Accueil Chronique de concert Interview de Bertrand Belin à propos de l'album Persona et de ses collaborations avec les Liminanas et L'Epée
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Interview de Bertrand Belin à propos de l'album Persona et de ses collaborations avec les Liminanas et L'Epée

Interview de Bertrand Belin à propos de l'album Persona et de ses collaborations avec les Liminanas et L'Epée en concert

La Coopérative de mai, Clermont-Ferrand Février 2020

Interview réalisée le 05 février 2020 par Pierre Andrieu



Ça fait un moment que les chansons de Bertrand Belin nous accompagnent, qu'on les sifflotent en conduisant sur des routes de campagne ou des autoroutes, qu'on les décortiquent (enfin, qu'on essaye de le faire... ) et qu'on attend la sortie de ses disques avec impatience. Et puis en 2019 paraît "Persona", un nouveau coup de maître qui semble élargir encore un peu plus son auditoire, légèrement plus conséquent à chaque tournée et en particulier depuis la parution du tube des Liminanas, "Dimanche", sur lequel le songwriter breton chante d'une voix grave un texte drôle et désabusé qu'il a écrit pour l'occasion. Cela fait donc pas mal de raisons valables de vouloir lui poser quelques questions avant son passage à la Coopérative de mai fin mars 2019 à l'occasion d'un concert d'anthologie dont il a le secret. Pour avoir vu une vidéo d'interview où le journaliste en culottes courtes se faisait joliment rembarrer comme il fallait à la suite d'une question un peu légère, on sait que l'homme peut être cassant, on se présente donc dans les loges de La Coopé en ayant bien potassé le dernier album (ce qui n'est pas très difficile, il est excellent... ) et longuement préparé nos questions. Excellente initiative, car l'affûté et vif Bertrand Belin se révèle très attentif à chaque mot qu'on prononce pendant l'entretien, nous attendant (gentiment) au coin du bois à chaque question, avec des interventions aussi tranchantes que stimulantes.



Ton nouvel album, Persona, est beaucoup plus orienté synthétiseurs que tes disques précédents... Qu'est ce qui t'as donné cette envie ?
Bertrand Belin : Sur mon précédent disque, j'ai fait quelques expériences sur un ou deux morceaux en invitant des synthés dans ma musique, et c'était concluant... C'était sur un ou deux titres, de manière assez éparse, mais ça fait plusieurs années que je m'intéresse à ça, que j'achète des claviers. Je joue avec Thibault Frisoni, qui s'intéresse beaucoup aux claviers lui-aussi et qui a réalisé l'album avec moi. Tatiana Mladenovitch s'intéresse également à ça depuis longtemps, plus que je ne l'ai fait moi-même dans le passé. Je ne suis pas particulièrement attiré par ses instruments, mais je réagis aux beaux sons : quand il y a des sons qui me touchent, il n'y a pas de raison de se les refuser. C'est en cherchant que j'en suis arrivé là. Et puis c'est mon sixième album, je voulais essayer de changer un peu de territoire, enfin gentiment quoi, ce n'est pas un disque électro, c'est juste des chansons à moi arrangées avec le concours d'autres timbres, mais ce n'est pas radicalement passé de l'autre côté : il y a des guitares, il y a des batteries, il y a des basses...

Ce n'est pas ton instrument de prédilection, ce n'est pas toi qui en joue je crois...
Sur certains titres, j'en joue. "Bec", qui ouvre l'album, c'est un des premiers titres que j'ai enregistrés pour "Persona"... J'avais acheté un petit synthé, j'étais en train de bricoler avec et j'ai fait cette chanson dans la matinée, en 5 ou 10 minutes. Elle est restée là, et puis elle a donné le "la" au disque. Je pense que c'est cette chanson finalement qui a invité ce genre de timbres synthétiques dans l'album, c'est à cette chanson que je dois d'avoir accueilli favorablement le temps nécessaire aux expériences qui conduisent à renouveler un peu la palette sonore, enfin, pas à la renouveler mais à l'étendre.



La chanson "Nuits Bleues" est très réussie à mon avis, elle me fait penser à certains titres signés par David Bowie et Brian Eno dans leur période dite berlinoise... Tu pensais à ça au moment d'enregistrer ?
Absolument, oui ! Ça fait vraiment des années que je cherche à faire une chanson qui pourrait réussir à capter ce vent incroyable qu'il y a dans "Heroes" ou dans d'autres morceaux de cette époque. Ouais, c'est vraiment très directement influencé par ça, et par "Ashes to ashes" également. Mais bon, "Nuits Bleues" ça reste une chanson pop, donc pour moi je n'y suis pas arrivé.

