Chronique de Concert
Giant Sand
Le Poste - Galène Marseille 10 février 2009
Critique écrite le 11 février 2009 par Jacques 2 Chabannes
(Fidèles Au Poste !)
T-shirt anthracite, jeans, casquette relevée (façon routier en transit) " il " est paisiblement adossé au mur du PAG : dardant négligemment son regard voilé sur la maigre assistance, sur le démontage en règle de la scène... Lors, personne ne daigne pourtant venir lui serrer la louche, lui lancer un ou deux mots de remerciements, l'interroger sur le pourquoi du comment de sa pose classieuse, stoïcienne.
Cet homme qui a soudé et fondé (en un sens) Calexico , joué et composé avec Victoria Williams , PJ Harvey , Steve Wynn , Lisa Germano , Neko Case , Vic Chesnutt , Chris Cavacac , ou le mythique Rainer ... Fondé OP8 , The Band Of Blacky Ranchette , The Friends Of Dean Martinez , ou le récent Arizona Amp And Alternator , ne semble devoir attirer que les regards rassurants et conquis de la préposée au stand ! (T-shirts, CD et sacs compris).
Il vient pourtant de nous offrir ce qu'il a de plus beau : un Giant Sand en grande forme : soudé et énergique, précis et aventureux, suranné et moderne à la fois, actuel du propos.
Genèse...
Il est 21 h et quelques mousses bien fraîches, lorsque ses acolytes, le Desoto Caucus entrent en scène, rejoints, trois chansons plus tard, par l'unique Lonna Kelley . On nous avait annoncé un duo de légende, un antagonisme, une lutte séculaire " brune/blonde ", et c'est la blonde qui s'empare du micro : ronde, souriante, manifestement porteuse d'un petit humain à venir...
La piquante Lucie Idlout , habituelle compagne de route, ne sera donc pas là ce soir... Déception ! Une fille s'avance vers-moi, se cale sans crier gare, s'approprie honteusement mon espace : " Hé ! C'est mon poteau ! (Que je lui crie)... J'étais là le premier ! D'ici, je vois bien le... Concert ! Le concert ? Quel concert ? ". Ha, oui, c'est vrai... Miss Kelley m'ennuie ! C'est son futur enfant qui sera heureux, tiens, quand elle lui susurrera ses fadaises, ses tristes ritournelles, au moment délicat du coucher sous berceuse... J'en reviens presque à regretter les morceaux fadasses précédemment envoyés par le groupe de nordiques talentueux qui accompagne désormais Howe Gelb au cours de ses " Globe " pérégrinations.
" IL " traverse la salle sous casquette, " IL " s'empare d'une guitare, pince une ou deux cordes, et c'est... Parti ! L'avantage, quand on ne fait pas de " set-list ", c'est qu'on est libre de se lancer au débotté, de se comprendre (ou pas !) d'aller où bon vous semble, de suivre ses envies...
Le problème, quand on ne fait pas de " set-list ", c'est que l'on peut parfois se sentir très seul, lorsque les autres tardent à entrer dans la danse, comme Anders Pedersen (guitares, slide, churs) ce soir... Au tout début.
La guitare crisse néanmoins de perçant, les pédales d'effet attendent patiemment leur tour, sagement rangées aux pieds du maître, frétillant d'impatience sonique. " L'amour est absolu... " chante notre homme, avant que d'enchaîner illico sur un déluge de sons sous obédience Neil Young : une " Bruitiste Lapsteel Attack " qui se colle à l'épiderme, noyée bientôt sous les accords d'un Rockabilly hargneux, à même de faire grincer les genoux des premiers rangs. Il commence, il lance un accord ( Out There ) et les autres suivent, c'est comme ça, c'est rodé, assumé, envoyé et... Pesé !
Aïe ! La Lonna Blonde refait son apparition, tandis que je me mets malgré-moi à chanter Mystery Train sur le morceau envoyé avec ferveur par le groupe, mais que je tarde néanmoins à reconnaître ( Miss ). Tiens, si je collais mon médiator sur le corps de la guitare à l'aide de ma salive, comme lui, chez-moi, à la " casa ", je serais vite prié d'aller faire mes saletés ailleurs, mais pas LUI, pas Howe, non : " T'as vu le coup du médiator... C'est la classe ! " (me glisse mon voisin de poutre, mon copain, mon poteau).
