Chronique de Concert
Hans Zimmer (feat. Lisa Gerrard de Dead Can Dance)
La première surprise de la soirée sera la formidable qualité sonore du concert ! En plus de 30 ans de concerts dans l'enceinte de Bercy, jamais je n'avais eu un son aussi bon. Une telle qualité est rarissime car on ne compte plus le nombre de concert décevants ou gâchés (Muse, Cure, Neil Young, Metallica... ) par une infame bouillie sonore dans cette enceinte que l'on a longtemps cru maudite pour la musique, et à propos laquelle il nous est arrivé de bruler des cierges pour que certains artistes évitent à tout prix cette adresse malfaisante du 12ème arrondissement.
La deuxième surprise fut l'ampleur de la prestation live qui nous a été offerte. Accompagné d'une armada de 20 musiciens virtuoses, venant des tous les horizons (rock, classique, Jazz, progressif, musique électronique, world music...) ayant fait leurs armes comme musiciens de session avec les plus grandes stars de la planète, ainsi que par la section corde de l'orchestre symphonique d'Odessa, Hans Zimmer ne se moque clairement pas de son public, qui il est vrai, a acheté des billets à prix d'or... A cela s'ajoute des jeux de lumières top niveau qui boostent les moments puissants de cet énorme show.
Zimmer, qui ressemble à un prof de musique sexagénaire ayant gagné au loto, officie comme maitre de cérémonie. Il prend régulièrement la parole pour dire tout le bien qu'il pense de ses musiciens, joue de la guitare, du banjo, de la basse, du piano, du synthétiseur, et dirige son groupe... Alors qu'il est né en Allemagne et a surtout vécu en Angleterre, il fait preuve d'une attitude décontractée "ricano politiquement correcte" poussée à l'excès, à grand renfort de sourires forcés, de pouces levés, de "waouh !", de "amazing !!!!" et d'une obséquiosité premier degré vis-à-vis de son public (qui est fatalement le meilleur de la tournée) et d'interventions dénonçant la guerre en Ukraine... Si cela est quelque peu agaçant, cela n'enlève strictement rien à son talent et au formidable professionnalisme dont il fait preuve lors de ce show. Là aussi, il ne se moque pas du public puisque c'est une set list best of qu'il nous a offerte. ("Gladiator", "Dune", "Inception", "Interstellar", "Pirates des caraïbes", "Batman", "Mourir peut attendre", "Le Roi Lion"... ) Quand il s'attaque à un film, il offre un long medley des grands thèmes du films réarrangé pour ne former qu'une seule pièce. C'est extrêmement réussi, bien fait et d'une efficacité redoutable. Et ce qui frappe dans sa musique, c'est son ampleur ! Elle se base systématiquement sur une section rythmique surpuissante, qui comprend 2 bassistes et 3 à 4 batteurs et percussionnistes, et qui écrase tout sur son passage. Elle s'articule quasi systématiquement sur une structure de musique répétitive, (influencée à l'évidence par des gens comme Steve Reich ou Philip Glass) qui évolue sur de longs crescendos impitoyables. Hans Zimmer n'est pas un mélodiste, c'est un chercheur d'ambiance et d'emphase. Il emmène le public vers des climax extrêmement carrés et évanescents. On ressent une multitude d'influences puisqu'on retrouve des sonorités issues du classique, du "prog Rock", de l'indus", du "new age", de la musique africaine, celtique, d'Amérique centrale ou d'Europe de l'est. Grace à son armée de choristes incroyables, parmi lesquelles on reconnait la chanteuse de Dead Can Dance, Lisa Gerrard, il utilise beaucoup des mélopées sans paroles. Elles sont tantôts arabisantes ("Dune"), évanescentes ("Interstellar"), tribales ("Le roi Lion") ou druidiques ("Gladiator").
Tout cela donne un résultat aussi époustouflant qu'impressionnant ! Le revers de la médaille réside dans le côté massif, pompier, clinique et parfois lyophilisé des sonorités qu'engendrent l'univers musical de Zimmer, et de l'absence de mélodie qui prive sa musique de douceur, de légèreté et d'âme. On peut y retrouver beaucoup de similitudes avec le cinéma de Christopher Nolan, qui par de nombreux aspects possèdent les mêmes qualités (ampleur, perfection, majestuosité) et les mêmes limites (légèreté, humour, simplicité). Il n'est donc pas étonnant que ces deux grands artistes entretiennent une telle osmose et une telle réussite dans une collaboration qui a engendré tant d'œuvres incroyables (trilogie "Batman", "Dunkerque", "Inception", "Interstellar"... ). C'est d'ailleurs sur "Time", le morceau iconique du final de "Inception", qu'Hans Zimmer terminera son show sous l'ovation d'un public comblé par tant de professionnalisme et par l'ampleur su spectacle qui lui a été offert.
Critique écrite le 08 avril 2022 par lol
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