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Chronique de concert Interview avec Lise
Mardi 5 novembre 2024 : 7119 concerts, 27217 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Interview avec Lise
Lise, vous avez sans doute découvert son joli minois dans les couloirs du métro : une campagne d'affichage omniprésente pour annoncer sa résidence au Théâtre des Déchargeurs. Une salle minuscule au fond d'une cave, à l'acoustique étonnante, meublée de cinq ou six tables et de deux banquettes. Et puis un piano, à moins d'un mètre des spectateurs. Une configuration inédite dans laquelle la jeune artiste exerce son talent deux fois par semaine pour une poignée de privilégiés. Jeune fille douce et timide, Lise a pourtant l'esprit vif et ne manque pas d'humour. Et ses textes le prouvent : très imagés, ils n'hésitent pas à aborder des thèmes surprenants. Mais Lise, musicienne de formation, c'est avant tout des mélodies. Son premier album, éponyme, a été réalisé entièrement au piano, instrument dont l'artiste a su tirer des sons insoupçonnés. Dominique A, qui lui a écrit une chanson, le remarque très justement : Lise a un véritable "amour des détails qui font tout". Sa reprise de Where Is My Mind des Pixies en est un vibrant exemple : en parvenant à le transcender alors qu'on le croyait trop usé pour pouvoir encore être réinventé, Lise fait la preuve de son extraordinaire sensibilité musicale. Et des reprises, la jeune pianiste chanteuse aime en faire pour tous les goûts : de Weekend A Rome d'Etienne Daho à Paper Planes de M.I.A. en passant par Un Jour En France des Noir Désir et jusqu'au surprenant PIMP de 50 Cent. Avec à chaque fois cette même audace et ce même talent pour sentir la ritournelle qui fera mouche. Egalement en première partie de Cali, déjà courtisée par Mathias Malzieu, Lise mène sa barque pleine de féérie et de malice avec toujours autant de simplicité et ce petit manque de confiance en soi qui la rend si attachante. Rencontre une heure à peine avant l'un de ses concerts aux Déchargeurs...
Tout d'abord, je me demande ce que ça fait, quand on est une jeune fille plutôt timide comme toi, de voir sa tête partout dans le métro ?
Je fais à peu près toujours les mêmes trajets et il n'y a pas l'affiche là où je passe, donc je ne l'ai pas vue !
Bon, ma première question tombe déjà à l'eau...
Désolée ! Mais pour te répondre, je ne suis pas allée faire un safari photo dans le métro, comme j'en avais eu l'intention, parce qu'après, je me suis dit qu'en fait, j'avais pas très envie de voir ça. J'ai quand-même des amis qui m'ont envoyé des photos.
En parlant de te voir dans Paris... "Paris", c'est le titre de la première chanson de ton album, c'est une source d'inspiration pour toi ?
Oui, mais elle m'inspirait encore plus quand je n'y étais pas ! Je trouve qu'elle est encore plus inspirante pour les provinciaux et les étrangers.
Ils en ont une vision un peu fantasmée...
Exactement. Enfin, fantasmée, mais qu'on arrive à retrouver quand on est là comme un étranger, sans avoir tous les inconvénients du côté routinier.
Du coup, maintenant, tu en as une vision déchantée ?
Non, pas complètement ! J'ai la chance d'avoir des horaires qui me permettent d'en profiter.
En dehors de cette salle des Déchargeurs, qui est vraiment minuscule, tu fais aussi des premières parties de Cali : comment on fait pour passer de même pas dix spectateurs à des milliers (en plus le public de Cali, qui est assez chaud...) ?
C'est vraiment deux exercices différents : déjà, je n'ai pas le même instrument, ça change énormément. Sur les premières parties de Cali, je suis sur un clavier numérique et le set est beaucoup plus court. C'est vraiment deux ambiances. Sur les sets avec beaucoup de monde, j'ai le stress qu'il y ait beaucoup de monde, mais je n'ai pas le stress que les gens passent une bonne soirée, parce qu'ils vont voir un super concert de Cali et ils vont forcément passer une bonne soirée. A l'inverse, là, il y a très peu de monde, mais j'ai plus de responsabilités et , du coup, la pression s'équilibre pour être au maximum tout le temps ! [Rires]
Est-ce que, finalement, ce n'est pas plus difficile d'être à un mètre des spectateurs et de pouvoir lire au fond de leurs yeux la réaction que tu provoques en eux ? Moi, du point de vue du spectateur, j'ai trouvé ça intimidant...
Je sais et je devrais arriver à faire que ce ne soit plus intimidant pour les gens, c'est un peu mon boulot... Je suppose qu'il y a une façon de faire que les gens se sentent un groupe un peu protégé. Je sais que c'est intimidant pour tout le monde, pour le moment, et j'imagine que c'est un peu de ma faute.
Le contexte joue forcément aussi, on n'est pas habitué à cette proximité. En même temps, du coup, on a l'impression de voir quelque chose qu'on ne voit quasiment jamais et à certains moments on dirait que tu joues vraiment pour chaque personne, presque en tête à tête. Ca, évidemment, tu ne peux jamais le retrouver dans une grande salle, c'est une situation privilégiée. Toi, quand on t'a proposé ça, tu as réagi comment ?
On ne me l'a pas vendu comme ça ! Pour moi, c'est bien parce qu'une salle plus grande, je ne la remplirais pas ! Il vaut mieux avoir une petite salle avec des gens qu'une grande salle vide... Remarque, une petite salle vide, c'est terrible et ça arrive aussi ! [Rires]
En même temps, là, avec cinq personnes, on a l'impression qu'il y a du monde !
