Chronique de Concert
Festival Les Inrocks Black XS - Free Energy + Surfer Blood + Carl Barât + The Drums
Le festival Les Inrocks, sponsorisé cette année par Black XS (un parfum), faisait escale pendant deux jours à L'Aéronef de Lille. Pour cette première soirée, le programme était chargé, avec le groupe qui monte Free Energy, les déjà réputés Surfer Blood, et surtout Carl Barât, moitié des mythiques Libertines, et The Drums, le phénomène qu'il fallait avoir vu en 2010. Tout ça en une soirée, voilà qui s'annonçait chargé !
Le concert débute à 19h30 devant une salle quasiment vide, avec la prestation des Free Energy, venus tout droit de Philadelphie. Ils assènent d'entrée de bons gros riffs et y mêlent quelques rengaines vraiment sympas. Leur rock frais, sautillant, dansant, est servi avec une grosse dose d'insouciance et un plaisir évident. Malheureusement, la belle énergie que déploie le groupe n'est pas renvoyée par un public mollasson, mais surtout très éparse et carrément statique au-delà du deuxième rang. Les quelques inspirations punk adolescentes de ce rock juvénile un peu foutraque et terriblement jouissif auraient clairement mérité un meilleur accueil, mais le set de vingt minutes à peine du jeune combo ne devait servir que d'amuse-bouche.
Finalement, sans trop en dire sur la suite, les Free Energy auront livré la prestation la plus spontanée et la plus rafraîchissante de la soirée. Voilà en tout cas un groupe vraiment prometteur qu'il faudra suivre. A noter qu'ils sont venus dédicacer quelques goodies à la fin du concert avec beaucoup de simplicité et de générosité. Paul Sprangers, le chanteur, nous confiera d'ailleurs avec un grand sourire être très heureux de se retrouver à jouer dans quatre villes françaises en quatre jours.
La scène est ensuite confiée aux Californiens de Surfer Blood. Adulé par la critique branchée (le single Swim a été classé 37e meilleure chanson de l'année 2009 par le très respecté site Internet Pitchfork), le groupe, formé en 2009 seulement, était très attendu.
En effet, souvent comparé à Weezer, une petite réputation le précédait déjà, et c'était presque une surprise de le retrouver en "première partie" de cette soirée. Hélas, si l'on s'amuse du physique et du look d'anti-rock star nerdy de John Paul Pitts, le chanteur, ainsi que de son jeu de scène robotique, on subit plus qu'autre chose le déluge étouffant de distorsions foudroyantes et les stridences souvent douloureuses que les quatre compères nous infligent. Autant leur production en album est intéressante, autant ce concert est tout sauf emballant, et se déroule d'ailleurs devant un public qui a bien du mal à monter en température. La grosse charpente de ce rock clair-obscur n'est pas dénuée d'efficacité et l'on voit passer des ambiances intrigantes, mais de nombreux morceaux se révèlent finalement plus adaptés aux grands espaces et donc aux concerts en plein air (notamment le fameux Swim), et leur compression dans une petite salle comme L'Aéronef se fait vite assommante. On notera, pour l'avant-dernier morceau, le retour de deux des musiciens de Free Energy sur scène (dont Paul Sprangers, qui a pu ainsi renverser de la bière partout en bondissant dans tous les sens), geste vraiment sympa qui, dès la première soirée de cette mini-tournée de quatre dates, a montré une belle entente entre les musiciens amenés à partager la scène. Malheureusement, au final, la petite demi-heure passée en compagnie des Surfer Blood aura plutôt déçu.
Peu importe, il est temps de passer au plat de résistance : Carl Barât. Plus discret que son ancien-ex-futur-prochainement-à nouveau compère Peter Doherty, l'ex-Libertine fait parler de lui cette année avec la sortie de son premier album solo. Il arrive sur scène une clope à la main, avec sa gueule de Bashung gominé et sa femme, Edie Langley, qui se trouve être aussi sa violoncelliste. C'est d'ailleurs la première chose qui frappe : la présence d'un violoncelle, mais aussi d'une contrebasse dans ce concert de rock.
