Chronique de Concert
Hannah / The Do / CocoRosie
The Do - Table ronde.
En fond sonore, une pluie torrentielle bercera la très chouette entrevue que les membres de The Dø nous accorderont. Dan Levy et Olivia Merilahti, tous deux d'une beauté froide et déroutante, s'installent et nous interrogent du regard, prêts à baisser la garde et à se plier au jeu des questions-réponses avec beaucoup d'humilité et d'entrain.
Autour de cette table (pas tout à fait) ronde, il nous sera dévoilé que The Dø ne se repose pas sur ses lauriers, et qu'une version live de leur deuxième album (Both Ways Open Jaws) a été enregistrée au fil de leur tournée. "C'était une idée osée. Le résultat est étonnant, on espère que ça plaira." A la sempiternelle tentative de catégorisation de leur style musical, Dan répondra sobrement que ce n'est certainement pas à eux de le définir, ce à quoi on peut largement entremêler leurs influences ; la plus probante restant l'évocation de leur "période lynchienne", que l'on retrouve effectivement après visionnage de vidéos, notamment le clip de Too insistent.
Dan pointera aussi du doigt l'ajout de trois musiciens sur scène depuis la dernière tournée (guitariste additionnel, cuivre et percussionniste), un enrichissement aussi bien visuel que dynamique dont l'assemblage laisse présager une prestation spontanée mais bel et bien aboutie. Olivia dévoilera une parcelle de leur univers visuel scénique, en précisant que leurs lumières sont maintenant en accord total avec leur son. Mais personne ne semble avoir envie de spoiler ce qu'est The Dø live. "Vous verrez ce soir !"
Ils partageront généreusement quelques anecdotes de tournées, depuis les parties de pétanque jusqu'à la rencontre incongrue du groupe Arcade Fire ; venus les féliciter pour leur set au festival Les Eurockéennes. "On a halluciné, on ne savait pas quoi dire !".
Hannah - "Fated to pretend."
Le Théâtre de Verdure est paisible et détendu lorsque les deux niçois de Hannah apparaissent sur scène, à la suite d'une longue complainte entre ésotérisme et mélopée, constituée d'appels à Antoine Doinel (personnage atypique et récurrent apparaissant dans les films de François Truffaut).
Un duo masculin fait donc son entrée, générant la surprise unanime d'une foule qui s'attendait très certainement à entrapercevoir le minois d'une jeune chanteuse du nord de l'Europe. Mauvaise pioche !
S'égrèneront une petite dizaine de morceaux assez hétéroclite, allant de la ballade pop-folk à un puissant grunge acoustique, mais toutefois assez propre. Le groupe n'hésitera pas à communiquer avec le public attentif et plutôt curieux des interventions entre les morceaux, annonçant des "chansons subversives" qui nous parleront notamment d'Al Pacino avec justesse et fougue.
Ils termineront leur set un poil en retard, et sur une reprise qu'ils introduiront par ces quelques mots : "Nous allons vous jouer une reprise. Qui date d'il y a à peine trois ans. C'est un peu nase de faire des reprises récentes, mais bon..." avant d'entonner une merveilleuse cover guitare/voix du titre Time to Pretend d'MGMT. Au final, on ne regrettera pas l'absence de chanteuse norvégienne chétive et fade !
The Do - "Shut your mouth, analyze !"
Mégaphone luminescent enfourché et collants à motifs géométriques chaussés, Olivia apparaît chignon serré et visage franc, suivie de près par Dan, très sobre sous son chapeau, testant en chur la réceptivité du public qui termine de se réunir alors que la nuit tombe à peine. Sur les planches du Théâtre de Verdure, ils ont élu domicile et se sont approprié les lieux.
La batterie est étrangement encadrée par des plats de cuisine en inox et autres clochettes à vaches. Deux femmes se partagent les percutions et les cuivres, à droite de la scène. Un guitariste additionnel vif et gesticulant prend possession des lieux. Sur une toile tendue en fond de scène se chevauchent sobrement les mots Both Ways Open Jaws, à l'image de leur dernier opus.
Le titre Slippery Slope montrera rapidement que The Do sait se renouveler, et c'est dans une ambiance tribale qu'Olivia nous livrera une performance endiablée au tambour, créant ainsi une atmosphère semblable à une cérémonie vaudou. Ils nous offriront en parallèle des instants folks, d'autres beaucoup plus électroniques, tous bercés par des guitares saturées étonnantes et une réelle participation des instruments à vent (notamment sur le puissant BWOJ) qui magnifieront la voix irradiante d'une Olivia qui passera d'une allure glamour à un déchainement total et sauvageonne en moins d'une petite heure, n'oubliant pas de contenter son public charmé en interprétant le titre désormais attendu et évident On My Shoulders, dans un guitare/voix angélique et enchanteur.