Oui et puis c'est vrai que je joue spécialement pour les gens. Je les vois, je vois ceux qui s'ennuient, je vois ceux à qui ça plait... Quand on voit que ça plait, ça crée quelque chose, j'ai vraiment l'impression de jouer pour le mec qui sourit en face ou la fille qui ferme les yeux dans le fond, tu vois.
Et tu adaptes ton set en fonction de la réaction des gens ?
Oui... enfin, je ne sais pas si c'est en fonction des réactions des gens ou en fonction de ce que je ressens. Une fois, y'a un type, je croyais qu'il s'ennuyait comme un rat mort, j'avais envie de pleurer en sortant et, en fait, non, ça lui avait plu ! Mais je change selon ce que j'ai envie de chanter ou... souvent, j'ai l'impression que c'est un peu long, alors j'enlève des choses... et puis je les rajoute à la fin !
Cela dit, hier t'as pas mal respecté ta setlist, que je voyais à tes pieds - à part la fameuse reprise des Pixies...
Qui s'est transformée en une reprise de Joy Division !
Je dirais que ta musique est assez souvent émouvante, il y a quelques morceaux qui sont vraiment prenants... est-ce que tu te souviens de ton premier émoi musical ?
Quand j'étais petite, j'avais un walkman et j'écoutais en boucle les suites de Chopin, ça me faisait vraiment quelque chose. Et je chantais en même temps, sauf que comme j'avais le casque, je chantais super faux et ça faisait beaucoup rire ma sur ! Après, y'en a eu d'autres, y'a eu Joni Mitchell, que j'ai passé des journées entières à écouter, collée à la moquette. Et puis y'a eu les Smiths, gros émoi !
Tu commences à faire pas mal de concerts, je ne sais pas depuis combien de temps tu en fais...
Là ça fait deux mois. Avant, je faisais des premières parties, depuis cinq ou six ans. Je ne vais pas les chercher, ça me fait tellement peur que... quand on me propose, je ne dis jamais non, mais de là à démarcher pour trouver des lieux où jouer... Du coup, j'avais jamais fait de concert toute seule et là, aux Déchargeurs, c'est les premiers.
Tu commences quand-même à avoir une petite expérience, mine de rien, qu'est-ce que t'apportes le live par rapport au studio ?
Moi, je voulais vraiment faire du studio, c'est ce qui m'intéressait. Le live, c'était pas du tout ma partie. Mais quand ça se passe bien, ça m'apporte la satisfaction d'avoir fait mon travail. Si on imagine que le travail c'est, pour chacun, de faire de son mieux pour les autres, j'ai l'impression d'avoir fait ce que je pouvais faire de mieux pour les autres, je pense au mec qui m'a conduite en train et au mec qui a fait pousser ma tomate et je me dis que moi aussi, j'ai apporté ma contribution.
Tu peux l'apporter aussi avec ce que tu fais en studio...
Oui, mais en studio, comme on n'a pas le public en face, on est plus concentré sur la fabrication de quelque chose. On n'a pas du tout l'écoute des autres, c'est de nous pour nous. Il y a l'énergie pour faire le mieux possible, mais il n'y a pas ce truc de donner directement aux gens.
Est-ce que tu penses que cette expérience que tu vis sur scène aura une influence sur tes prochaines productions studio ?
Je ne sais pas, je n'ai pas assez de recul pour le dire. Ca me permet surtout de jouer, de chanter, d'improviser...
C'est aussi un espace de liberté.
Oui.
J'ai l'impression que tu es sensible en premier lieu à la musique, plus qu'au texte seul, et que tu utilises ta voix peut-être plus comme un instrument que comme le vecteur d'un message, que tu es sensible avant tout aux harmonies...
Oui, c'est tout à fait vrai.
Est-ce que ça se retrouve aussi dans tes goûts musicaux ?
Eh ben non, pas du tout ! Ca part aussi de ce qu'on sait faire : moi, je suis plus musicienne, l'écriture, ça vient vraiment pour faire les chansons, pour chanter. Après, j'adore les choses très bien écrites, je suis une grande fan de Dominique A, de Mano Solo, en français. Et puis en anglais, je trouve que les Libertines, par exemple, c'est merveilleusement bien écrit, et les Smiths aussi, c'est pour l'écriture. Dans les deux langues, c'est important pour moi. J'aime les beaux textes et, en même temps, j'aime la musique sans texte.
Qu'est-ce que tu appelles "bien écrit" ? Parce qu'on pourrait dire "bien écrit" aussi quand le texte a une certaine musicalité.
C'est vrai, mais j'aime bien les trouvailles syntaxiques, j'aime bien quand ça va au-delà. Dominique A, par exemple, ça va au-delà d'un truc bien écrit, c'est un choc syntaxique ou une invention lexicale, des mots qui vont former une image que tu n'as jamais vue ailleurs. Ca, j'aime beaucoup.
D'ailleurs, Dominique A t'a écrit une chanson, t'es aussi en première partie de Cali, deux artistes que tu aimais déjà beaucoup avant... d'un coup, tu te retrouves projetée là, à travailler avec ces gens-là, ça doit être un peu particulier...
Oui, c'est très bizarre. Un jour, y'a Mathias Malzieu qui sonne à ta porte pour venir faire une chanson... Après, ça se passe différemment selon les personnes, mais c'est des belles rencontres. Bon, je suis toujours très intimidée, hein !
