Chronique de Concert
Iggy Pop (Festival des Vieilles Charrues 2019)
Alor que les aboiements redoublaient d'agressivité, le riff d'"I wanna be Your Dog" se fit entendre. C'est le moment que le maitre de cérémonie choisit pour faire son entrée sur scène alors qu'une clameur empreinte d'admiration et de respect envahit la foule.
Torse nu, buriné, les cheveux mi longs, claudiquant, l'iguane de 2019 ressemble d'avantage à un vieux chaman qu'au gladiateur rageux et survolté qu'il était encore il y a une dizaine d'années. Pour autant, il emporte le public avec lui sans difficulté par une première salve de titres qui mettent tout le monde d'accord : "I wanna be your dog", "Gimme Danger", "The Passenger" et "Lust For life"( dans une des meilleures version que j'ai entendue). Le groupe ne joue pas comme par le passé en mode punk rock, mais en mode rock seventies, presque glam comme l'étaient les Spiders from mars de Bowie. Ultra précis, avec un tempo légèrement ralenti, il offre des plages pour des solos de guitares inspirés et des crescendos qui finissent par par l'envol de la section de cuivre au moment opportun pour terrasser le public. C'est ultra efficace et particulièrement jouissif ! L'Iguane, quant à lui, occupe la scène en mode patron et n'a probablement jamais aussi bien chanté. Sa voix n'a jamais été aussi grave et groovy qu'elle ne l'est aujourd'hui, et son charisme reste entier. Il sait mieux que personne occuper l'espace, et emmener le public avec lui, tout en imposant le tempo nécessaire à son groupe au bon moment. Bref c'est du lourd ! Du très très lourd même !
Après un "Skull Ring" bien exécuté, mais qui restera toujours à mes yeux une chanson mineure de son répertoire, des sommets himalayens sont atteints avec la meilleure version qu'il m'ait été donné d'entendre de "I'm sick of You". Ce titre co-écrit et enregistré malheureusement à la va-vite avec James Williamson après les sessions de "Raw power" commence comme une longue ballade désespérée. La voix grave, pleine de groove de l'iguane septuagénaire transfigure littéralement ce morceau sur cette première partie, avant que le tempo ne change, que les guitares explosent et qu'il devienne un brulot punk et rageux duquel s'échappera un formidable solo de guitare acide et seventies qui m'emportera, ainsi qu'une bonne partie du public, vers une extase "nirvanesque" comme on en ressent peu dans une vie de concerts. Puis, lorsque la fureur du morceau atteint son paroxysme, le Boss reprend la main et vient le faire atterrir la chanson doucement tout en groove et en subtilité. Exceptionnel !!!! Après un tel morceau de bravoure, le public est conquis, et ne redescendra plus. Quand bien même il l'aurait voulu, les versions jouées par la suite de "Some Weird Skin", "Search and destroy" et "TV eye" ont tous les arguments nécessaires pour le maintenir sur un orbite que seuls les très grands peuvent atteindre.
C'est d'ailleurs à un autre très grand, David Bowie, dont l'empreinte est indélébile dans son parcours, que l'iguane rendit hommage avec une version étincelante et furieusement glam de "Jean Genie". Telle une machine à remonter le temps, le concert se poursuivra par une poignée de titres écrits et enregistrés il y a plus de 50 ans en 1969 avec les Stooges. En dépit de son âge qui le rend éligible à la carte vermeil de la SNCF, Iggy incarne toujours sans peine et de manière crédible en live l'ennui rageux du post adolescent des faubourgs de Détroit qu'il était lorsqu'il enregistra, avec les frères Asheton, les chansons fondatrices que sont "1969" et "No Fun" dans son tout premier album avec les Stooges.
Puis, c'est dans la furie de fuzz, et de larsen des riffs historiques de "Down on the street "et "Real cool time", dopés par la section cuivre d'un soir, que le septuagénaire le plus vivant de la galaxie quitta la scène sous les vivas d'un public encore sous le choc de l'intensité de la prestation offerte par cette légende vivante. Malgré les excès et le poids des années, l'iguane a toujours su se réinventer ou s'adapter afin de ne jamais décevoir son public. Pour en arriver là, il y a un mix entre le talent, le génie, le charisme et un professionnalisme exacerbé par 50 ans d'expérience. Iggy Pop est avec les Stones, qui sont faits du même bois, le dernier des Mohicans de l'âge d'or du rock. Profitons-en car la fin n'a malheureusement jamais été aussi proche...
Photo : Rob Baker Ashton
Critique écrite le 22 août 2019 par lol
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