Chronique de Concert
Groundation (+ Vanupié)
Pour Vanupié , je m'excuse par avance car je n'ai pas assisté à son set complet, et que de plus, il m'est difficile de juger quelqu'un qui est assez éloigné de mon registre esthétique. Cependant, moi qui pensais que le public s'était déplacé entièrement en l'honneur de Groundation , on trouve tout de même une salle bien bondée pour ce cher Vanupié semblant être acquise à la cause de l'homme, qui affiche je le reconnais une très belle présence scénique. Je souhaite donc à Vanupié un avenir brillant, et surtout qu'il prenne son "Pié" (...) lors de cette superbe expérience et superbe opportunité qu'il lui ait donnée de tourner avec Groundation !
Professor. C'est ainsi que l'on appelle Mr Harrison Stafford, fondateur de l'école Groundation avec Mr Marcus Urani et Mr Ryan Newman. Dans la grande salle de classe de La Paloma, les élèves impatients attendent leur leçon. Bien évidemment, le message émit par cette entité mouvante a depuis longtemps dépassé ses propres créateurs, et les élèves en ont largement eu échos. Bien du chemin a été fait depuis Young Tree, mais les hommes n'ont pas oublié leurs racines. Bien du chemin a été fait depuis Upon the Bridge, mais il en reste à parcourir. Building an Ark n'est qu'une étape de plus dans la quête spirituelle du Professor, qui est aussi le Sage dans les récits, autant que l'apprenti, autant que l'ignorant ; c'est ainsi que son âme est reflettée de la plus exacte des manières, et de la plus belle.
Telle est aussi la direction que doit suivre la sagesse : démasquer les failles des invididus, en acceptant les siennes. Groundation est né, Groundation mourra, pourtant son reflet au-dessus du ruisseau demeurera éternel ; aspect surnaturel qui ne fait grâce qu'à la légende. La cloche a sonné, il est temps d'écouter.
Sur scène, Groundation ne compte pas moins de neuf membres (ici sont spécifiés ceux de la tournée uniquement), outre le trio fondateur que l'on ne présente plus : David Cachere (trompette), Rufus (batterie), Mingus Lewis Jr. (percussions), Jhamelia Smith et Kim Pommel (choristes), et Rico (sax/flûte traversière). Dans la setlist, la part belle est faite à Hebron Gate , troisième et meilleur album (bien que tous soient des petites perles en soi) des Californiens, qui s'appuient logiquement dessus. Chaque titre ou presque est allongé jusqu'à la dizaine de minutes, bien que les versions studio possèdent déjà des structures relativement ambitieuses dans le genre. Vous vous en doutez, cette longueur nouvelle est taillée pour les soli des six instrumentistes, tous plus excellents les uns que les autres : les percussionistes se lâchent tel un jam enflammé ; Ryan (qui est selon Harrison le plus grand bassiste au monde) est impressionnant de décontraction et de feeling, toujours juste, et parvient même à mettre ses partenaires en avant au cours de ses soli, ce qui n'est pas commun vous le reconnaitrez ; la trompette et le saxophone sont quant à eux plus sobres, mais non moins déméritant.
Mais la palme revient au claviériste Marcus, sans hésitation aucune : tantôt presque minimaliste, tantôt accrocheur et rythmé, le pourvoyeur d'ambiances de Groundation s'épanche dans tous les registres, avec le mélodica ou avec le clavier et ses multiples effets, et montre que c'est lui le chef d'orchestre, si ce n'est de cur, du groupe. L'homme est également celui qui partage le plus d'affinités avec Harrison, qu'il est le seul à accompagner lors des shows acoustiques.
Rarement énergie et sérénité n'auront fait aussi bon ménage. Et dire que le groupe enchaine son onzième concert en vingt-deux jours, soit... un concert tous les deux jours en moyenne. Malgré ça, Harrison se montre sautillant et enthousiaste tel un gamin survolté, et assure une prestation parfaite. L'homme veille sur sa compagnie avec bienveillance, et n'oublie pas de scander, comme à son habitude, des paroles prophétiques de sa voix chargée d'une émotion sincère. Le crux de la représentation d'Harrison (et de Groundation ) se trouve sans doute dans "We Free Again", qui enchaîne les moments de pure transe et de folie, emmenés par un Marcus des grands soirs, et des passages plus calmes, se voulant presque méditants, avec une basse hypnotisante sous la voix plaintive d'Harrison, registre dans lequel on le connaissait moins. Big up également aux choristes et en particulier à Kim, dont le jeu scénique est incroyable : définitivement, cette dame a une pêche d'enfer. Mais sa voix fait également des merveilles : mention spéciale sur le morceau "Freedom Taking Over", où elle s'occupe de la partie ténor de Don Carlos, guest-star dans la version studio, avec classe et assurance, et montre s'il était besoin son impressionnante palette vocale.
L'arche est construit. Professor, comme tout Sage moderne, sait dépasser ses fonctions lorsqu'il le faut : il ne baissera pas les bras,car les gens bien existent dans tous les domaines de la vie. Comme tout Sage moderne également, il n'apporte pas forcément les réponses, mais sait poser les questions : "Ai-je fais les bons choix ?" - "Où mène le chemin en face de moi ?" - "Retournerai-je un jour d'où je viens ?". Professor est le porte-parole de l'humanité, à l'aube où celle-ci ne se reconnaît plus.Une humanité qui mérite protection et préservation. Une humanité qui ne se situe plus, autant individuellement que collectivement ; autant physiquement que métaphysiquement. Professor se présente comme un Guide mystique en rassemblant les hommes autour de sa musique, une musique qui est parmis les plus intéressantes et les plus passionnantes de ce début de millénaire. La musique est-elle un langage ? Je l'ignore. Mais Groundation nous montre que si la musique n'est pas un langage, le plaisir en est un.
Bonne méditation.
Sources d'inspiration et d'informations : livret d'Upon the Bridge/rencontre avec Harrison Stafford par mon collègue Lebonair le 14 Décembre 2011, pour Concertandco/forum de groundation.fr.
Un grand merci à mon ami Ayoub pour les photos.
Critique écrite le 07 juin 2013 par Pouille-pouille
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