Sur la pochette de l'album et sur l'affiche du concert, il y a cette photo de toi avec des touches de piano accrochées au bout des doigts et, en te voyant jouer, j'ai vraiment eu l'impression que le piano était un prolongement de toi et peut-être aussi une sorte d'organe artificiel qui te permet d'exprimer des choses que tu ne pourrais pas exprimer sinon...
Oui, c'est vrai. C'est pour ça que j'ai choisi cette photo, je trouve qu'avec un moyen assez simple, elle exprimait bien ce que je ressentais. Des fois, ce n'est pas juste le prolongement, c'est aussi un miroir qui te montre ce que tu ne fais pas bien, c'est quand-même exigeant comme instrument. Mais je me sens bien avec, surtout dans le répertoire que je joue là. Des fois, on se frotte à des répertoires qui ne sont pas taillés pour son caractère et le choc peut être terrible.
En même temps, tu fais aussi des reprises et là, pour le coup, tu t'attaques à des genres vraiment très différents...
Oui, mais je les joue au piano.
Il n'y a pas d'autre instrument qui t'attire ?
J'ai voulu jouer d'autres instruments et puis, finalement, je me suis concentré sur le mien. C'était amusant de trouver tous les instruments à l'intérieur du piano. En fait, on a fait tout le disque au piano : on a fait les percus en tapant dessus, on a fait passer des champs magnétiques pour faire vibrer les cordes, on a fait passer du crin de cheval pour faire du violoncelle, on a pris des tournevis... tout ce qu'on a pu trouver. On l'a fait passer sur des amplis de guitare, on a fait pas mal de bidouille sur ordinateur, mettre les trucs à l'envers. Je ne joue que du piano, mais, en même temps, j'ai l'impression qu'il y a mille instruments dedans. Donc je ne me sens pas restreinte.
Et ça, tu as essayé de le reproduire un peu sur scène, d'ailleurs.
Oui, en fait ça a commencé comme ça : sur scène, je faisais déjà des petites choses, un peu de percus, et quand j'ai voulu faire le disque, on m'a demandé avec qui j'avais envie de travailler et j'ai demandé un pianiste. Et tous les deux, on a décidé de faire tout au piano.
Quel est le processus créatif de tes chansons ? Je suppose que tu commences plutôt par la musique...
Non ! Moi, déjà, je trouve qu'il y a de la musique dans les paroles, je n'arrive pas vraiment à dissocier les deux. Enfin, je ne sais pas, parce que des fois je ne me souviens plus. C'est bizarre à expliquer, mais, souvent, c'est difficile de revenir au début du processus. C'est dur de faire une règle générale, mais je pense que s'il n'y a pas la musique et qu'il n'y a que les mots - ça arrive - c'est jamais très bon et ça reste comme ça.
Ca vient vraiment petit à petit, tu ne te mets pas derrière un bureau pour composer un morceau ? Il y a des gens qui, pour créer, ont besoin de se mettre derrière leur chevalet, derrière leur bureau, derrière leur ordinateur et l'inspiration leur vient comme ça.
Moi, je suis souvent derrière mon piano. Ca doit être ça : mon bureau, c'est mon piano. Je suis souvent derrière pour x ou y raisons, et puis ça vient comme ça. Pour l'instant, ce n'est pas très discipliné, je n'arrive pas à faire de règle. Par exemple, pour le poème [L'Emigrant de Landor Road, de G. Apollinaire] , c'est facile parce que je n'ai pas fait le texte. J'avais lu ce poème, j'avais composé cette musique et j'ai mis du temps à me rendre compte que les deux allaient ensemble et que si j'avais composé cette musique, c'était précisément parce que j'avais lu ce poème.
Tes morceaux créent une atmosphère assez singulière, que je dirais hivernale et nocturne (évidemment, c'est un ressenti personnel) : est-ce que toi, tu as besoin de te plonger dans des ambiances particulières pour composer ? Et est-ce que l'ambiance dans laquelle tu te trouves au moment où l'inspiration vient influe sur le résultat ?
J'ai pas l'impression... Quand je les joue sur scène, souvent, j'ai des ambiances ou des images qui me viennent... mais pas quand je les écrits. Les choses dont je me souviens, c'est vraiment dans des endroits très différents, en général près de chez moi, quand j'attends quelque part...
J'ai évoqué brièvement tes reprises, comment tu les choisis ?
C'est pas facile ! Par exemple, celle des Pixies : un jour, je me baladais sur iTunes, "les meilleures reprises de", et je vois les Pixies et dans les vingt reprises affichées, il y en avait une de James Blunt. Je me suis dit : "génial, une reprise au piano", et pas du tout, il avait fait un truc rock. J'ai pensé : "c'est pas possible, il faut la faire au piano !", je l'ai faite, je me suis régalée, et c'est venu comme ça. On l'a mise dans le disque et ensuite on a signé chez Cinq7, la reprise leur a plu, donc on a cherché à en faire d'autres, et là ça a été compliqué ! Souvent, c'est juste des chansons que j'ai entendues, que j'aime bien et que je reprends. Après, j'ai réfléchi à qui j'avais envie de faire plaisir. J'ai une copine qui se marie, qui adore Etienne Daho, je fais Weekend A Rome. J'ai une copine qui n'écoute que du rap et du zouk, je me dis : "tiens, je vais lui faire 50 Cent", parce que je la jouais de temps en temps, ça la faisait marrer. Mon manager est ultra fan de Noir Désir, je fais Un Jour En France.
