki, mené à train d'enfer par la paire Léonore (violoncelle) et Amaryllis (violon), soutenues avec acuité et sollicitude par Nicolas (trompette) (excellent en nuances), Frank (basse) et Phram (batterie percussion) : moderne, inspiré, naïf et musicalement méticuleux : un vrai régal, y compris pour les rockers (tendance john Zorn)! On n'oublie pas de mentionner les textes, la plupart du temps en français mais ni bêtes, ni incompréhensibles. On n'oublie pas d'en parler parce que c'est bien rare que des chansons ne se perdent pas dans une forme du genre "ça rime alors c'est joli" et parviennent à parler d'autre chose que les habituels clichés de la chanson.

Même plaisir du texte bien troussé (c'est le cas de le dire, bien sûr) avec le fameux duo Brice et sa Pute. Ah, il faisait bien un peu peur à tout le monde, celui-là. Le nom, d'abord, même si les lyonnais (encore !) n'étaient sans doute pas au courant de la résonnance particulière de leur nom dans le coin, et s'ils assument sans doute les pincements de bouche que provoquent... leur provocation. Bref, claquant des talons dans sa cage dorée pour marquer la mesure, le bassiste à l'air d'une vraie teigne accompagne sa pute chantante. En robe rouge réglementaire mais sobre mais classe, elle surprend par une première chanson en anglais avant de s'expliquer en français au gré de chansons foutrement bien balancées, exigeantes, jolies, sans concessions, je ne sais pas... drôles, intelligentes, tout ça... Un peu dégueulasses bien sûr...On les écoute avec attention comme la veille le violoncelle. Je le jure ! On n'a pas les mêmes images en tête, sans doute, mais une même attention, je vous dis.


D'ailleurs, c'est décidément cette écoute que je n'hésite pas à dire "de qualité" qui a marqué ce week-end de haute tenue. Chacun maintenant est libre de retourner s'il le souhaite dans sa catégorie favorite mais sache, Phil Grobi, que nous reprendrons bien un deuxième épisode quand tu veux ! Ça nous change !





Phil Grobi : https://philgrobi.site.voila.fr/
Thee Didier Veillaults : www.myspace.com/theedidierveillauts
Claire-Lise Demettre : www.myspace.com/duoametsmusic
Jacques Puech : www.myspace.com/puechgourdon
Poil : www.myspace.com/poil.poil

Quatuor Hapax : https://philgrobi.site.voila.fr/
Poupée Mobile : www.myspace.com/poupeemobile
Spirojki / dojodaïki : www.myspace.com/spirojki
Brice et sa Pute : www.myspace.com/briceetsapute


Puissant Domota : les dernières chroniques concerts

The Electric Suicide Club + Thee Didier Veillaults en concert

The Electric Suicide Club + Thee Didier Veillaults par Pierre Andrieu
Le Rat Pack, Clermont-Ferrand, le 25/09/2009
Et hop, un "petit" concert de rock 'n roll organisé à l'arrache au Rat Pack de Clermont-Fd, avec les super héros locaux (c'est ce qui est marqué sur l'affiche !) Thee Didier... La suite

S + Thee Didier Veillaults + The Kokomos en concert

S + Thee Didier Veillaults + The Kokomos par Pierre Andrieu
Le Rat Pack, Clermont-Ferrand, le 26/02/2009
Chaleureuse soirée de soutien au précieux label Voodoo Rhythm dans la moiteur du Rat Pack à Clermont-Fd avec les groupes de rock 'n roll, S, Thee Didier Veillault's et The... La suite

Thee Didier Veillaults en concert

Thee Didier Veillaults par Pierre Andrieu
Centre Camille Claudel , Clermont-Ferrand, le 31/01/2009
"On ne peut pas polir une merde..." Concert énervé, cradingue et réconfortant signé Thee Didier Veillaults au Centre Camille Claudel à Clermont-Ferrand (avec The Wendy... La suite