Chronique de Concert
Goldfrapp + Wagner
Le public n'aura ensuite pas eu à attendre trop longtemps avant de découvrir l'arche argentée qui allait servir de décor à la prestation de la troupe d'Alison Goldfrapp. A mi-chemin entre le demi-pneu géant et la soucoupe volante, son inutilité n'a d'égale que sa laideur. C'est pourtant un élément important de la scénographie et celle-ci aura justement été un des points faibles du concert. Mais passons, nous y reviendrons plus bas.
Entourée de quatre musiciens (un bassiste, une batteuse, une claviériste et un multi-instrumentiste passant du synthé à la guitare ou au violon), la quadra blonde aux allures d'éternelle Olivia Newton-John arrive dans un habit pailleté des plus moulants. Après deux titres d'albums plus anciens, le groupe entame une longue série de chansons issues de Head First, leur dernier opus. Le public reste assez mitigé, bouge peu et semble attendre que le concert démarre enfin. C'est l'enchaînement Alive / Rocket / Believer, trois des titres les plus accrocheurs du nouvel album, qui commence à faire se dandiner plus franchement les premiers rangs, mais L'Aéronef reste dans l'expectative. Il faut finalement attendre le classique Train , dixième (!) morceau de la setlist, pour que la magie opère entre la scène et la fosse, qui commence à sauter et à taper des mains. Gratifié d'un final rock boosté à grands renforts de stroboscopes, le single issu de Black Cherry lance enfin les hostilités.
Le combo britannique laisse alors passer I Wanna Life pour faire un peu redescendre la pression avant d'en remettre un (gros) coup avec la pépite Ooh La La, sans doute son titre le plus dansant, qui fait vrombir cette fois jusqu'aux derniers rangs de la salle. La chaleur monte d'un cran, l'ambiance aussi, et c'est le moment que choisit une Alison jusqu'alors peu diserte pour se lâcher enfin, balançant à la foule un "COME ON !" de punkette, qui aura eu le mérite d'ouvrir grand les vannes d'un public encore un peu sur sa réserve et qui se défoule enfin sur une nouvelle outro survoltée.
Laissant la salle à sa torpeur post-orgasmique, la petite troupe s'en va en coulisse un court moment, avant de revenir (changement de costume à la clef pour la chanteuse) enchaîner un mini-set de trois de leurs titres plus calmes : Little Bird, Hunt et puis leur premier titre culte (vieux de dix ans déjà), Lovely Head, aux allures de chant des sirènes époustouflant, avec cette voix, plus saturée d'effets que jamais, qui semble venue d'ailleurs.
Nouvelle sortie de scène, un rappel cette fois chaleureux d'un public lillois enfin retrouvé, et nouveau changement de costume. Alison revient habillée de fanfreluches roses et rouges pour lancer enfin le morceau que tout le monde attendait : Strict Machine. Dans la lignée de Train et Ooh La La, le titre est dopé aux riffs électro-rock saturés et emporte tout le monde pour cet ultime assaut de la soirée, qui conclue avec fracas un concert pourtant en demi-teinte.
A posteriori, force est de reconnaître que la setlist était admirablement bien dosée : bien que lente à démarrer et donc à mettre le public dans le coup, elle a permis de faire peu à peu monter la pression pour finalement terminer en force. Le double-rappel, avec cet intervalle planant, s'avère être un coup de maître, et on ne peut sur ce point que rendre hommage à la science du combo anglais.
En revanche, toutes les paillettes du monde auront beau faire (et on en aura trouvé partout : sur la basse, sur la batterie, sur la plupart des costumes et sur la fameuse arche argentée), la scénographie était pauvre et décevante. Dépourvu de jeu de scène, le groupe avait l'habitude de compenser ce manque par des danseurs et des chorégraphies étudiées. Mais point de jeune femme à tête de cheval ce soir, le groupe est seul sur scène, trop seul et trop statique. Alison elle-même se contente de se pencher en avant, comme soulevée dans l'air propulsé par les deux ventilateurs qui encadrent son micro, effet certes très joli, mais assez lassant au bout d'une heure et demie.
Finalement, on aura donc eu le sentiment d'avoir assisté à un concert un peu au rabais : décor de récup', jeu de scène en option, presque aucun mot pour le public, et plus d'énergie dans la fosse que sur scène. Goldfrapp a toujours joué sur cette image assez distante, presque élitiste, et si leur dernière livrée rétro-pop tente peut-être de briser ce carcan, le problème majeur reste qu'à de rares exceptions près, ils n'ont pas l'air de prendre beaucoup de plaisir sur scène. Alors comment en donner ?
Cela n'enlève rien à la qualité indéniable de leur production, dont certains regretteront le virage pop plus marqué à chaque album, mais qui reste une grande claque de mélodies entêtantes, de lignes de synthés atmosphériques et de basses à vous arracher du sol. Une architecture musicale complexe et vrombissante (composée par Will Gregory, moitié de l'ombre du duo) qui est portée par les frêles vibrations d'une voix, cette voix tellement saturée d'effets qu'on se demande parfois à quoi elle ressemble vraiment. Cette voix venue d'ailleurs, mystique, séductrice et destructrice. Et c'est cette mysticité que le public d'Alison Goldfrapp vient chercher. Indiscutablement, il l'a trouvée ce mardi soir à L'Aéronef.
Photos : Laura Dubois
Merci à Sara-Jane Richardson, Emmanuelle Oddon et Caroline Voisin
Critique écrite le 30 septembre 2010 par fredc
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