Et alors Paper Planes, que tu as jouée hier, c'était pour qui ?
Et bah ça, c'était pour l'ingénieur du son !
Justement, toi qui reprends pas mal d'artistes, par qui aimerais-tu voir tes propres chansons reprises ?
Ah, je sais pas ! Ce serait bizarre. Pourquoi pas Regina Spektor, qui joue du piano ! Ce serait classe.
Puisqu'on en est à parler des autres artistes, on va faire une question-quizz, tu m'arrêtes quand tu as trouvé de qui je parle...
Je suis nulle, hein !
Il y a une artistes française avec laquelle tu as beaucoup de points communs, je pense même qu'on te l'a déjà dit, donc tu devrais trouver. Tu lui ressembles musicalement, tu lui ressembles aussi un peu physiquement, tu as ce même goût de l'expérimentation...
Emilie Simon !
Voilà ! Et alors du coup j'ai poussé le parallèle : une de tes chansons a un titre proche d'une des siennes, Ice Lady (cf. Ice Girl) et "Lise", c'est aussi une de ses chansons.
C'est vrai, j'aime beaucoup cette chanson d'ailleurs. J'aime beaucoup Emilie Simon, je suis hyper flattée à chaque fois.
Quel est ton rapport à cette artiste ?
Bah je ne l'ai jamais vue en vrai, je ne l'ai jamais vue en concert. Mais il faut dire que je viens de Narbonne et que des concerts, je n'en ai pas vu beaucoup. J'aime vraiment ce qu'elle fait, je me souviens du premier disque, de l'effet que m'avait fait ne serait-ce que la pochette. Je trouve sa façon de travailler très intéressante. Je trouve ça très beau.
Tu l'as suivie dans son évolution musicale ?
Oui, j'avais beaucoup aimé la B.O. de la Marche de l'Empereur, j'avais trouvé ça super beau, ça m'avait rappelé un peu Vespertine, qui est un disque que j'adore, un de mes préférés de Björk - je sais que c'est pas le cas de tout le monde. Du coup, ça m'avait vraiment touché. Je trouve qu'elle fait un beau parcours.
C'est vrai que ce que tu fais me rappelle plus la Emilie Simon des débuts, il y a genre six, sept ans, peut-être ; aujourd'hui elle est partie dans un délire plus électro...
Oui mais je la suis ! Je trouve ça chouette. A côté, j'ai un duo où on fait aussi de l'électro, je trouve nos univers assez proches.
Tu as des goûts assez éclectiques, finalement. Je suppose que tu as une formation classique... il me semble que ça forme très bien l'oreille et que ça ouvre à plein d'autres choses.
Exactement, c'est ce que je répète : en classique, il y a tellement de musiques différentes... quand tu es petit et que tu joues pendant trois semaines un Bartòk, pendant trois semaines un Bach... ça t'apprend que la musique, c'est plein de choses différentes.
Dans quel contexte tu écouterais ta propre musique ? Il y a une vrai atmosphère, une vraie ambiance, ce n'est pas quelque chose qu'on écoute comme ça dans un magasin... toi, dans quel contexte tu pourrais l'écouter ?
Dans mon lit ! Ou dans la voiture... Et je ne conduis pas !
Eh bien tu fais une transition parfaite vers ma question suivante, un peu plus légère : tu parles de voiture, il y a aussi deux de tes chansons qui s'appellent Truck For Lovers et Le Bal des Autos, est-ce que, finalement, tu n'es pas chanteuse par défaut alors que ta vraie vocation, c'était camionneuse ?
Je n'ai pas le permis ! Ca doit être une espèce de complexe, de refoulement ! J'ai vraiment fait énormément de voyages en voiture, je me suis faite conduire sur des milliers de kilomètres. Je suis partie de Detroit, j'ai une amie qui partait au Nouveau Mexique, on a fait le trajet plusieurs fois. Je suis allée en Floride avec un vétéran du Viêt-Nam à moitié paralysé, qui m'a fait écouter Alanis Morissette pendant trois jours. C'était tellement touchant, c'était un vieux monsieur, il avait envie de me faire plaisir et il cherchait le truc le plus jeune qu'il avait dans ses CDs. Je suis partie en Russie en bus aussi, donc j'ai eu le temps de regarder par la fenêtre. Dans ce fameux camion que j'évoque dans Truck For Lovers, on est allé aux chutes du Niagara.
D'ailleurs, est-ce qu'on retrouve l'influence de cette expérience américaine dans ta musique ?
Oui, je pense qu'il y a plein de choses que j'ai découvertes là-bas : les Smiths, par exemple, ou Joni Mitchell. J'étais à Detroit, j'ai passé quatre jours sur la moquette à l'écouter en boucle, enfermée, comme si j'étais chez moi. Après, je ne sais pas si ce que j'en ressors est typiquement américain, mais j'ai rencontré des gens qui m'ont donné envie d'écrire des chansons sur les camions !
C'est amusant comme thème pour ce genre musical...
En fait, c'est juste qu'un jour, j'ai voulu partir dans un camion avec un type que j'aimais bien, et quelqu'un devait partir avec nous, et on ne savait pas comment lui dire non, parce que c'était un pote. Et j'ai fait une chanson là-dessus... C'est toujours des petites anecdotes.
Deux dernières questions avant que je te laisse y aller. Qu'est-ce que tu aimerais que les gens fassent sur ta musique ?
Je ne vais pas répondre de truc cochon, ne compte pas sur moi !