Après avoir enregistré tes deux derniers album à Shefflied dans un studio fréquenté par les Arctic Monkeys et Richard Hawley, tu as cette fois travaillé dans ton propre studio à Montreuil pour "Persona". C'est pour avoir plus de temps, plus de confort ?
Non, pas plus de confort, mais plus de temps ouais. C'est vrai que ça crée un certain confort d'avoir du temps mais c'est pas du confort au sens "luxueux", j'ai un local moins confortable que ce que j'avais à Sheffield mais par contre le temps c'est un confort. Le coût du studio à Sheffield, le coût du voyage, enfin tous les coûts occasionnés par le déplacement, j'ai préféré les investir en temps dans mon studio. C'est très intéressant aussi d'avoir des contraintes temporelles et d'aller 10 jours à Sheffield pour boucler un album, mais j'avais besoin d'autres choses de toutes façons, donc j'aurais pas pu le faire ailleurs, j'étais très bien là-bas !



Tu as à nouveau bossé avec tes collaborateurs de longue date Thibault Frisoni et Tatiana Mladenovich sur l'album... Peux-tu parler de leur apport ? Ils participent à la composition ?
Et bien, comment dire, tout d'abord ce sont des musiciens exceptionnels, ça on le voit bien ! Concernant les chansons, les rapports que j'ai avec eux, ce sont des rapports de confiance, d'amitié, de très, très grande amitié même, mais d'un point de vue de la fabrication des chansons depuis de nombreuses années on a établi une sorte de territoire esthétique, ils savent ce que je veux, ce que je veux pas. Après, moi, les chansons je les écris et je les arrange moi-même, je passe par des étapes de construction, j'enregistre moi-même, je maîtrise mes outils et puis vient un moment où j'ouvre les portes et où je présente mon travail à Tatiana et Thibaut. Avec leur remarques, ils vont parfois orienter des choses par leur interprétation, parce que moi je mets des boites à rythmes ou je joue de la batterie sur mes maquettes, mais quand on passe à l'étape supérieure avec des gens dont c'est vraiment l'instrument, on a des effets d'amélioration qui sont nets. Et puis parfois, il y a des propositions musicales qui sont de l'ordre de l'arrangement, il n'y a aucun morceau qui a été arrangé par une personne seule, à part moi qui ai "abouti" quelques morceaux seul, mais pour le reste ce sont des morceaux assez avancés auxquels vient s'ajouter une magie en provenance de Tatiana et Thibault. Ils ont des idées qui révèlent quelque chose du morceau et qui à ce titre méritent à mon avis d'être appelées plus qu'arrangements, qui rentrent presque dans la composition. Ce n'est pas tant en manière d'arrangements, c'est plutôt certains motifs musicaux ou certaines couleurs d'instruments qui parfont l'identité des titres. Donc, au lieu de garder ça sous silence, j'en témoigne officiellement, pour que le travail de chacun soit reconnu...

Ce n'est pas le cas de tout le monde !
Non, c'est pas le cas de tout le monde, je sais. Mais c'est normal, parce que tout le monde veut en avoir plus. Mais c'est dur à quantifier quand même, c'est bizarre une chanson : tu fais l'harmonie, la mélodie, les paroles, la musique, l'arrangement et puis tout à coup y'a quelqu'un qui vient te mettre un petit pendule ici et là et c'est manifestement ce qu'il fallait à la chanson, alors comment on appelle ça, hein ?



Certains de tes textes font penser à des cadavres exquis ou peuvent évoquer le travail des surréalistes avec la méthode des cut-ups, c'est quelque chose qui t'a influencé ?
Je ne me réfère pas du tout aux cut-ups ni au travail des surréalistes, mais je conçois que le résultat puisse évoquer certains de leurs travaux. Non, moi je ne pratique pas du tout ce genre de choses, je n'ai pas du tout de méthode de travail pour les textes. Pour moi, c'est le sens qui gouverne tout, c'est ça mon approche. Ce que j'aime ce sont les syntaxes un peu dégradées et les accidents de grammaire.

