Chronique de Concert
Garden Blues Festival : Philippe Menard + Lucky Peterson
21h00 Rouflaquettes et lunettes rondes, Philippe Ménard, Le One Man Blues Band, est un groupe de blues à lui tout seul. Il est multi-instrumentiste, et sa particularité, en plus d'être gaucher, est de jouer de tout à la fois. Pour y arriver il s'est équipé de "prothèses" (boîtes à harmonicas diatoniques autour du coup, onglets sur le pouce gauche, bottleneck sur la main droite) et surtout s'est construit une batterie particulière : à droite grosse caisse, à gauche un pied de grosse caisse équipé de 2 baguettes pour taper simultanément sur une caisse claire et une cymbale de charley placée en dessous. Il ne s'en sert pas juste pour appuyer les temps, mais pour y réaliser de véritables parties rythmiques.
Il chante le blues en anglais avec ses tripes, assis sur son tabouret, les yeux fermés, les coins des lèvres tournés vers le sol. Au travers des reprises de Rory Gallagher, du révérend Gary Davis, de Robert Johnson, Philippe Ménard nous sert un blues brut de décoffrage à l'image de sa guitare folk usée comme un bon cuir et décorée de capsules de bouteilles sur la table d'harmonie.
Changement d'ampli et de sonorité plus distordue pour telephon woman avant de jouer enfin l'une de ses compositions : Patriotisme parlant des mères américaines dont les fils sont partis mourir en Irak. On ne saura pas si lui-même est patriote, mais en tous les cas on le découvrira attaché à sa Bourgogne, au travers de quelques vannes lancées sur notre région en guise d'interlude entre chaque morceau. Ceci ne manque pas de réveiller les cigales qui vont lui faire la nique jusqu'à la fin du concert.
Superstitieux également, il avoue, en prenant sa guitare demi-caisse, utiliser toutes ces guitares pour ne pas qu'"elles se vengent". Encore un très bon chorus d'harmonica sur Miss Maybelle avant le douzième morceau, "clou du spectacle" de ce bricoleur. Il nous présente un instrument fabriqué par ses soins, une guitare monocorde faite d'une planche, d'un micro, d'une corde, d'un bouchon de calvados, d'une photo de Jack Daniel's sur l'emplacement réservé au jack. Comme pour insister sur son aspect inachevé, il en joue avec deux tournevis qu'il saisit à l'envers. Avec le premier manche il frappe la corde, avec le second il glisse vers la note en la faisant vibrer un peu à la manière d'un bottleneck.
Le blues man termine son set avec Madison blues salué par un public comblé, enthousiaste et régalé pendant une heure.
22h20 L'attente n'aura duré que 20 minutes avant que le batteur prenne place et se lance dans un bon gros groove. Il est rejoint par le bassiste qui fait claquer un slap puis par un guitariste montrant des rictus de mauvaise humeur mais exécutant un solo sans bavure. Enfin le timbre de la section cuivre saxophone, trombone et trompette, éclate. La machine est lancée, Lucky Peterson peut entrer en scène.
Tout sourire, debout derrière son piano électrique Fender Rhodes et son orgue Hammond, il réclame le bruit. Il exige que tout le monde tape des mains, du premier au dernier rang, des spectateurs aux techniciens en régie : gare au fainéants ! Se succèdent un premier morceau plutôt soul, un second carrément blues puis un troisième funky, avec un solo de sax à la Macéo Parker sur un court riff de basse en boucle et un solo de guitare presque hard-rock : Lucky Peterson souvent vanté pour ses qualités d'instrumentiste impressionne aussi par sa voix. Explosant d'énergie il dirige ses musiciens par des gestes du bras qu'il lève vers le ciel pour que ceux-ci adopte un jeu plus soutenu ou au contraire lance des "shhhh" au micro lorsqu'il faut laisser la parole à un chorus. Donnant sans cesse l'impression de terminer un morceau pour finalement mieux repartir, il induit un mouvement d'oscillation incessant entre la douceur et la puissance.
Le quatrième morceau blues/jazz au tempo plus lent est le moment pour Lucky Peterson de faire un long chorus de claviers, et de s'en aller décrocher sa guitare demi-caisse. Avec une technique peu banale de jeu à la pulpe des doigts, il entame un solo qui monte crescendo vers le rock, entraînant avec lui ses musiciens dans un blues/rock au tempo enlevé. Le public chauffé à blanc répond en écho des "Yeah" aux chorus de guitare dans un jeu de question-réponse.
Tout en jouant, il s'avance vers le devant de la scène pour s'asseoir en bout de plateau. Il chante sans micro et pourtant lorsqu'il lance un "Do you hear me?" on répond jusqu'au 15ème rang un "Yeah" d'approbation. Soufflant à nouveau des "shhhh" Lucky Peterson apaise son accompagnement , éteignant et ravivant le feu de sa gratte en tournant le potard de sa guitare.
Comme attiré, il descend dans la fosse qui le sépare du public et finit par passer par dessus la barrière pour venir se noyer dans la foule. Alors que sur la scène on déroule un jack sans fin, véritable fil d'Ariane que les spectateurs hissent au dessus de leurs têtes, Lucky Peterson se fraie un passage vers le fond du jardin sans jamais arrêter de jouer. Sur scène, le groove tourne encore sur des riffs d'Hendrix ou des Blues Brothers, comme sortis des abysses de la Barasse.
En revenant vers la scène, il s'arrête pour céder sa six cordes à un jeune anonyme qui, non seulement accepte l'objet, mais à ma stupéfaction se met à en sortir un solo qui, pour ceux qui n'ont pu le voir, ne laisse imaginer qu'il y a eu passation de guitare. De 2 choses l'une : ou 1500 (moins un) bons guitaristes sont venus voir Peterson ce soir ou il ne se prénomme pas Lucky pour rien ! Pendant que je ramasse mes bras tombés à terre, Lucky Peterson remonte sur scène pour convoquer chacun leur tour ses musiciens à chorusser au devant de la scène.
Il retourne ensuite derrière ses claviers pour céder sa place au micro à une chanteuse. Celle-ci n'apporte durant 3 titres pas grand chose à la prestation, si ce n'est qu'elle nous renforce dans l'idée que son homologue masculin a réellement une voix et un charisme sans égal. Nouveau solo des cuivres durant lequel le trompettiste se fait remarquer en se servant de sa main comme d'une sourdine.
Un peu comme si on avait appuyé sur la touche pour visionner le début du set, Lucky Peterson et ses musiciens quittent tour à tour la scène, alors que, toujours sans l'ombre d'un sourire, le guitariste resté sur scène excelle dans un solo interminable...
Le temps d'installer deux chaises au devant de la scène sous les rappels du public, Lucky Perterson et son guitarise s'assoient pour un duo de six cordes plus cool d'une dizaine de minutes. Puis il rappelle ses "fellows" pour repartir de plus belle dans un meddley rock/blues ( avec, entre autres, une reprise comme au premier soir du festival de Got My Mojo Working) qu'il assure à la guitare, suivi d'un second meddley derrière ses claviers.
Au total c'est 2h20 de show mené sans relâche, servi par la sonorisation et les éclairages impeccables du Garde'n Blues.
Critique écrite le 21 juin 2006 par Fred
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