Chronique de Concert
I Muvrini + les Grands Ducs
Que de chemin parcouru pour les mouflons depuis que les 2 frères, initiés au chant par leur père Ghjuliu, se lançaient sur les routes corses à la rencontre de leur public... A l'époque, la municipalité d'Ajaccio leur interdisait même de se produire dans la cité impériale, à cause de leurs chansons, jugées trop subversives ! Il est vrai que les frères Bernardini clamaient alors haut et fort "Lingua, cultura, populu, nazione" (langue, culture, peuple, nation).
Mais en 85, le duo décide de changer d'orientation musicale (exit les guitares, place au piano et à la variété) et commencent à se démarquer des groupes plus politisés (et indépendantistes) comme Canta U Populu Corsu ou I Chjami Aghjalesi. Plus de 20 ans plus tard, et après avoir collaboté avec ce que la scène française et internationale compte de meilleur, les Muvrini sont toujours là, distillant leurs chansons à un public toujours aussi fidèle, mais sans doute différent...
Ce lundi, dans un Silo où les sièges vides se comptaient sur les doigts d'une main, les Muvrini, après avoir invité en 1ère partie un groupe Ajaccien, les Grands Ducs (pour une prestation honnête mais inégale), ont donc offert un spectacle de plus de 2h30, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
Comme d'habitude, Jean-François Bernardini introduisait chaque chanson par un discours humaniste qui, s'il était sincère, devint lassant au fil des minutes, en raison de textes par trop naifs parfois. Là où les groupes corses engagés jouent du "Liberta", les frères Bernardini usent des mots "terre, fraternité et humanisme" à en froler l'indigestion. Dommage car le discours, si répétitif, en perd de sa force finalement.
Musicalement, difficile d'oublier les mélodies absolument merveilleuses des premiers albums et notamment les inoubliables "E campa qui" (1981) et "Lacrime" (1984), que les spectateurs reprenaient par coeur à l'époque. Aujourd'hui, il est frappant de voir que plus personne ne reprend la moindre chanson, et pour cause : elles se ressemblent toutes, et sont construites sur le même modèle (couplet et refrain sur les mêmes accords, et boucles interminables sur 4 accords...).
Artistiquement, le groupe est en place, évidemment, porté par des musiciens de haut niveau (et notamment un bassiste-chanteur africain de grand talent...). Mais il est clair que l'embourgeoisement du groupe et sa direction artistique (toutefois assumée) lui ont fait perdre une bonne partie de sa grace et surtout sa corsitude ("A cursita", une de leurs plus belles chansons).
Paradoxalement, le groupe, connu aujourd'hui internationalement, produit finalement des chansons sans grande saveur, tout juste sauvées par les voix magnifiques de Jean-François et, surtout (et c'est un autre paradoxe), d'Alain qui est de plus en plus rare sur scène, alors que chacune de ses envolées lyriques vous donne des frissons interminables. Allez, Jean-François, donne plus d'espace à Alain, il le mérite tellement...
Pas de "Diu vi salve regina", pour terminer le spectacle (hymne corse), pas de paghjele non plus (polyphonie), quasiment pas d'acoustisque (un seul morceau, Di, qui obtint un très grand succès...)... Bref, en devenant un groupe de variété et en s'éloignant de leurs origines, les Muvrini sont en train de perdre (ou ont déjà perdu) leur âme, et c'est bien dommage. Car ils ont beaucoup de talent.
Pour ceux qui n'en sont pas convaincus, qu'ils écoutent les joyaux que sont "Inseme', "Cu lu stessu destinu", "Rivecu", "O Ma", "Quale sera", "Venite incu me", "A cursita", etc.
Lorsque l'on se remémore ces chansons, au delà de la nostalgie, on réalise que les Muvrini se sont perdus en route.
Mais ce sont des stars à présent.
Mais où est passée leur authenticité ?
Un peu plus de photos par Pirlouiiiit en cliquant ici
Critique écrite le 22 mars 2013 par Emmanuel
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