C'est pas obligé, jusque là personne n'a répondu de truc cochon !
De toute façon, ça ne marcherait pas très bien. Bah qu'ils conduisent, tiens ! Ou qu'ils prennent l'apéro avec leurs amis. Ou qu'ils fassent la sieste...
Dernière question : j'aimerais que mon interview arrive en tête des recherches Google, alors est-ce que tu aurais une rumeur à balancer sur toi-même ?
Je suis très mauvaise pour les mensonges, déjà ! Une fausse rumeur... Que je sais jouer du piano avec mes orteils !
Du coup, il va falloir que tu essayes...
Mais tu crois que j'ai jamais essayé ?! [Rires]
Un immense merci à Lise pour sa gentillesse et sa disponibilité.
Un grand merci également à Pauline, chez Cinq7, pour l'ensemble de son oeuvre !
Si les questions sont nulles, adressez vos reproches à Fred Cazalis.
Si les photos sont bien, c'est normal, elles ne sont pas de lui.
Tout d'abord, je me demande ce que ça fait, quand on est une jeune fille plutôt timide comme toi, de voir sa tête partout dans le métro ?
Je fais à peu près toujours les mêmes trajets et il n'y a pas l'affiche là où je passe, donc je ne l'ai pas vue !
Bon, ma première question tombe déjà à l'eau...
Désolée ! Mais pour te répondre, je ne suis pas allée faire un safari photo dans le métro, comme j'en avais eu l'intention, parce qu'après, je me suis dit qu'en fait, j'avais pas très envie de voir ça. J'ai quand-même des amis qui m'ont envoyé des photos.
En parlant de te voir dans Paris... "Paris", c'est le titre de la première chanson de ton album, c'est une source d'inspiration pour toi ?
Oui, mais elle m'inspirait encore plus quand je n'y étais pas ! Je trouve qu'elle est encore plus inspirante pour les provinciaux et les étrangers.
Ils en ont une vision un peu fantasmée...
Exactement. Enfin, fantasmée, mais qu'on arrive à retrouver quand on est là comme un étranger, sans avoir tous les inconvénients du côté routinier.
Du coup, maintenant, tu en as une vision déchantée ?
Non, pas complètement ! J'ai la chance d'avoir des horaires qui me permettent d'en profiter.
En dehors de cette salle des Déchargeurs, qui est vraiment minuscule, tu fais aussi des premières parties de Cali : comment on fait pour passer de même pas dix spectateurs à des milliers (en plus le public de Cali, qui est assez chaud...) ?
C'est vraiment deux exercices différents : déjà, je n'ai pas le même instrument, ça change énormément. Sur les premières parties de Cali, je suis sur un clavier numérique et le set est beaucoup plus court. C'est vraiment deux ambiances. Sur les sets avec beaucoup de monde, j'ai le stress qu'il y ait beaucoup de monde, mais je n'ai pas le stress que les gens passent une bonne soirée, parce qu'ils vont voir un super concert de Cali et ils vont forcément passer une bonne soirée. A l'inverse, là, il y a très peu de monde, mais j'ai plus de responsabilités et , du coup, la pression s'équilibre pour être au maximum tout le temps ! [Rires]
Est-ce que, finalement, ce n'est pas plus difficile d'être à un mètre des spectateurs et de pouvoir lire au fond de leurs yeux la réaction que tu provoques en eux ? Moi, du point de vue du spectateur, j'ai trouvé ça intimidant...
Je sais et je devrais arriver à faire que ce ne soit plus intimidant pour les gens, c'est un peu mon boulot... Je suppose qu'il y a une façon de faire que les gens se sentent un groupe un peu protégé. Je sais que c'est intimidant pour tout le monde, pour le moment, et j'imagine que c'est un peu de ma faute.
Le contexte joue forcément aussi, on n'est pas habitué à cette proximité. En même temps, du coup, on a l'impression de voir quelque chose qu'on ne voit quasiment jamais et à certains moments on dirait que tu joues vraiment pour chaque personne, presque en tête à tête. Ca, évidemment, tu ne peux jamais le retrouver dans une grande salle, c'est une situation privilégiée. Toi, quand on t'a proposé ça, tu as réagi comment ?
On ne me l'a pas vendu comme ça ! Pour moi, c'est bien parce qu'une salle plus grande, je ne la remplirais pas ! Il vaut mieux avoir une petite salle avec des gens qu'une grande salle vide... Remarque, une petite salle vide, c'est terrible et ça arrive aussi ! [Rires]
En même temps, là, avec cinq personnes, on a l'impression qu'il y a du monde !
Oui et puis c'est vrai que je joue spécialement pour les gens. Je les vois, je vois ceux qui s'ennuient, je vois ceux à qui ça plait... Quand on voit que ça plait, ça crée quelque chose, j'ai vraiment l'impression de jouer pour le mec qui sourit en face ou la fille qui ferme les yeux dans le fond, tu vois.
Et tu adaptes ton set en fonction de la réaction des gens ?
Oui... enfin, je ne sais pas si c'est en fonction des réactions des gens ou en fonction de ce que je ressens. Une fois, y'a un type, je croyais qu'il s'ennuyait comme un rat mort, j'avais envie de pleurer en sortant et, en fait, non, ça lui avait plu ! Mais je change selon ce que j'ai envie de chanter ou... souvent, j'ai l'impression que c'est un peu long, alors j'enlève des choses... et puis je les rajoute à la fin !