Comme confié un peu plus tôt par le groupe lui-même, nous ne pouvons que constater avec beaucoup d'approbation et d'émerveillement que les lumières font désormais partie intégrante de The Do live, et qu'elles participent pleinement à la création d'un climat feutré mais brûlant sur cette scène qu'ils occuperont jusqu'au dernier centimètre carré. The Do sur scène, c'est donc beaucoup de fraicheur, de fougue et de diversité. Une très belle prestation, à la hauteur de leur cohésion et de leur générosité.
CocoRosie - "C'est un coq."
Bianca Casady drapée d'une toge noire (rapidement comparée à une burqa) la camouflant intégralement (visage compris), qu'elle troquera pour une salopette en jeans, des mocassins et une casquette de capitaine de bateau. Cette allure masculine n'entamera en rien la démarche délicate et l'aspect fébrile de Coco.
Sierra Casady, encagoulée d'un capuchon blanc en dentelle fine qui, à l'arrière, laisse apparaître des trous créant deux yeux et une bouche, lui conférant un deuxième visage afin de guetter même lorsqu'elle n'est pas face au public. Un rideau de perles devant les yeux exacerbe le mystère tandis que le reste (slip kangourou, collants de dentelle et après-skis fluorescentes) traduit la singularité curieuse de cette Rosie qui conserve intacte une beauté rare et enchanteresse, malgré sa tenue.
Une jeune femme attifée d'une robe de nuit blanche (qu'elle quittera non sans difficulté) les rejoint en fond de scène. Il faudra quelques minutes au flot de spectateurs pour comprendre que la rythmique parfaite qui enrobe le chant des deux surs Casady provient en fait du micro d'Ashley -SayWut !?- Moyer, talentueuse beat-boxeuse venue d' Albuquerque (Nouveau Mexique), nouvellement recrutée et pourtant rapidement légitimée parmi l'univers de CocoRosie.
Un pianiste noir-américain du nom de Gael Rakotondrabe coiffé d'une casquette Supreme se place discrètement derrière son massif instrument et l'histoire peut désormais débuter.
Un jeu de scène visuel tout aussi riche avec des éclairages épurés aux tons pastel. Les vidéos diffusées en continu en arrière plan regorgent de tissus précieux, d'animaux fantastiques, d'astres et d'assemblages de formes improbables. On y apercevra aussi un clown moqueur pendant un long moment, en fin de set.
Si la vue est comblée, l'ouïe n'a rien à lui envier.
C'est avec le chant lyrique et fantasmagorique de Sierra que tout commence brusquement, suivie de près par le rap de Bianca, juxtaposé avec une aisance déconcertante.
Werewolf, des balancements de bras, une errance théâtralisée, ponctuée d'ondulations sensuelles et d'images symétriques abstraites qui rappellent vulgairement le test d'évaluation psychologique crée par Rorschach. La gravité s'affaisse. K-Hole, une mini-harpe lyre est enfourchée, un chant mélancolique à l'unisson, beaucoup d'émotion perceptible, un peu comme un baiser chaud au mois de décembre. Beautiful Boyz, une introduction intense au piano seul, des lampes ultra-violettes qui laissent apparaître clairement les petits objets accrochés dans les dreadlocks de Bianca ; l'histoire crue mais très juste de ces beaux garçons pas tout à fait cleans. The Moon Asked the Crow dont l'introduction au beatbox seul nous laissera quelques minutes pour reprendre nos esprits (et permettra aux surs Casady de se tartiner les lèvres et le visage de maquillage noir corbeau), avant l'atterrissage d'une voix digne d'un opéra lyrique qui transperce la nuit et le cur, le tout accompagné d'une chorégraphie collective hallucinatoire parsemée de pas de danse proches de la Polka puis du break-dance. Lemonade portera un vigoureux remerciement au pianiste, au milieu de l'amplification digitale d'un jeu d'enfant qui reproduit le cri du coq et la voix modifiée et saturée de Sierra qui, une fois de plus bercera parfaitement les déblatérations d'une Bianca maintenant sur une autre planète. Japan, la chaleur de ce morceau atypique et quasiment made in Jamaica laisse présumer à juste titre, la fin de ce voyage sensoriel.
A ce "désordre organisé" s'ajouteront peu d'interactions avec le public, mais quelques mots en français fuseront ponctuellement. On sortira de là ému ou agréablement dérangé, comme on s'extirpe d'un rêve décousu et fantasmagorique. Le brusque redescende liée à l'absence de rappel ne sera pas bien évidente mais on en repart avec la précieuse conviction d'avoir vécu quelque chose de rare et d'extraordinaire.
Plus de photos de Zys par ici : https://www.flickr.com/photos/zys_/sets/72157627300203148/
Critique écrite le 28 juillet 2011 par Stephanie K
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