C'est ça qui me faisait penser aux surréalistes...
Oui, mais si tu fais un travail de cut-up, tu te rends bien compte qu'en mettant deux fragments de phrases juxtaposés, s'il y en a deux qui ne te plaisent pas tu en prends deux autres et tu vois qu'ils fonctionnent mieux. Donc, ce n'est pas vraiment du cadavre exquis avec de l'arbitraire qui rentre en ligne de compte. Dans le cadavre exquis, il y a de l'arbitraire, tu ne choisis pas, tu accueilles et tu dis "c'est ça, c'est pas autre chose !" Dans le cut-up, tu juxtaposes, tu regardes et si ça ne te convient pas, tu essayes d'autres formules. Donc moi je fais ça si on veut, bien sûr, mais je ne convoque pas le hasard, enfin, si, je convoque le hasard mais celui des pérégrinations de l'esprit, pas le hasard d'un bout de papier choisi parmi dix autres. Ça reste dans ma tête, quoi ! Il n'y a pas beaucoup d'exemples comme ça... Si on prend "Chien camarade", qui peut éventuellement faire penser à ce que tu disais, ça provoque un effet de choc parce qu'il n'y a pas d'article, pas de verbe et qu'on a l'impression que tout à coup on a pris au hasard ces deux mots mais ils ne sont pas du tout choisis au hasard, ils le sont pour ce qu'ils représentent et pour le sens, en tout cas l'émotion, que ça peut créer. Ce n'est pas du tout de l'écriture automatique ou du hasard. Il n'y a aucun mot choisi au hasard dans mes chansons.

Y-a-t-il un texte que tu trouves absolument parfait dans l'histoire de la chanson française ?
Oui, il y en a, y'en a plein, des dizaines et des dizaines. Mais ce ne sont pas tant des textes que je trouve super, ce sont des chansons que je trouve super, y compris avec le texte. Catherine Ringer en a signé beaucoup des chansons comme ça : "Andy", "Marcia Baila", "Le petit train"... Au niveau de l'écriture des textes, je pense que c'est quelqu'un de remarquable. Je suis assez inspiré aussi par des comptines, des chansons d'enfance, des chansons modestes, à danser. Il y a plein de chansons que sont réussies sur le plan de l'adhésion du texte et de l'image, "Au bal masqué" (de La Compagnie Créole, ndr) par exemple, c'est très réussi dans le genre, il n'y a rien à dire ! Moi, j'aime bien les chansons où il n'y a pas beaucoup d'informations, mais les chansons où il y en a suffisamment.

Les chansons qui font appel à l'interprétation de l'auditeur ?
Non, même pas, c'est qu'éventuellement elles court-circuitent l'état de la réflexion, ça c'est pas mal. Comme tous ces gens (comme moi) qui écoutent des chansons anglo-saxonnes, on n'est pas toujours à adhérer au sens absolu de ce qu'on nous raconte, on se laisse aussi gagner par d'autres types de perception. C'est plus difficile quand c'est sa propre langue parce qu'on a la tentation de recevoir une information. C'est ce que je trouve formidable chez les Rita Mitsouko, c'est qu'on a des textes de qualité qui ne sont pas au premier plan du travail, il y a la musique, l'interprétation, la voix, tout ce qui va avec, tout ça est au service d'abord d'une chose qui est cette chimie étrange pour faire une chanson : de la musique, des intentions, une voix, des paroles. Ça, c'est vraiment formidable.



J'aime beaucoup le titre "Choses nouvelles" sur ton nouvel album. Je trouve qu'il a une atmosphère à la Alain Bashung grâce à la voix, aux cordes et à l'utilisation de "la nuit, je..." 
Ouais, ouais, je pense que c'est tout ce qui vient de Bashung, c'est "la nuit, je...". J'aime bien Bashung, mais je pense que ce début de phrase y est pour beaucoup, s'il y avait "j'aime les chiens" ou "j'aime le couscous", ça serait différent, non ? C'est mon opinion. En écrivant "la nuit, je", j'ai bien pensé qu'on allait me parler de Bashung mais je ne me suis pas interdit de le faire, parce que ce n'est pas le même propos.

Tu le prends mal ?
Non, je ne le prends pas mal. Je doute que ce soit autre chose que ça, il ne me semble pas que la chanson soit particulièrement "bashungienne". Je connais bien Bashung, et je ne vois pas ce genre de chansons chez Bashung.

