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Interview d'Hawksley Workman à l'occasion de son passage au festival de Sédières

Interview d'Hawksley Workman à l'occasion de son passage au festival de Sédières en concert

Salle de spectacle du château de Sédières 29 août 2002

Interview réalisée le 29 août 2002 par Pierre Andrieu

Hawksley Workman est un phénomène ! Ses disques et ses concerts ne peuvent laisser indifférents : le monsieur a vraiment une classe incroyable. Il est en effet capable d'émouvoir, de faire rire, d'étonner ou de faire danser avec une facilité déconcertante... Ce jeune Canadien doué n'est sans doute qu'à l'aube d'une grande carrière internationale ! Souriant, décontracté et affable, il a bien voulu répondre à quelques questions à l'occasion de son concert au Festival de Sédières, en Corrèze.


Photo : Ivan Otis

Peux-tu faire un résumé de ta carrière depuis tes débuts ?
Hawksley Workman : "Ça me semble très loin car j'ai attaqué très tôt ! Quand j'avais quinze ans, j'ai commencé à jouer de la batterie professionnellement, ça fait donc 10 ans. J'avais l'habitude de jouer de la country et du jazz. J'ai aussi fait pas mal de piano. A 20 ans, j'ai déménagé à Toronto où j'ai débuté le travail sur For him and the girls, mon premier album. A partir de là, tout est devenu incroyable : beaucoup de tournées, le deuxième album, le livre, les quatre vidéos... Les cinq dernières années ont été très excitantes ! Le meilleur, c'est cette tournée d'été en France : Vienne, Arles, Nîmes... Les lieux de concerts sont magnifiques ! Ça rend la tournée très facile ! J'aime cette salle de concert (Ndr : Salle de spectacle du château de Sédières), est-ce que tu étais là hier soir pour le concert des Tindersticks ?

Oui, c'était génial, ils ont fait un très bon concert !
Hawksley Workman : J'adore les Tindersticks !

Quels sont les artistes qui t'ont donné envie de te lancer dans la musique ?
Hawksley Workman : Au début, quand j'étais jeune, j'ai subi l'influence de Michaël Jackson : c'était énorme ! Quand j'ai vu et entendu Thriller pour la première fois, ça a changé ma vie ! Puis, quand je suis devenu plus vieux, j'ai commencé à écouter beaucoup de choses différentes : j'ai beaucoup écouté Led Zeppelin, (Ndr : il joue d'ailleurs une très bonne version d'Immigrant song du 3ème album pour les soundchecks. ), du jazz et beaucoup d'autres choses en fait. Chez moi, c'était presque trop facile d'écouter de la musique car mon père écoutait énormément de disques du label Motown.

Tu as fait paraître 3 albums dans un laps de temps très court. Quand vas-tu sortir un nouvel album ?
Hawksley Workman : J'espère au printemps 2003 ! Comme je tourne en ce moment, j'ai moins de temps pour être en studio. Quand ma vie était plus calme, j'avais plus de moments libres pour enregistrer et faire des albums. Mais avec plus de tournées, plus de route, plus d'avions et plus de trains cela entraîne moins de studio et moins de temps pour s'asseoir au piano pour écrire des chansons. Le nouvel album mettra donc un peu plus de temps à arriver dans les bacs.

Enregistres-tu cet album avec le groupe qui t'accompagne en ce moment en tournée ?
Hawksley Workman : Oui, certaines chansons ! J'aime encore travailler tout seul, mais j'utiliserai le groupe cette fois ci. Je veux que cet album soit le meilleur que j'ai jamais sorti ; je veux donc prendre mon temps et me servir du groupe !

Penses-tu impliquer tes musiciens dans l'écriture des nouvelles chansons ?
Hawksley Workman : Oui, c'est possible. Pas pour les textes mais peut-être pour l'écriture des musiques ou les arrangements des chansons. Ils sont très habiles et ils ont bon goût, ce serait intéressant de collaborer avec eux !

