Chronique de Concert
Françoiz Breut + Ottilie B
En attendant la performance de la diva, on prend place lentement sur les quelques sièges installés pour la première partie assumée par Ottilie B, dont mon expérience et ma connaissance de l'univers remontent à à peine deux heures auparavant, m'étant plongé dans ces morceaux disponibles en écoute (légale) sur internet. Les morceaux m'avaient laissé une plutôt bonne impression, sans enthousiasme débordant non plus, à part un ou deux morceaux accrocheurs, notamment J'Arrête, ou encore Les Crayons, sorte de valse réaliste à trois temps à l'accordéon, avec une belle rythmique et un jeu de voix assez prenant et entêtant, mais également - et ce trait particulier semble être LE plus de la chanteuse - cette aptitude à exercer (et parvenir à intégrer dans ces propres compositions) le chant diphonique, inspirée des chants mongols !
Arrivée seule sur scène, uniquement accompagnée d'une guitare ou d'un accordéon, de quelques effets et de boucles déclenchées aux pieds (nus), l'impression initiale est relativement bousculée.
Tout d'abord, Ottilie B, que l'on pourrait croire jeune novice tombée de la sphère chanson réalistico-atmosphérique, s'avère être petit à petit au cours de la soirée, une performeuse impressionnante d'aisance, de facilité dans sa présence et son contact avec le public, et d'une interprétation assez prenante, et ce dans tous ses registres. Une véritable petite prouesse, alliant la femme orchestre et l'interprétation forte et juste (moui... on se croirait dans un discours politique !).
Concernant les registres, Ottilie tape assez large : ces fameuses valses accrocheuses à l'accordéon, dès le second morceau (Les Crayons), où elle s'accompagne elle-même aux choeurs, par nappes superposées, par le truchement des boucles déclenchées en temps réel, de manière quasi invisible, telle une prestidigitatrice, déclenchements dissimulés dans ses pas de danse. Des morceaux plus "atmosphériques", aux effets et aux boucles plus électro (O Future). Des morceaux aux accents plus légers, sur rythmes bossa à la guitare (Il Pleut Comme Chiens et Chattes). Ou directement des morceaux parlés ou a capella.
Et contrairement à ce qui est écrit quasi systématiquement ici et là, le chant diphonique, même s'il apparaît à quelques reprises, ne m'est pas apparu si prédominant.
Mais Ottilie, c'est également parfois des textes cashs, qui prennent le public au vol et à froid (et qui me font penser à la prestation de Aim-Bass à l'Escale d'Aubagne). Sur une intro parlée : "t'aurais mieux fais de remuer ta langue sept fois dans ta bouche, au lieu de la mettre dans la sienne" (rires mi-figues mi-raisins dans la salle), le texte de la chanson Aqua Tu Penses ?, à nouveau à l'accordéon, elle ne fait pas dans la demi mesure, et tape direct là où ça doit faire mal ("Tu penses à quoi / quand tu la fourres / ta langue dans sa bouche / Ton doigt dans l'emprise / Que tu t'électrises / Tu penses à quoi ? ... Moi quand j'y pense / Je te déteste...").
Le tout couronné d'une reprise d'Alain Bashung, Madame Rêve, une reprise totalement reprise à son compte, comme pour enfoncer encore le clou de son aptitude aux compositions et aux arrangements, impressionnants, et de sa performance scénique, bluffante.
Changement de plateau assez long, mais qui nous donne tout le temps de bavarder un peu. Et puis Miss Breut, un verre de vin à la main, n'est jamais très loin lors de la soirée, fondue ici et là dans le public en pleine conversation avec ses musiciens ou des connaissances du moment.
La montée sur scène se fait dans une fébrilité partagée : elle, visiblement un brin tendue ; nous, tout aussi pressés de l'entendre (depuis si longtemps en ce qui me concerne ! vraisemblablement depuis le Printemps de Bourges, c'est dire...). Ambiance très cosy feutrée, élégance de rigueur, même chez les trois musiciens qui l'accompagnent : Stéphane Daubery aux guitares, visiblement le principal soutien et partenaire de Françoiz Breut au cours de la soirée, un taciturne Patrick Clauwaert à la batterie et un quasi invisible Antoine Rocca aux claviers. Françoiz Breut y ajoute des ambiances minimalistes à l'aide de son petit clavier, ou des ambiances cinématographiques à l'aide de son baladeur.
Nous sommes donc devant l'inconnu : Françoiz Breut joue les VRP de son prochain album qui devrait arriver très prochainement selon les rumeurs. Le public part avec un a-priori franchement favorable, la salle étant visiblement bondée de fans de longue date. La demande de certains morceaux de la part du public en témoignera. Mais Miss Breut nous présente ses nouvelles ambiances. Évocation de paysages de bord de mer, de cotes du nord, de senteurs d'années passées, de balades langoureuses ou exotiques, de réminiscences de voyages...
Difficile de coller à ces nouvelles ambiances et ses textes tout frais, tant l'univers de Françoiz Breut requiert généralement en ce qui me concerne, une plongée régulière et un minimum d'approfondissement, comme sur les précédents albums, avant d'en être totalement imprégné. Au point ensuite de placer ces galettes au sommet de ma discothèque.
Ici, je pressens les choses, sans réellement parvenir à les appréhender réellement, restant sur le seuil de ce qui nous est présenté.
Par ailleurs, rien à faire. Je n'ai jamais trouvé Françoiz Breut très chaleureuse sur scène. Cette fois-ci ne manquera pas à la règle : l'interprétation est parfaite, une voix indiscutablement superbe et posée, de très haute tenue. Une volonté certaine de perfection dans l'interprétation.
Mais le tout est glacial et manque apparemment d'énergie, d'ampleur. S'il y en a réellement, le côté un tantinet précieux que l'on ressent dans son interprétation, sans doute nécessaire à se concentration, nous éloigne encore un peu plus de l'artiste et de sa performance, comme une langue étrangère, certes mélodieuse, mais qui vous tient à l'écart, maintenant une distance et n'aide en rien à l'invitation de ce nouvel univers. Seuls les quelques morceaux connus (Les Jeunes Pousses, ...), langue enfin familière et tant attendue, brisent notre isolement. Le Ravin et Km83, les derniers morceaux au cours de l'unique rappel, superbement interprétés, nous consoleront un peu, avant que l'artiste ne s'évanouisse.
Aller à ce concert de Françoiz Breut, c'était un peu comme prendre plaisir à revoir un ancien amour de jeunesse... mais s'apercevoir que l'on flashe sur la copine qui l'accompagne.
Critique écrite le 22 février 2012 par Flag
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