Cela dit, hier t'as pas mal respecté ta setlist, que je voyais à tes pieds - à part la fameuse reprise des Pixies...
Qui s'est transformée en une reprise de Joy Division !
Je dirais que ta musique est assez souvent émouvante, il y a quelques morceaux qui sont vraiment prenants... est-ce que tu te souviens de ton premier émoi musical ?
Quand j'étais petite, j'avais un walkman et j'écoutais en boucle les suites de Chopin, ça me faisait vraiment quelque chose. Et je chantais en même temps, sauf que comme j'avais le casque, je chantais super faux et ça faisait beaucoup rire ma sur ! Après, y'en a eu d'autres, y'a eu Joni Mitchell, que j'ai passé des journées entières à écouter, collée à la moquette. Et puis y'a eu les Smiths, gros émoi !
Tu commences à faire pas mal de concerts, je ne sais pas depuis combien de temps tu en fais...
Là ça fait deux mois. Avant, je faisais des premières parties, depuis cinq ou six ans. Je ne vais pas les chercher, ça me fait tellement peur que... quand on me propose, je ne dis jamais non, mais de là à démarcher pour trouver des lieux où jouer... Du coup, j'avais jamais fait de concert toute seule et là, aux Déchargeurs, c'est les premiers.
Tu commences quand-même à avoir une petite expérience, mine de rien, qu'est-ce que t'apportes le live par rapport au studio ?
Moi, je voulais vraiment faire du studio, c'est ce qui m'intéressait. Le live, c'était pas du tout ma partie. Mais quand ça se passe bien, ça m'apporte la satisfaction d'avoir fait mon travail. Si on imagine que le travail c'est, pour chacun, de faire de son mieux pour les autres, j'ai l'impression d'avoir fait ce que je pouvais faire de mieux pour les autres, je pense au mec qui m'a conduite en train et au mec qui a fait pousser ma tomate et je me dis que moi aussi, j'ai apporté ma contribution.
Tu peux l'apporter aussi avec ce que tu fais en studio...
Oui, mais en studio, comme on n'a pas le public en face, on est plus concentré sur la fabrication de quelque chose. On n'a pas du tout l'écoute des autres, c'est de nous pour nous. Il y a l'énergie pour faire le mieux possible, mais il n'y a pas ce truc de donner directement aux gens.
Est-ce que tu penses que cette expérience que tu vis sur scène aura une influence sur tes prochaines productions studio ?
Je ne sais pas, je n'ai pas assez de recul pour le dire. Ca me permet surtout de jouer, de chanter, d'improviser...
C'est aussi un espace de liberté.
Oui.
J'ai l'impression que tu es sensible en premier lieu à la musique, plus qu'au texte seul, et que tu utilises ta voix peut-être plus comme un instrument que comme le vecteur d'un message, que tu es sensible avant tout aux harmonies...
Oui, c'est tout à fait vrai.
Est-ce que ça se retrouve aussi dans tes goûts musicaux ?
Eh ben non, pas du tout ! Ca part aussi de ce qu'on sait faire : moi, je suis plus musicienne, l'écriture, ça vient vraiment pour faire les chansons, pour chanter. Après, j'adore les choses très bien écrites, je suis une grande fan de Dominique A, de Mano Solo, en français. Et puis en anglais, je trouve que les Libertines, par exemple, c'est merveilleusement bien écrit, et les Smiths aussi, c'est pour l'écriture. Dans les deux langues, c'est important pour moi. J'aime les beaux textes et, en même temps, j'aime la musique sans texte.
Qu'est-ce que tu appelles "bien écrit" ? Parce qu'on pourrait dire "bien écrit" aussi quand le texte a une certaine musicalité.
C'est vrai, mais j'aime bien les trouvailles syntaxiques, j'aime bien quand ça va au-delà. Dominique A, par exemple, ça va au-delà d'un truc bien écrit, c'est un choc syntaxique ou une invention lexicale, des mots qui vont former une image que tu n'as jamais vue ailleurs. Ca, j'aime beaucoup.
D'ailleurs, Dominique A t'a écrit une chanson, t'es aussi en première partie de Cali, deux artistes que tu aimais déjà beaucoup avant... d'un coup, tu te retrouves projetée là, à travailler avec ces gens-là, ça doit être un peu particulier...
Oui, c'est très bizarre. Un jour, y'a Mathias Malzieu qui sonne à ta porte pour venir faire une chanson... Après, ça se passe différemment selon les personnes, mais c'est des belles rencontres. Bon, je suis toujours très intimidée, hein !
Sur la pochette de l'album et sur l'affiche du concert, il y a cette photo de toi avec des touches de piano accrochées au bout des doigts et, en te voyant jouer, j'ai vraiment eu l'impression que le piano était un prolongement de toi et peut-être aussi une sorte d'organe artificiel qui te permet d'exprimer des choses que tu ne pourrais pas exprimer sinon...
Oui, c'est vrai. C'est pour ça que j'ai choisi cette photo, je trouve qu'avec un moyen assez simple, elle exprimait bien ce que je ressentais. Des fois, ce n'est pas juste le prolongement, c'est aussi un miroir qui te montre ce que tu ne fais pas bien, c'est quand-même exigeant comme instrument. Mais je me sens bien avec, surtout dans le répertoire que je joue là. Des fois, on se frotte à des répertoires qui ne sont pas taillés pour son caractère et le choc peut être terrible.
En même temps, tu fais aussi des reprises et là, pour le coup, tu t'attaques à des genres vraiment très différents...
Oui, mais je les joue au piano.