Tu as l'air d'avoir une relation privilégiée avec tes trois musiciens et particulièrement avec ton pianiste, Mr Lonely. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Formez-vous un vrai groupe ?
Hawksley Workman : Oui, c'est un vrai groupe ! Comme j'étais batteur pour différents projets pendant de nombreuses années, j'ai joué avec de nombreux musiciens, dont les membres actuels de mon groupe. Quand j'ai finalement fait mon disque, j'ai appelé ceux que j'avais le plus apprécié et c'était fantastique ! Nous sommes ensemble depuis trois ans et sur cette tournée nous sommes de plus en plus proches, principalement parce qu'on vit dans le bus ensemble et qu'on joue tous les jours : c'est intense !


Photo : Ivan Otis

Peux-tu nous parler un peu de l'incroyable Mr Lonely ?
Hawksley Workman : Quatre ans auparavant, je jouais de la basse dans un groupe et il était aux claviers. C'est un très bon pianiste ! Il a toujours été dans des groupes où il jouait des synthétiseurs ou de l'orgue mais jamais du piano. Je voulais un vrai pianiste dans le groupe, il joue si bien !

C'est très drôle quand tu joues du piano et qu'il te remplace sans que la musique ne s'arrête pour autant...
Hawksley Workman : C'est un truc à nous !

Si je te dis que ta musique est un mélange entre la pop, le rock, le glam et le théâtre, ai-je raison ou tort ?
Hawksley Workman : Tu as raison mais je ne pense jamais en termes de catégories quand je fais de la musique. Toutefois, je crois qu'il y a un peu de ça ! Je suis habitué à ce que les gens me disent ça ! En fait, je n'y pense pas trop...

As-tu tout de même un mot pour définir ta musique ? Moi, je n'y arrive pas, c'est trop difficile !
Hawksley Workman : Je dis seulement que c'est bon ! (Rires) C'est juste du bon rock ‘n' roll ! Il y a tellement de mauvais rock en ce moment à la radio que je pense que la musique que l'on fait sonne "différente"... Ce n'est pas qu'elle soit étrange ou bizarre mais elle ne ressemble pas à ce qui passe sur les ondes !

En général, le public est impressionné par tes talents de musicien mais aussi d'acteur, est-ce naturel ou travailles-tu ce côté de tes prestations scéniques ?
Hawksley Workman : C'est naturel ! Quand tu viens sur scène pour faire un spectacle, tu laisses la part ennuyeuse de toi dans les loges ! Ce que tu amènes sur scène, tu dois le rendre plus grand, exagérer. Sur scène, c'est moi, je ne joues pas, c'est seulement la part de moi que je mets en avant !

Te demande-t-on parfois de jouer dans des films ?
Hawksley Workman : Oui, il y a un mois, j'ai fait un film au Canada qui raconte la vie du compositeur américain qui a écrit la musique du Magicien d'Oz. J'ai joué et j'ai chanté ses chansons, j'ai aussi interprété une chanson avec une orchestre cubain, c'était très cool ! Mais le problème du cinéma, c'est que ça prend du temps et en ce moment, j'en manque !

Est-ce que l'histoire mentionnée dans ta biographie de l'école de claquette où tu aurais trouvé ta vocation est vraie ou fausse ?
Hawksley Workman : Heu, elle est fausse ! Mais j'aime écrire des histoires, le monde est trop obsédé par la "vérité" en ce moment : Big Brother, le Loft, Star Academy, tout cela est merdique ! Ce qui fait que la vie est excitante, belle et plaisante, c'est la vérité du cœur... Je préfère éviter la vérité autant que possible et créer de toutes pièces des histoires ; elles ne sont pas fausses, la vérité est une petite graine et cette graine donne une histoire...