C'est peut-être l'atmosphère du titre qui m'a fait penser à ça...
Oui, et puis en plus là on est chez Bashung, avec cette photo de lui dans sa loge à La Coopé... Je pense que ça tient à ce début de texte et puis peut-être aussi au caractère non immédiat du sens de mes paroles en général, ça me ramène beaucoup vers cette esthétique là de Bashung, le grand baron, le grand duc. Mais je ne trouve pas que ce soit cette chanson en particulier, je trouve que c'est presque la moins significative à ce niveau là, à part ce bout de texte !

Je me suis laissé avoir...
Mais non, on a deux opinions différentes, on n'est pas obligés d'avoir la même, je n'ai pas la vérité, ce n'est pas parce que c'est moi qui ai fait la chanson que je sais mieux l'écouter que toi, c'est même peut-être le contraire... 



Je suis également très fan du titre "Dimanche", que tu chantes, dont tu as écrit les paroles et qui figure sur l'album des Liminanas produit par Anton Newcombe. Lors d'une interview (à lire ici) en septembre 2018, le leader de Brian Jonestown Massacre nous a parlé de toi en disant que tu étais le "french Nick Cave". Comment tu le prends ? Comme un compliment ?
Ah bah oui, évidement (rires) ! Oui, oui, bien sûr !

Il ne t'en a pas parlé sur le moment ?
Non, non, j'étais pas au courant... C'est plutôt charmant de sa part ! C'est un énorme artiste, Nick Cave, c'est un des derniers dinosaures planétaires. Il porte avec lui une mythologie incroyable, son art est rempli de références, d'esprit. Il est vraiment hanté ce mec ! Par les bluesmen, par Bartok... Il a traversé tellement d'époque, il est très riche, c'est vraiment un énorme artiste. Chez lui, il y a autant de la poésie anglaise du 18éme siècle que de la scène berlinoise des années 80, il réunit des choses complément inouïes. C'est aussi un genre de dieu vivant, c'est impressionnant quand on le voit en concert, c'est quelque chose !

Est-ce que tu peux parler du texte de "Dimanche", que je trouve excellent ? Tu estimes que c'est un des meilleurs trucs que tu aies fait ?
Moi, j'ai juste fait le texte et j'ai chanté. Non, je ne dirais pas que c'est un des meilleurs textes que j'ai écrit, je ne dirais pas ça...

Pas mal de gens ont dû te dire que c'est une chanson qui les avait marqués, non ?
Oui, oui, je pense que c'est très réussi, mais ça ne veut pas dire que c'est un des meilleurs textes que j'ai écrits, j'en suis même sûr, ce n'est pas un de mes meilleurs textes. Ce n'est pas le dégrader que de dire ça.

Le titre en lui-même, paroles + musique, est très, très réussi...
Ouais, je suis d'accord. Ce sont des paroles de rock 'n roll, des paroles simples. Ça marche très bien, oui. Je ne sais pas quoi dire, c'est une rencontre. Je ne peux pas dire que c'est ma meilleure chanson, je n'en ai pas particulièrement de meilleure d'ailleurs. Et si ma meilleure chanson ce n'est pas moi qui l'ai composée, ça me fait un peu chier !

(rires) Oui, mais tu as quand même écrit le texte !
Oui, mais c'est une chanson, c'est indémêlable de la musique. Je pense vraiment qu'un texte et une musique c'est indémêlable. Ce texte là, on pourrait aussi en faire quelque chose de pas très intéressant sans enlever une lettre. Tu ne crois pas que la musique donne un ton, une intention ?

Si, si !
A lire, ce doit être chiant à mourir comme texte... C'est pour ça que je ne pense pas que ça soit le meilleur texte du monde mais la chanson, oui, c'est la meilleure du monde !



Tu peux parler des trois textes de chansons que tu as écrits pour L'Epée (Emmanuelle Seigner + Les Liminanas + Anton Newcombe) ?
Déjà, j'en ai écrit deux pour Emmanuelle, qui est une femme. Ecrire pour une femme, ça permet d'exprimer des choses que je ne pourrais peut-être pas faire moi-même. C'est pas tout à fait vrai ce que je dis là : en général, je ne me préoccupe pas trop de savoir qui je suis dans ces cas là. Je ne me considère pas avant tout comme un homme quand j'écris. Mais quand même... C'est cet univers de rock 'n roll, de décibels, avec ce que ça suppose de déséquilibre et de ferveur, et aussi ce que ça permet comme ton. Il y a tout un territoire esthétique qui tout à coup m'est accessible, et ça c'est génial. Moi, si j'avais la voix de quelqu'un qui peut chanter du rock, je le ferais.

