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Chronique de Concert

Happily Ever After

Happily Ever After en concert

L'Européen, Paris. 25 mai 2009

Critique écrite le par



Les Happily Ever After cultivent leur différence en composant des morceaux hors du temps. Difficile de définir leur style, leur musique au tempo ralenti, aux boucles omniprésentes et lancinantes, nous transporte dans un ailleurs symbolique: abstrait, sombre comme la nuit.

La figure de la spirale, emblématique, est un motif récurrent. Sonore, visuelle, est tantôt concentrique, tantôt excentrique. Seul fil d'Ariane tandis le thème de la perte est exploré, et que la douleur traverse l'expérience. Comme sensation palpable, réalité tangible. Intérieure, extérieure.

On pourrait rester étrangers à cette vision très personnelle du monde. Ce n'est pas le cas.
La voix du piano, amenée par Marius Thoresen, vient à nous: ses allures classiques, ses notes claires se posent doucement sur la langueur du violoncelle de Jon Mikkel Broch Alvik. Tandis que les accords mélancoliques de la guitare jouent de la répétition du motif. Romantique.
Le compositeur et interprète Tommy Aashildrod ouvrira rarement les yeux, comme enfermé dans une enveloppe, ailleurs en esprit.



Ses textes emploient la première personne du singulier. Ici est narrée une perception intérieure, au delà de ce qui passe par les yeux, donc. L'âme se raconte avec une étonnante simplicité, une rare sincérité. Oserai-je parler de pureté? Il le faut en effet.

Car le regard posé est clairevoyant, sans naiveté, juste étonné, et désabusé, comme celui d'un enfant. Un enfant qui crie silencieusement, emprisonné, face au spectacle affligeant d'un monde immense et minuscule à la fois, pétri de paradoxes et agonisant.

Fort efficacement le groupe vous prend à la gorge et au ventre. Sa force: sa douceur. Car si guerre est faire aux forces de destruction en marche, ici pour changer la violence n'est pas exploitée.



Le ton a été donné dès le premier titre "Grey is the Day", fort évocateur. La grande qualité de la composition s'appuie sur son habileté à poser le décor, puis faire monter l'intensité. Sans explosion. Mais avec justesse, mesure et intelligence.
Les magnifiques "Harvest" et "Tapeworm" formeront, à mi-parcours, le point d'orgue.

Les deux voix, masculine de Tommy et féminine de Janne Skalleberg, s'enchevêtrent dans un discours subtil: tantôt soliloques à deux, tantôt principes yin et yang d'un tout, d'une seule voix narrative. On flirte avec les sommets.



Modestement et timidement pourtant, ils avancent vers le public, se retirent au plus profond d'eux-mêmes. Discours poétique qui, à l'image des vagues, s'étire et se replie. Les métaphores, mises en abîme, évoquent parfois le sombre univers de E.A. Poe. Un rêve dans un rêve...
Le spectateur assiste à un vaste jeu de reflets: le tableau est vaste et la surface argentée de l'océan, omniprésente, nous révèle un monde intérieur habité.
Amusant aussi. Le groupe use du décalage finement. On voit sur scène des jeunes gens habillés en noir comme pour un enterrement, une jeune femme en robe folklorique. Une poupée mascotte aux cheveux rouges posée sur un piédestal de fortune nous fait face. Le second degré est malicieux. Et le charme opère.



Parce qu'il y a intelligence du propos, les émotions sont exacerbées et la sensibilité à fleur de peau vient nous réveiller l'épiderme.
Certes il ne faut pas craindre les états d'âmes pour pleinement apprécier le travail de composition de ce groupe. Mais accepter cette douleur d'âme chez l'autre et la faire sienne, n'est-ce pas au fond, ce qui donne une profondeur au partage?

Le public de l'Européen était comme souvent très attentif et chaleureux. Les Happily Ever After ont visiblement été très agréablement surpris par le tonnerre d'applaudissements, amplement mérité.
En nous offrant "I Lost my Boy in the Ocean" en rappel, ils ont conclu en beauté. Merveilleux choix tant le symbolisme du texte est délicat et concentre à lui seul toute la thématique de l'album "A Dream of Dark Dreams"...

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