Sur scène, pendant Sad house daddy, tu exécutes un magistral solo de bâtons. Comment as-tu eu cette idée ?
Hawksley Workman : Depuis que je suis petit, je voulais faire ça ! Je suis batteur et ce sont des mouvements similaires à la batterie mais en utilisant mes pieds et les bâtons ! C'est comme si je jouais de la batterie ! C'est très facile à faire !

A Vienne, tu as aussi gratifié le public d'un solo de batterie qui réussissait à être drôle, puissant et agréable à entendre, même si on déteste les soli de batterie à la Guns ‘n' Roses...
Hawksley Workman : Ça me manque de ne pas jouer de la batterie ! J'essaie donc de me retrouver derrière les fûts pendant deux minutes ! Moi non plus, je n'aime pas les soli de batterie ; mais je fais quelque chose de différent, c'est fait pour le plaisir, je ne suis pas sérieux comme dans le jazz...



Connais-tu le succès dans ton pays, le Canada, et chez le voisin américain ?
Hawksley Workman : Au Canada, oui. Aux Etats-Unis, je ne travaille pas beaucoup, seulement dans l'état de New-York.

Tu as des projets de tournée aux USA ?
Hawksley Workman : Non pas vraiment... Tourner en Europe c'est mieux ! Il y a plus d'argent aux USA mais le cœur européen et l'oreille européenne sont mieux pour ma musique. L'Amérique, c'est un monde très différent ! On verra peut-être un jour comment tournent les choses mais je ne meurs pas d'impatience à l'idée de tourner aux USA !

Penses-tu que ta musique est plus "européenne" ?
Hawksley Workman : Ça sonne comme ça en effet mais je n'essaye pas de le faire consciemment, c'est naturel... Le goût européen est plus complexe, plus sophistiqué. En plus, ici, on prend plus le temps d'écouter alors qu'aux USA, ils écoutent les disques dans leur voiture entre leur maison et leur travail, ils ne prennent pas la peine d'aller voir ce que ça donne en concert...

Est-ce qu'on te propose souvent de collaborer avec d'autres musiciens ?
Hawksley Workman : J'ai collaboré avec le groupe français Aston Villa pour leur nouvel album qui sortira en novembre mais c'est dur de trouver le temps : maintenant, je suis trop occupé !

Tu as fais des premières parties de kat Onoma et de Noir Désir, que penses-tu de leur musique ?
Hawksley Workman : J'aime Kat Onoma et Noir Désir, ce sont de bons musiciens. Je connais aussi Sanseverino, qui donne des concerts excellents, et Les Têtes Raides qui sont aussi très à l'aise sur scène. Il y a beaucoup de groupes sympa en France...

Comment ce sont passées les premières parties de Noir Désir ? Cela ne doit pas être facile de convaincre un public dévoué à un seul groupe !
Hawksley Workman : Heureusement, leur public a accepté ma musique ! Comme ils ont un public qui les suit depuis longtemps, ça aurait pu être terrible pour moi !



Est ce que c'était un trip de jouer en première partie de David Bowie à Nîmes ?
Hawksley Workman : Putain, oui ! C'était énorme : 14000 personnes, une arène superbe ! En plus, Bowie est un icône, cela m'a donc fait plaisir de jouer avant lui !

As-tu écouté sa musique quand tu étais plus jeune ?
Hawksley Workman : Non, mais maintenant oui... Ce n'était pas quelque chose que j'écoutais avant.

Pas loin d'ici, à Sarran, se trouve le musée du président Chirac, as-tu une opinion sur sa politique et sur la récente élection présidentielle française ?
Hawksley Workman : Je ne suis pas très "politique" et je ne connais pas toute l'histoire mais, comme j'habite à Paris, je sais que quand Le Pen est arrivé en deuxième position, c'était très effrayant ! Il y a un sentiment en France qui a besoin d'être changé : les relations entre les races. Ça pourrait être comme aux USA dans les années 60, il devrait y avoir un mouvement pour accepter les autres et rendre égales les minorités en France. Je sais qu'il y eu des questions sur l'honnêteté de Chirac, en plus, il me semble un peu vieux, mais c'était entre lui et Le Pen donc... Aucun des deux n'est bien mais il fallait faire un choix ! La France aurait dû être plus attentive au premier tour et Jospin aurait dû être plus proche des gens, malheureusement, il n'est pas aussi charismatique que Chirac ou Le Pen.

