Chronique de Concert
Iggy Pop (Free Tour 2022)
En juillet 2019, on avait laissé Iggy Pop triomphant devant le public des Vieilles Charrues après un concert anthologique plein de maitrise, d'électricité et de puissance, témoin une fois de plus de son immense charisme et de sa réputation de bête de scène. Quelques semaines plus tard, l'iguane sortait "Free", un album calme et apaisé. Il annonçait dans la foulée une série de dates pour défendre ce nouvel opus sur scène dans une configuration assise avec un répertoire centré sur les nouvelles chansons dans un mode crooner. Alors que l'échéance approchait, un virus asiatique vint perturber les choses et ces fameuses dates furent repoussées en 2021, puis en mai 2022. Arrivé à un âge ou les années comptent double, on avait fini par craindre de ne plus revoir l'iguane sur scène et on était finalement heureux de prendre le chemin de la salle Pleyel pour ce concert apaisé en mode crooner.
Mai 2022. Confortablement assis dans les fauteuils d'orchestre, au milieu d'un public de quinquagénaires sages mais impatients, notre cœur se met à battre plus rapidement alors que les lumières s'éteignent enfin. Les musiciens du nouveau groupe d'Iggy Pop se lancent dans un morceau instrumental planant et quasi atmosphérique laissant présager de la nouvelle tonalité de ce concert apaisé, alors que le maitre de cérémonie tarde à faire son entrée en scène.
C'est alors que des aboiements de chien retentissent, et qu'en une demie seconde les volutes atmosphériques des guitares se noient dans les riffs résolument rock de "Five Foot one" et que, tel une furie, Monsieur Pop investit la scène avec la morgue et l'agressivité qui ont toujours été ses marques de fabrique. En moins de 10 secondes, le récital apaisé en configuration assise a vécu ! La salle est debout, et les quinquas du fond de la salle courent vers les abords de la scène pour pouvoir vivre l'instant avec l'intensité rock nécessaires.
En enchainant par les deux meilleurs titres de son dernier album ("Love Missing" et "Dirty Sanchez"), l'Iguane rappelle à tout le monde qu'il est un formidable chanteur et que sa voix n'a jamais été aussi intense et groovy. La setlist prend alors la machine à remonter le temps pour donner un coup de fouet stoogien à tout le monde avec "TV Eye", puis la direction du début des années 80 avec "The endless sea", un excellent titre rarement joué. Alors que le public est chaud et l'idée du concert crooner jazzy définitivement passée aux oubliettes, on enchaine par une série de classiques absolus issus des albums mythiques de l'homme avec "Death trip", "Mass production", "Gimme danger", "Lust for life", "The passenger" et l'inévitable "I wanna be your dog".
Les versions qui en sont données sont de bonnes factures, car le groupe est efficace, le guitariste parisiano/havrais Greg Fauque envoie du lourd, et la section cuivres se charge de faire monter la sauce. Il n'échappera cependant pas à l'œil aiguisé d'inconditionnel monomaniaque stoogien et popien, que le poids des années se fait pour la première fois ressentir sur les épaules septuagénaires de la légende vivante. La sauvagerie animale et explosive qui lui faisait, par le passé, atteindre des sommets que lui seul était en mesure de fréquenter a, il faut bien l'avouer même à contre-cœur, perdu en intensité.
La furie des Stooges (version Ron Asheton), la précision du groupe de la tournée "Post pop depression" et le jeu de scène incandescent des années 90/2000 ne seront malheureusement plus jamais atteints... Cela ne nous empêche pas de savourer un rappel généreux (avec un seul titre dispensable "Run like a villain") dont les points d'orgue, en plus des cultissimes "Nightclubbing" et "Sister midnight", seront une très bonne version de "I am sick of you", une reprise inattendue de Neu ! et un final sévèrement burné sur "Search and destroy".
Quelques jours plus tard au Liberté de Rennes, c'est un concert quasi similaire, avec 2 chansons en moins et un inédit du dernier album en guise de final ("Glow in the Dark"), qu'Iggy Pop donne devant un public plus chaud et dans une ambiance plus nerveuse et électrique qu'à Paris, ou les quinquagénaires slamment et pogotent moins qu'en Bretagne... On ne sait pas si cette tournée sera la dernière de la légende. D'un côté on espère que non, car Iggy reste Iggy. D'un autre, on ne souhaite pas voir un iguane diminué n'étant plus que l'ombre de ce qu'il a été. Ce n'était pas encore le cas sur cette tournée "Free", car le niveau du show est encore très bon si on le compare à la concurrence, mais passé 75 ans le déclin est indubitablement et durablement amorcé... On se prend malgré tout à espérer que l'icône de Détroit nous fasse mentir avec une tournée d'adieu bien rock dans des salles non assises, ou une série de concerts en version crooner !
Photos prises à la salle Pleyel par Titouan Massé (tirages en vente, contactez le photographe) titouanmassephoto.com, www.instagram.com/tmphotograph, www.facebook.com/titouanmassephoto, twitter.com/titouanbzh...
Chronique, photos et vidéos d'un autre concert du Free Tour 2022, à La Coopé (Clermont-Fd) le 4 mai 2022...
Critique écrite le 13 mai 2022 par lol
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