Il n'y a pas d'autre instrument qui t'attire ?
J'ai voulu jouer d'autres instruments et puis, finalement, je me suis concentré sur le mien. C'était amusant de trouver tous les instruments à l'intérieur du piano. En fait, on a fait tout le disque au piano : on a fait les percus en tapant dessus, on a fait passer des champs magnétiques pour faire vibrer les cordes, on a fait passer du crin de cheval pour faire du violoncelle, on a pris des tournevis... tout ce qu'on a pu trouver. On l'a fait passer sur des amplis de guitare, on a fait pas mal de bidouille sur ordinateur, mettre les trucs à l'envers. Je ne joue que du piano, mais, en même temps, j'ai l'impression qu'il y a mille instruments dedans. Donc je ne me sens pas restreinte.
Et ça, tu as essayé de le reproduire un peu sur scène, d'ailleurs.
Oui, en fait ça a commencé comme ça : sur scène, je faisais déjà des petites choses, un peu de percus, et quand j'ai voulu faire le disque, on m'a demandé avec qui j'avais envie de travailler et j'ai demandé un pianiste. Et tous les deux, on a décidé de faire tout au piano.
Quel est le processus créatif de tes chansons ? Je suppose que tu commences plutôt par la musique...
Non ! Moi, déjà, je trouve qu'il y a de la musique dans les paroles, je n'arrive pas vraiment à dissocier les deux. Enfin, je ne sais pas, parce que des fois je ne me souviens plus. C'est bizarre à expliquer, mais, souvent, c'est difficile de revenir au début du processus. C'est dur de faire une règle générale, mais je pense que s'il n'y a pas la musique et qu'il n'y a que les mots - ça arrive - c'est jamais très bon et ça reste comme ça.
Ca vient vraiment petit à petit, tu ne te mets pas derrière un bureau pour composer un morceau ? Il y a des gens qui, pour créer, ont besoin de se mettre derrière leur chevalet, derrière leur bureau, derrière leur ordinateur et l'inspiration leur vient comme ça.
Moi, je suis souvent derrière mon piano. Ca doit être ça : mon bureau, c'est mon piano. Je suis souvent derrière pour x ou y raisons, et puis ça vient comme ça. Pour l'instant, ce n'est pas très discipliné, je n'arrive pas à faire de règle. Par exemple, pour le poème [L'Emigrant de Landor Road, de G. Apollinaire] , c'est facile parce que je n'ai pas fait le texte. J'avais lu ce poème, j'avais composé cette musique et j'ai mis du temps à me rendre compte que les deux allaient ensemble et que si j'avais composé cette musique, c'était précisément parce que j'avais lu ce poème.
Tes morceaux créent une atmosphère assez singulière, que je dirais hivernale et nocturne (évidemment, c'est un ressenti personnel) : est-ce que toi, tu as besoin de te plonger dans des ambiances particulières pour composer ? Et est-ce que l'ambiance dans laquelle tu te trouves au moment où l'inspiration vient influe sur le résultat ?
J'ai pas l'impression... Quand je les joue sur scène, souvent, j'ai des ambiances ou des images qui me viennent... mais pas quand je les écrits. Les choses dont je me souviens, c'est vraiment dans des endroits très différents, en général près de chez moi, quand j'attends quelque part...
J'ai évoqué brièvement tes reprises, comment tu les choisis ?
C'est pas facile ! Par exemple, celle des Pixies : un jour, je me baladais sur iTunes, "les meilleures reprises de", et je vois les Pixies et dans les vingt reprises affichées, il y en avait une de James Blunt. Je me suis dit : "génial, une reprise au piano", et pas du tout, il avait fait un truc rock. J'ai pensé : "c'est pas possible, il faut la faire au piano !", je l'ai faite, je me suis régalée, et c'est venu comme ça. On l'a mise dans le disque et ensuite on a signé chez Cinq7, la reprise leur a plu, donc on a cherché à en faire d'autres, et là ça a été compliqué ! Souvent, c'est juste des chansons que j'ai entendues, que j'aime bien et que je reprends. Après, j'ai réfléchi à qui j'avais envie de faire plaisir. J'ai une copine qui se marie, qui adore Etienne Daho, je fais Weekend A Rome. J'ai une copine qui n'écoute que du rap et du zouk, je me dis : "tiens, je vais lui faire 50 Cent", parce que je la jouais de temps en temps, ça la faisait marrer. Mon manager est ultra fan de Noir Désir, je fais Un Jour En France.
Et alors Paper Planes, que tu as jouée hier, c'était pour qui ?
Et bah ça, c'était pour l'ingénieur du son !
Justement, toi qui reprends pas mal d'artistes, par qui aimerais-tu voir tes propres chansons reprises ?
Ah, je sais pas ! Ce serait bizarre. Pourquoi pas Regina Spektor, qui joue du piano ! Ce serait classe.
Puisqu'on en est à parler des autres artistes, on va faire une question-quizz, tu m'arrêtes quand tu as trouvé de qui je parle...
Je suis nulle, hein !
Il y a une artistes française avec laquelle tu as beaucoup de points communs, je pense même qu'on te l'a déjà dit, donc tu devrais trouver. Tu lui ressembles musicalement, tu lui ressembles aussi un peu physiquement, tu as ce même goût de l'expérimentation...
Emilie Simon !
Voilà ! Et alors du coup j'ai poussé le parallèle : une de tes chansons a un titre proche d'une des siennes, Ice Lady (cf. Ice Girl) et "Lise", c'est aussi une de ses chansons.