Sur Pitch And Sway , le doigté de piano s'invite à la fête (triste) nimbé d'un soupçon de Riders On The Storm ( Doors ). Une fille lit au fond, paisible, assise au coin du bar. C'est en LA regardant que LUI me semble soudain fatigué : il ne LA voit pas mais IL durcit pourtant le ton - dissonance, quand tu nous tiens ! - et le piano l'appelle finalement pour une toute petite pluie fine de notes (sale économe, va !).
Le quatuor vire au trio jazz sous lumières tamisées, contrebasse de Thoger T. Lund en proue et roulements de Toms en sus : pourquoi est-ce qu'on les a pas appelées Tims, au fait, ces peaux tendues sous baguettes ? Ou bien John, comme le Convertino d'autrefois ! Tiens, ELLE baille, la fille du bar, ça ne doit pas être très passionnant, ce qu'elle lit...
Bottom Line Man réveille nos ardeurs engourdies, mâtiné de quelques phrasés de Way To End The Day . V'la que ça tourne désormais au saloon fin de route, au Ragtime de l'ouest lointain, juste avant le retour de la blonde honnie au micro pour y duettiser sur le génial Stranded Pearls , l'une des perles du magnifique Provisions (sorti en septembre dernier) . Si LUI est crédible en Lee ( Hazlewood ) ELLE ne l'est pas en Nancy ( Sinatra ) pas même en Campbell (Isobel) et c'est Can Do qui remet fort opportunément les pendules à l'heure.
Un sommet s'avance afin de clôturer le set de somptueux - Increment Of Love - " IL " a crié " Maman ! " juste avant que les médiators ne se tendent, que les cordes ne déchirent la pulpe des doigts d' Anders soutenues par l'immense réservoir à sons : la guitare semble devoir avaler un évier d'acier en fusion cette fois (c'est MA vision du son en question !) et elle renâcle, la traîtresse ! " IL " reprend alors la main : il aime ses propres sons, s'en nourrit, en sourit d'aise, ce pervers polymorphe...
C'est Tom Morello ( Rage Against The Machine ) qui s'en vient zoner sur Tucson , tandis que la " fille " crie sans crier gare, à s'en faire péter les cordes, dans le plus pur rôle de la sirène (et non l'inverse !).
" IL " présente ses pairs, satisfait : " putain, ce sont des Danois ces ricains ! Moi qui croyais qu'ils étaient Norvégiens ! " (me lance alors un neurone plus fatigué que les autres...).
Le rappel est tendu de Shiver . Cette fois, la guitare vient d'accoucher d'un violon (ou bien, elle l'a avalé) et ce violon crisse tout au fond des " pavillons ", le chaos est là, tout à côté, à deux pas...... À l'étage, trois ou quatre courageux s'enfument paisiblement le poumon derrière vitre, persuadés que c'est nous qui nous trouvons de l'autre côté !
C'est au tour du Ring Of Fire de Johnny ( Cash ) d'être balancé à l'ancienne, relooké de frais, " rockabilly-sé ", emporté sur les cimes lointaines et enfiévrées des fécondes fifties.
Nous étions, 1, 2, 3... 20, 21... 33, 36... Euh, au fait, c'est mauvais signe, quand on PEUT compter les autres à voix haute ? LA fille au journal est partie au beau milieu de Ring Of Fire , elle ne mérite donc pas d'être comptée, ha, non mais ! Pas plus que les absents du soir ne seront un jour excusés, n'y comptez pas - quels que seront leurs mots, mensonges, raclements de gorge, ou balbutiement gênés - ce qu'ils ont manqué, nous le garderont à jamais enfermé en un coin de matière : grise, sombre, anthracite, comme le T-shirt du gars Gelb en question...
Critique écrite le 11 février 2009 par Jacques 2 Chabannes
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