Accueil Chronique de concert Graham Parker & Éric Naulleau
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Chronique de Concert

Graham Parker & Éric Naulleau

Graham Parker & Éric Naulleau en concert

l'Espace Provence - Saint-Cyr-sur-Mer 29 janvier 2016

Critique écrite le par

Discovering Saint-Cyr !
(Faire Taire LA Rumeur...)

Tandis que le Londonien d'origine enchaîne de vécu les accords, chéris de mes sens, de Watch The Moon Come Down, je tente de faire un rien le ménage au sein des sentiments mêlés qui m'habitent pour l'heure. Depuis quelques années, en effet, le Fan de Rock "old school" aura dû prendre pour habitude d'assister à des shows pour le moins surprenants, donnés dans des endroits ou lieux, pour le moins inhabituels - Elliott Murphy dans des villages à peine répertoriés sur la carte de France ou chez un lunetier Marseillais, Willie Nile dans un club/bar jazz à peine plus grand que mon salon, le duo Difford-Tilbrook des Squeeze jeté d'acoustique au milieu d'un couloir mal éclairé à Cannes, Mark Olson (Jayhawks) posté de trio tout au fond d'un bar Massilien en plein Happy Hour, Southside Johnny confiné dans l'arrière-salle d'un resto US spécialisé dans le Hamburger à deux pas des Champs-Élysées, etc. - reste que, se mettre en quête de devoir isoler puis trouver l'Espace Provence "down in Saint-Cyr-sur-Mer" afin d'y ouïr l'incontournable Graham Parker (et son acolyte de lecture Eric Naulleau) ne jure aucunement au sein du tableau précité.


Point du tout. Impression confirmée d'emblée au vu de la déco du lieu vantant (peintures murales classiques à l'appui) les mérites des vignobles du cru (de belle qualité "vignesque") et des rangées de chaises alignées à quelques décimètres de la scène montée en mode "minimaliste". Il n'empêche que la soirée se montrera en tout point aboutie, même si les membres de l'organisation (aux petits soins et heureux comme pas deux de la venue du duo en mode "paroles & musique") espéraient à demi-mots pouvoir compter sur une plus grande représentation "locale" ; une absence compensée en partie par un afflux de varois et marseillais interpellés par cette double affiche inédite et prometteuse.