Vivre dans un pays où l'extrême droite xénophobe représente plus de 20% de la population, ça t'évoque quoi ?
Hawksley Workman : Quand quelque chose comme cela apparaît, quand les extrêmes commencent à monter, cela veut dire que des choses doivent changer ! Malheureusement, après le 11 septembre 2001, le reste du monde pense qu'il y a un problème de sécurité, ce qui est complètement faux ! A cause de ces événements, les blancs américains et européens pensent tous qu'il faut plus de police, plus de militaires, c'est complètement idiot ! Nous avons surtout besoin de plus d'acceptation entre les peuples, de plus d'éducation et de plus d'énergie placée dans la création d'un environnement stable pour que les gens vivent ensemble. Ce n'est pas différent aux USA, il y a aussi 20% des gens qui sont d'extrême droite... Au Canada, on est plus calmes mais il y a un vent dangereux venant de la droite !

Tu vis à Paris depuis un an, est-ce pour ta carrière européenne ou parce que tu te sens bien dans la capitale française ?
Hawksley Workman : Les deux ! Comme je tourne beaucoup en Europe, je préférais habiter ici plutôt que de faire des aller-retour perpétuels entre le Canada et l'Europe ! J'aime la culture française et Paris. Je ne parle pas assez la langue pour faire une interview en français mais j'ai suffisamment de vocabulaire pour la vie de tous les jours : le marché, le restaurant etc. J'habite dans le onzième, à la Bastille, c'est un endroit très sympa !

Quels sont tes projets à court terme ?
Hawksley Workman : Enregistrer mon nouvel album, prendre des vacances au Canada où je vais faire du vélo. J'ai un nouveau vélo et j'adore en faire ! A Paris, je marche, ce n'est pas une ville pour les vélos, c'est dangereux. Toronto n'est pas aussi bien qu'Amsterdam pour les cyclistes mais c'est quand même sympa d'en faire là-bas ! Il y en a beaucoup ! Du coup, il sont souvent volés : on m'en a piqué cinq !

As-tu du temps pour aller découvrir d'autres groupes en concert ?
Hawksley Workman : Non pas beaucoup ! J'ai vu Jorane, une Canadienne... Je ne vois pas beaucoup de concerts car quand on vit tout le temps dans les clubs on n'a pas envie d'y retourner les jours off ! On est un peu fatigué d'être toujours dans les salles de concert !


Photo : Thom Hamilton

Tu as produit de jeunes groupes Canadiens, est-ce qu'on te le demande souvent ?
Hawksley Workman : J'ai commencé à faire de la production car le studio que j'ai monté moi-même pour enregistrer, Hawksleytown, semblait convenir aux musiciens, on m'a donc demandé de produire de jeunes artistes. J'adore produire car cela te permet de voir la musique sous un autre angle, tu vois tout cela sous le regard des autres.

Connais-tu Joseph Arthur qui va jouer après toi ce soir ?
Hawksley Workman : Non, j'ai seulement entendu son single mais on m'a pas mal parlé de lui !

Pour conclure, as-tu quelque chose à dire à tes fans français ?
Hawksley Workman : Merci, merci, merci ! Quand j'ai joué au Bataclan à Paris, le public m'a reçu comme si j'étais un des leurs, c'était aussi bien que d'être à la maison ! A Paris, c'était comme un concert de retour chez soi ! Les Français sont vraiment doués pour monter de supers concerts dans des endroits magnifiques ! Honnêtement, j'ai beaucoup de chance d'être ici, j'apprécie ça !"


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