Chronique de Concert
Gaspard Claus + Arthur Satan + Gustaf + Tonn3rr3 + Madmadmad (Festival Yeah! - jour 1)
Cette nouvelle édition du festival Yeah !, après deux ans d'interruption due aux événements que l'on sait, était très attendue. On apprécie vraiment cet événement (qui s'étale sur trois jours) d'une part pour sa programmation très ciblée sur l'indie pop rock et l'électro les plus pointus mais aussi pour la beauté de son cadre, sur le parvis de château de Lourmarin.
Gaspard Claus
Je n'assisterai qu'à la toute fin du set du violoncelliste Gaspard Claus, membre du trio vacarme, qui a lieu à l'heure apéritive sur la scène " vieille ferme " qui offre une très belle vue sur la vallée et le village. Il joue ce soir une série de onze pièces pour violoncelle et il est accompagné ici du dénommé Basile3 qui assure avec son laptop le traitement sonore des différentes boucles de son instrument. A ce que j'en entends, cela donne une musique assez proche, pour les motifs répétitifs et minimaliste, de celle d'un Philip Glass à qui l'on aurait confié les arrangements de cordes pour un groupe de pop baroque. Mais cette musique ne se prête malheureusement pas trop au plein air pour être vraiment appréciée à sa juste valeur.
Arthur Satan
Arthur Satan, le guitariste de J.C Satan (considéré par beaucoup comme le meilleur groupe garage punk de l'hexagone) est le premier à inaugurer la grande scène. Il vient présenter ce soir l'album solo qu'il a réalisé pendant le confinement, So Far so good, un disque pop et lumineux, très réussi, dans lequel il donne libre cours à son penchant pour les Kinks, les Beatles ou même T.Rex.
Il est ici accompagné de quatre musiciens : un guitariste, un claviériste, et deux de ses complices de JC Satan, Gaspard à la basse et Guillaume à la batterie. Un des premiers titres joués est le solaire The Summer, une véritable perle pop, qui dans un monde parfait mériterait d'être un tube. Il présente une des chansons suivantes en déclarant un peu timidement qu'ils " vont essayer de jouer un morceau glam rock ", ce dont ils s'acquittent très bien. Et en effet, beaucoup de chansons sonnent comme du rock des années 70, ce qui est d'ailleurs renforcé par les sons de mellotron ou d'orgue hammond joués par le clavier. On croit entendre parfois des réminiscences de Neil Young avec le Crazy Horse ou même T.Rex.
En tout cas, ces chansons sont chargées d'électricité et jouées de manière bien plus " heavy " que sur l'album. Arthur Satan semble retrouver sur scène ses instincts garage punk en jouant de manière plus brute. Parfois, une chanson s'étire afin qu'il puisse exécuter un solo de guitare, rageur mais toujours inspiré. On sent aussi qu'il entretient une vraie complicité avec ses acolytes et tous semblent ravis d'être ici. En définitive, le groupe réussit le tour de force à faire sonner un "classic rock " très référencé aux années 70, avec fraicheur et inventivité sans que cela ne paraisse réchauffé.
Il faut dire qu'Arthur Satan a un vrai talent pour arranger et écrire des chansons. Et il a beau s'envoyer à notre santé une lampée de whisky à quelques reprises entre les chansons, cela n'altère pas son jeu ou n'a pas d'incidence sur le set. Ce concert a donc été un très bon démarrage pour la soirée.
Pasteur Guy
Et c'est une tradition au Festival Yeah !, il y a un DJ invité chaque soir pour faire la transition entre deux concerts et chauffer le public. Et cette fois-ci, c'est le dénommé Pasteur Guy, en col blanc et collerette de prêtre, qui assure un set plutôt rock mais éclectique pendant lequel on entendra aussi bien les B-52's que les Stray Cats ou Ty Segall.
Gustaf
Arrive peu après Gustaf, quintet de brooklyn à 80 % féminin qui s'est fait connaître dans un registre post punk arty avec un très bon premier album , Audio Drag For Ego Slobs et qui a été adoubé par Beck en personne (il a d'ailleurs remixé le titre Design).
Le chanteuse Lydia Gammil s'impose par une forte présence scénique : elle gesticule et se tortille convulsivement, grimace et scande ses textes plus qu'elle ne les chante mais sa voix est forte et percutante.