Après avoir longuement glosé sur le chapitre des "occasions manquées", musicalement parlant, puis mis en parallèle les sombres années "Chirac", d'avec les nôtres (non moins mal éclairées à l'huile de pétrole... brut !) nous ne pouvons que nous incliner devant la "bouteille" du musicien, capable de, sur simple signe de tête - après que son alter Naulleau ait longuement péroré, digressé et trituré d'autant nos cheptels de neurones faiblissant, collectivement parlant - se lancer sans filet dans une version dépouillée mais sentie du splendide Between You & Me (Howlin'Wind/76). Au chapitre des "révélations" (au sens non biblique du terme) savoir que le cathodique Yves Calvi aura été l'initiateur, le déclencheur de cette Parkeromane addiction nichée aux noirs tréfonds de la tripe à Naulleau, rassure et intrigue à la fois ; quoi qu'il en soit, s'il est une chose que l'on ne puis reprocher à icelui - bien au contraire, profiter de l'occasion et le remercier chaudement d'avoir entamé cette démarche, loin d'être gagnée à la base - c'est bien de ne pas tricher au niveau de cette passion toujours vivace, assise sur des années d'écoutes, déplacements, shows (effrois ?) et vols transatlantiques assumés dans l'unique but d'aller mirer la bête Rock en son Minneapolis territoire, que nenni - impression légitimement née de l'abouti et conseillé Parkeromane (Belfond Ed.) et poussée plus avant "au contact" en fin de soirée, autour des fruits de la vigne varoise, en rentrant au plus profond de la fibre collectionneuse du chroniqueur et éditeur en question.
Aussi, l'écouter revenir sur l'étrangeté de revoir un jour le blaze buriné de vie du musicien - alors plutôt au creux de la vague médiatique - apparaître au beau milieu d'une comédie "grand public", mais bougrement hilarante, nommée "40 ans, Mode d'Emploi" (Judd Apatow) ne peut qu'étirer nos zygomatiques au plus proche du plaisir ; sachant que cela aura également coïncidé d'avec la reformation des mythiques The Rumour (pour une série de shows, un DVD et deux albums, dont le recommandé dernier en date Mystery Glue/Universal-Cadet Concept !). Ravi par le trop rare Lunatic Fringe (Steady Nerves/85) touché par les dorures torturées de Fools Gold - "J'accomplis mon devoir depuis maintenant de très longues années/et tout ce après quoi je cours/un jour je le trouverai... -, épastrouillé par le monument When The Lights Go Down et son fameux "Ce que tu ne connais pas peut te blesser !" (qui renvoie immanquablement à notre glauque situation actuelle, à l'obscurantisme subrepticement élevé au grade de fondement, de socle épais sur lequel s'appuyer et bâtir une vie au péril de l'autre, enfin au détriment du... pas comme soi !) je me prends alors à rêver. À rêver que la salle entière se lève soudain dans son ensemble pour faire bloc et finir par entonner, chacun soudé à son voisin, "Under The Mask Of The Happiness !" (Revêtu Du Masque De La Joie ! peu ou prou... j'suis vraiment un trouduc' de la traduc') tandis que notre musicien, stupéfait par cet élan spontané, bascule à son tour en reprenant à la volée son riff avant de plonger à donf dans une rythmique effrénée menée au plus proche de la transe : comme le fameux Bruce-Boss du New-Jersey se plaît généralement à le faire en Live, armé de son noir et tragique brûlot nommé Badlands !


Peut-être, parce que l'immuable formule défendue céans par le duo (une intro puis une chanson + une intro puis une chanson + une intro puis une... chanson !) me semble un zeste systématique et en bordure de lassante ; non pas que le contenu du livre, défloré de gosier passionné par sa plume originale, ne soit en cause - les anecdotes personnelles et/ou issues de performances historiques, ne sont aucunement à remettre en question ou sur la sellette - non, question de rythme, juste. Juste.
Après le très malicieux I Discovered America (Don't Tell Columbus/07) enchaîné au titre inaugural du chef-d'œuvre Squeezing Out Sparks (Discovering Japan79) puis au fumeux Get Started, Start A Fire (88) l'heure est venue, pour le conteur de voyelles et consones, de revenir sur une triste soirée durant laquelle l'antique Chuck Berry avait franchement pataugé de Live dans la semoule de son cerveau en bout de course, avant que de se reprendre pour finir un PEU plus dignement - quelque chose qui n'arrivera, ni à David Bowie, ni à Glen Frey, ni à Paul Kantner ; pas plus à Amy, Jimi, Kurt ou Janis, tous morts avant que d'être frits ou bien sucrer les fraises : "it's better to burn out, than to fade away...". "Tu ne te trouves pas à l'endroit où tu crois être !" (You're Not Where You Think You Are/Imaginary Television) aura semblé lui avoir lancé, en amont, notre soixantenaire encore vert, avant que de se fendre d'une version très académique (quoique, en solo) du classique absolu : Around & Around.