Avec le clavier, l'ensemble donne une certaine finesse aux compositions de Barât, nettement moins bordéliques que celles de son ancien-ex-futur-etc. camarade avec les Babyshambles. Ce joli mélange électro-acoustique, dans lequel émergent même quelques inspirations géniales, est servi avec une énergie savamment maîtrisée et fait incontestablement très pro, à défaut d'être enthousiasmant. Le chanteur allie reprises de ses anciens groupes (notamment Bang Bang You're Dead, des Dirty Pretty Things, qui fait enfin bouger la fosse), et compositions personnelles, parmi lesquelles de belles ballades rock, qui montrent les différentes facettes du musicien Britannique.
Pourtant, mise à part une troupe d'irréductibles fans de la première heure, en plein milieu de la fosse, qui saute et qui danse dès qu'un accord connu résonne dans la salle, on est bien loin de l'hystérie des concerts des Libertines, groupe sans doute le plus souvent évoqué de la soirée, sans être à l'affiche. Au bout de cinquante minutes, Carl Barât fait tomber la veste, puis le t-shirt avant de s'en aller, sans un mot. Il aura offert une prestation carrée, très pro, mais assez froide et pas franchement emballante. Peut mieux faire.
Enfin, il est temps pour le dessert, le groupe le plus attendu de la soirée, le phénomène The Drums, auteurs d'un premier album éponyme rempli de tubes en puissance. Leur succès fulgurant les a donc précédés et le public lillois avait hâte de voir de quoi il en retournait. Tout commence plutôt bien, avec une intro stratosphérique, magnétique et grandiloquente s'il en est. Les New-Yorkais entament Best Friend, un de leurs titres les plus connus, qui laisse déjà entrevoir les chorégraphies psychédéliques du guitariste. Toutefois, le morceau est proposé dans une livrée brouillonne, saturée de réverb', qui noie complètement la voix de l'inquiétant Jonathan Pierce. Le problème, en fait, c'est que cette recette indigeste va être servie pendant tout le concert. Problème de réglages ? Ce serait impardonnable. Choix artistique ? Ce serait raté. Dans tous les cas, c'est la purge. On dirait Franz Ferdinand sous acides, et si l'on sent les inspirations, tantôt de Depeche Mode, tantôt de Joy Division, souvent des Cure, on est très loin de la maestria d'un Robert Smith. D'ailleurs, si les Drums en font beaucoup, les spectateurs restent assez impassibles. A l'image de la scène, la prestation du groupe est enfumée, floue, indistincte, et si les quatre musiciens parviennent à instaurer une ambiance assez saisissante, le public ne les suivra jamais dans leur délire. Notons qu'entre temps, on a définitivement perdu le guitariste, qui gesticule maintenant tout seul comme un ivrogne. On a envie de partir avant le rappel, mais on leur laisse une dernière chance. Le petit temps d'attente permet même de constater que les Surfer Blood sont dans la salle, une bière à la main. Ils assistent donc au retour en scène des Drums, qui jouent l'inévitable (et excellent) Let's Go Surfing, dont ils offrent une version complètement écrasée et, en fait de surf, c'est toute L'Aéronef qui boit la tasse. Il est des groupes qui transcendent sur scène leurs productions studio, et d'autres qui les massacrent. Ce soir (et sans vouloir préjuger de leur capacité à faire mieux), les Drums auront clairement été de la deuxième catégorie, au grand dam de spectateurs qui étaient en droit d'attendre mieux de leur part, et d'attendre mieux de l'ensemble de la soirée, finalement assez décevante.
Hormis les pétillants Free Energy, expédiés à l'apéritif, on aura surtout été étouffé par Surfer Blood, assez indigeste, frustré par Carl Barât, capable de tellement mieux, et achevé par The Drums, absolument imbuvables. Ce n'était sans doute pas une mauvaise soirée, mais c'était très loin du niveau promis par l'affiche. Vraiment dommage.
Critique écrite le 08 novembre 2010 par Fredc
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