A ses côtés sautille une percussionniste-choriste à la présence magnétique, qui chante suivant les morceaux avec un octaver (un effet audio qui lui permet de chanter un ou deux octaves en dessous). Gustaf offre une musique très rythmique, avec une basse et une batterie très en avant, qui fait penser à celle des new yorkais d'ESG ou des premiers Talking Heads. Et si cette musique est continuellement dansante et sexy, elle ne s'éloigne jamais de son énergie (post) punk.
La bassiste blonde se trémousse comme une Tina Weymouth juvénile. Le guitariste, vêtu d'une splendide chemise à paillettes, a un air perpétuellement hilare. On ne sait si c'est parce qu'il est ravi de se trouver sur cette scène dans ce cadre splendide ou de jouer avec une bande de filles aussi cool (sans doute les deux et on le comprend). Son jeu est tortueux et minimaliste, mais toujours au service de cette pulsation irrésistible portée par la section rythmique. Lydia Gammil s'empare à quelques reprises d'une flûte traversière, comme sur l'intro d'un titre un peu plus lascif Liquid Frown. En tout cas, le public exulte et gigote autant que le groupe.
Gustaf s'est donc imposé dans un genre musical très pratiqué depuis ces deux dernières décennies : on ne compte plus le nombre de formations auto-proclamées ou estampillées " post-punk ", qui revendiquent l'héritage de Wire ou Gang of Four, pas forcément toujours pour le meilleur. Leur fougueuse prestation a fait l'unanimité et le groupe s'est avéré comme la sensation du festival.
Tonn3rr3
On va changer radicalement d'ambiance avec Tonn3rr3 avec qui la soirée prend une tournure nettement électro, ce qui est toujours de mise au festival Yeah ! Les programmateurs prennent toujours soin de donner la part belle aux musiques électroniques au sens large, rappelons que le DJ Laurent Garnier est un des organisateurs du festival.
La musique de Tonn3rr3 est un mélange de disco-funk et de techno-house très organique. Le groupe est constitué d'un batteur-percussionniste, placé au centre de la scène, torse nu et grimé de sortes de peintures de guerre. Son jeu flirte souvent avec l'afro-beat. Son compère à sa droite est préposé aux machines tandis que celui de gauche joue des claviers ou d'un synthétiseur korg sur lesquels il improvise de temps à autre des motifs tantôt jazz-funk ou d'autres plus planants.
Le trio ne se ménage pas et s'investit totalement et physiquement dans sa musique, très dansante et principalement instrumentale. On lui reconnaitra une certaine originalité même si elle peut paraître à certains un peu trop monotone sur la longueur pour totalement convaincre. Soit on adhère complètement à cette transe électro-house et on se laisse porter, soit on se lasse assez vite. Il faut reconnaitre que la sauce prend bien puisque le public est dans sa grande majorité extatique.
MadMadMad
Un autre trio, les londoniens de MadMadMad, investit ensuite la grand scène. La configuration est similaire à celle de Tonn3rr3 avec un batteur, un bassiste, et un guitariste. Ces deux derniers ont devant eux un arsenal de machines, laptop, minimoog ou samplers. Le groupe fait progressivement décoller son savant cocktail d'électro, de disco-punk, et même de krautrock qui s'avère au fur et à mesure du set franchement irrésistible, avec des trouvailles sonores d'une grande inventivité.
Les titres peuvent prendre une tournure plus expérimentale, avec des effets sonores à mi-chemin entre le big beat frénétique des Chemical Brothers et des bidouillages electronica à la Mouse on Mars. Mais le fil conducteur reste un groove implacablement dansant, porté par une basse grondante et presque funk et un batteur au jeu souple et ultra précis.
Le guitariste n'est jamais en reste quand il d'agit de faire sortir de son instrument des cocottes aux sonorités insensées, grâce à de multiples pédales d'effet. MadMadMad s'est donc illustré avec une musique hybride et mutante, qui a pu sembler assez conventionnelle au tout premier abord dans un registre " electro rock ", mais qui s'est avérée au fur et à mesure réellement stupéfiante et jouissive.
Pour une soirée de retrouvailles avec un de nos festivals préférés, on peut vraiment dire que cela a été au-delà de nos espérances, aussi bien pour l'ambiance que pour la programmation. Et ça ne fait que commencer.
Plus de photos et vidéos de cette première soirée par Pirlouiiiit par ici
Arthur Satan
Gustaf
Tonn3rr3
MadMadMad
Critique écrite le 23 juin 2022 par Phil2guy
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