La soirée se conclura sur une ultime leçon extraite du "Petit Parker Par Naulleau Illustré", administrée en toute connaissance de son sujet - qui se balance doucement d'un pied sur l'autre en l'écoutant, attendant de pouvoir de nouveau ouvrir grand les vannes de son sublime répertoire - par notre lecteur aux anges : qui nous rappelle benoitement que chaque Fan Hardcore du musicien se doit de pointer un doigt vers les cieux (mais le plafond du lieu, doit également suffire) lorsque celui-ci éructe son fameux "Hey Lord, Don't Ask Me Questions !" : une pratique de connaisseur pointilleux qui sera mollement suivie par l'assistance, ce soir, en dépit d'une version plutôt énergique et emballante.
Point gris-noir de la soirée, en effet, il m'aura paru évident qu'une partie du public semblait alors prête à se lever pour venir au plus près de la scène afin de pouvoir y partager de proximité la saveur aigre-douce du répertoire du Briton aujourd'hui expatrié : mouvement naissant immédiatement interrompu (bien involontairement) par l'ultime retour du monologue signé Naulleau. Lors, avoir le privilège insigne de pouvoir ainsi côtoyer d'aussi près un tel personnage, sans pouvoir pour autant partager à son contact quelques morceaux de derrière les fagots ENCHAÎNÉS les uns aux autres (comme dans un vrai rappel en Live, quoi) ni même, pouvoir lui en suggérer un ou deux à la volée, ben... ça frustre forcément le Fan présent ; ce qu'aurait très certainement également souhaité Éric Naulleau à notre place, à n'en pas douter. Et puis, tiens, pourquoi ne pas imaginer, une fois la lecture/spectacle bouclée de belle façon, celui-ci ôter son micro puis se mêler tout bonnement aux spectateurs présents durant ces fameux "rappels" et y goûter pleinement ? Authentifiant, par là même, ce pourquoi il aura un jour rêvé, imaginé puis créé d'envie cette belle association bâtie sur l'antique complémentarité mêlant d'évidence, Paroles ET Musique, autour d'un sacré mythe musical ; initiative qui aura globalement ravi l'auditoire de l'Espace Provence, en cette à peine fraîchounette soirée de janvier


Rien à redire, donc, au niveau de l'exercice proposé en lui-même, nope, enfin, de la réalité de ce jouissif partenariat bâti avant tout sur la passion (Naulleau) et l'envie toujours vivace d'aller à la rencontre du public, des spécificités de notre bel hexagone et de ses multiples monuments, vignobles riches et variés (Parker). Lors, il me semble néanmoins, qu'en ce qui concerne son exécution Live, sa mise en scène, une plus grande interaction entre les deux, voire des échanges improvisés ou montés en amont, aurait encore ajouté au plaisir pris sans partage. Chose que nous n'aurons vécu qu'en toute fin de show sous la forme d'une litanie répétée à l'envi par l'auteur, tandis que le musicien, lui, y mêle sa voix et ses accords (le tout dans une obscurité quasi totale) : moment "à part", que le narrateur avouera être né par "accident" lors d'une représentation antérieure... accident qui gagnerait à ne pas rester fils unique, afin de briser un tantinet la (relative) monotonie née de la formule elle-même. Reste, que, l'Angliche (perfide) ne parlant pas un traitre mot de Français, c'est tout de même plus simple à "relever", qu'à mettre en place, in fine.


Ultime bonne chose à fouchtre sur le devant de la scène avant de (re)poser la pulpe des doigts, l'excellent choix proposé ce soir par le binôme au niveau des morceaux interprétés : exercice souvent rodé par le passé par le gars Graham ET gravé sur vinyle ou CD - Live ! Alone In America (89), Live Alone ! Discovering Japan (93), ou bien au niveau des recueils nommés Box Of Bootlegs vol. 1 & 2 - albums que l'on se doit ABSOLUMENT de posséder TOUJOURS à portée de mains, que l'on émarge au grade de fan de la première heure (à l'image de notre conteur du soir) ou bien de simple amateur du genre. Et, si vous en doutez encore, ou regimbez, offrez-vous donc une repasse concentrée vers le récemment réédité Parkeromane...
"Comment évoquer un artiste dont les chansons servent de bande originale à votre existence depuis trois décennies ?" : point de (Naulleau) départ d'une balade à deux qui ne saurait en rester-là, pour notre plus grand plaisir...

(La) passion n'est pas un mot ordinaire... Passion Is No Ordinary Word ! (Graham Parker)



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