C'est vrai, j'aime beaucoup cette chanson d'ailleurs. J'aime beaucoup Emilie Simon, je suis hyper flattée à chaque fois.
Quel est ton rapport à cette artiste ?
Bah je ne l'ai jamais vue en vrai, je ne l'ai jamais vue en concert. Mais il faut dire que je viens de Narbonne et que des concerts, je n'en ai pas vu beaucoup. J'aime vraiment ce qu'elle fait, je me souviens du premier disque, de l'effet que m'avait fait ne serait-ce que la pochette. Je trouve sa façon de travailler très intéressante. Je trouve ça très beau.
Tu l'as suivie dans son évolution musicale ?
Oui, j'avais beaucoup aimé la B.O. de la Marche de l'Empereur, j'avais trouvé ça super beau, ça m'avait rappelé un peu Vespertine, qui est un disque que j'adore, un de mes préférés de Björk - je sais que c'est pas le cas de tout le monde. Du coup, ça m'avait vraiment touché. Je trouve qu'elle fait un beau parcours.
C'est vrai que ce que tu fais me rappelle plus la Emilie Simon des débuts, il y a genre six, sept ans, peut-être ; aujourd'hui elle est partie dans un délire plus électro...
Oui mais je la suis ! Je trouve ça chouette. A côté, j'ai un duo où on fait aussi de l'électro, je trouve nos univers assez proches.
Tu as des goûts assez éclectiques, finalement. Je suppose que tu as une formation classique... il me semble que ça forme très bien l'oreille et que ça ouvre à plein d'autres choses.
Exactement, c'est ce que je répète : en classique, il y a tellement de musiques différentes... quand tu es petit et que tu joues pendant trois semaines un Bartòk, pendant trois semaines un Bach... ça t'apprend que la musique, c'est plein de choses différentes.
Dans quel contexte tu écouterais ta propre musique ? Il y a une vrai atmosphère, une vraie ambiance, ce n'est pas quelque chose qu'on écoute comme ça dans un magasin... toi, dans quel contexte tu pourrais l'écouter ?
Dans mon lit ! Ou dans la voiture... Et je ne conduis pas !
Eh bien tu fais une transition parfaite vers ma question suivante, un peu plus légère : tu parles de voiture, il y a aussi deux de tes chansons qui s'appellent Truck For Lovers et Le Bal des Autos, est-ce que, finalement, tu n'es pas chanteuse par défaut alors que ta vraie vocation, c'était camionneuse ?
Je n'ai pas le permis ! Ca doit être une espèce de complexe, de refoulement ! J'ai vraiment fait énormément de voyages en voiture, je me suis faite conduire sur des milliers de kilomètres. Je suis partie de Detroit, j'ai une amie qui partait au Nouveau Mexique, on a fait le trajet plusieurs fois. Je suis allée en Floride avec un vétéran du Viêt-Nam à moitié paralysé, qui m'a fait écouter Alanis Morissette pendant trois jours. C'était tellement touchant, c'était un vieux monsieur, il avait envie de me faire plaisir et il cherchait le truc le plus jeune qu'il avait dans ses CDs. Je suis partie en Russie en bus aussi, donc j'ai eu le temps de regarder par la fenêtre. Dans ce fameux camion que j'évoque dans Truck For Lovers, on est allé aux chutes du Niagara.
D'ailleurs, est-ce qu'on retrouve l'influence de cette expérience américaine dans ta musique ?
Oui, je pense qu'il y a plein de choses que j'ai découvertes là-bas : les Smiths, par exemple, ou Joni Mitchell. J'étais à Detroit, j'ai passé quatre jours sur la moquette à l'écouter en boucle, enfermée, comme si j'étais chez moi. Après, je ne sais pas si ce que j'en ressors est typiquement américain, mais j'ai rencontré des gens qui m'ont donné envie d'écrire des chansons sur les camions !
C'est amusant comme thème pour ce genre musical...
En fait, c'est juste qu'un jour, j'ai voulu partir dans un camion avec un type que j'aimais bien, et quelqu'un devait partir avec nous, et on ne savait pas comment lui dire non, parce que c'était un pote. Et j'ai fait une chanson là-dessus... C'est toujours des petites anecdotes.
Deux dernières questions avant que je te laisse y aller. Qu'est-ce que tu aimerais que les gens fassent sur ta musique ?
Je ne vais pas répondre de truc cochon, ne compte pas sur moi !
C'est pas obligé, jusque là personne n'a répondu de truc cochon !
De toute façon, ça ne marcherait pas très bien. Bah qu'ils conduisent, tiens ! Ou qu'ils prennent l'apéro avec leurs amis. Ou qu'ils fassent la sieste...
Dernière question : j'aimerais que mon interview arrive en tête des recherches Google, alors est-ce que tu aurais une rumeur à balancer sur toi-même ?
Je suis très mauvaise pour les mensonges, déjà ! Une fausse rumeur... Que je sais jouer du piano avec mes orteils !
Du coup, il va falloir que tu essayes...
Mais tu crois que j'ai jamais essayé ?! [Rires]
Un immense merci à Lise pour sa gentillesse et sa disponibilité.
Un grand merci également à Pauline, chez Cinq7, pour l'ensemble de son oeuvre !
Si les questions sont nulles, adressez vos reproches à Fred Cazalis.
Si les photos sont bien, c'est normal, elles ne sont pas de lui.
Interview réalisée le 23 mai 2011 par Fredc
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