Tu fais bien du rock, non ? Tu veux dire "pouvoir hurler comme Iggy Pop" ?
Peut-être pas hurler comme Iggy Pop, mais j'aurais aimé faire du punk rock, chanter avec une voix qui fait "WOUAH", un truc qui peut passer par dessus les batteries ou qui n'a pas besoin de le faire mais un truc avec des décibels. Si j'avais eu ça, je serais resté dans l'énergie du rock 'n roll sans hésitation.

"Dimanche" et les titres de L'Epée, ça te t'a pas donné envie de travailler en studio avec Anton Newcombe chez lui à Berlin ?
Je l'ai croisé en concert à Paris et une autre fois, mais ce serait mentir que j'ai eu une expérience avec lui en studio. Donc, pour l'instant, je n'ai pas fait ce chemin là, ce n'est pas quelque chose auquel j'ai pensé. A ce moment là, je serais plus enclin à travailler avec Lionel et Marie des Liminanas. Je ne sais pas si ça répond à ta question, mais moi je suis très sensible aux rencontres, donc Anton Newcombe c'est un collaborateur de The Liminanas avant d'être un de mes propres collaborateurs. Moi, j'ai rencontré The Limimanas, et si c'est vrai que j'ai croisé Anton Newcombe et qu'on a tous les deux participé à des morceaux, mon horizon c'est d'abord The Liminanas.



On parlait tout à l'heure de ton éventuelle meilleure chanson... Il y en a une que je place au dessus des autres, moi, c'est "Peggy". Tu en penses quoi, tu la trouves comment celle-là ?
Oh, c'est une bonne chanson ça, si je puis me permettre (rires) !

C'est une très belle chanson sur la mort...
Ah bah c'est sûr que c'est une chanson sur la mort, il n'y a aucun doute. Enfin, c'est sur le fait de mourir.

Si j'ai bien compris, la chanson "Peggy" est le point de départ de ton livre intitulé "Requin" qui développe le même thème...
Non, ce n'est pas le point de départ, j'avais écrit le livre avant d'écrire la chanson... J'étais en train d'écrire ce livre, puis j'ai écrit la chanson, cela dit je ne savais pas que ce que j'écrivais allait devenir un livre et qu'il serait publié. C'était juste des choses m'appartenant dans mon imaginaire, dans mes travaux ici et là, quelque chose que j'avais à disposition. Puis, à un moment donné, en écrivant une chanson, je me suis lancé dans l'écriture de "Peggy", je ne sais même pas si le personnage du roman s'appelait Peggy, en tous les cas, ce n'est pas voulu que les deux s'appellent Peggy. Par contre, comme j'ai écrit ça à peu près dans la même période, ça correspond à mes obsessions du moment, mais je n'ai pas voulu faire de clin d'oeil au livre, ni le contraire. C'est là, mais ce n'est pas intentionnel.

L'écriture des chansons et l'écriture des livres, ce sont des choses qui se nourrissent les unes des autres ?
Oui, ça se nourrit mais c'est dur de savoir exactement comment sur le moment, je pense que c'est quelque chose qui va s'éclairer dans mon esprit avec un peu de recul. J'y verrai plus clair dans quelques années, je comprendrai mieux comment tout ça s'est organisé. Parce que moi je vis ça comme des choses qui sont simultanées, c'est très emmêlé, même si les temps d'écriture sont séparés, n'appartiennent pas au même lieu, je ne vais pas prendre des extraits de mon livre pour faire des chansons, c'est pas comme ça que ça se passe. Mais par contre, comment les choses se nourrissent, je ne sais pas. Ce que je dirais facilement, c'est que les livres ça me permet de donner libre cours à certains appétits d'écriture que j'ai, et donc que je n'ai pas à mettre dans la chanson. Du coup ça allège pas mal mon approche de la chanson parce que j'ai d'autres endroits où m'exprimer, et que je ne suis pas obligé de tout mettre à tous endroits.

Tu as une autre corde à ton arc, c'est le cinéma : tu as fais la BO du film "Ma vie avec James Dean" et tu as joué dedans en tant qu'acteur... Qu'est ce que tu as retiré de ces deux expériences ?
Ecrire pour le cinéma, je le fais depuis très, très longtemps, ça fait plus de vingt ans que je fais des musiques de films. J'ai d'ailleurs eu un prix ici au célèbre festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand, c'était en 1999 ou 2000. Donc je fais ça depuis longtemps, avant même de faire mes propres disques. Jouer la comédie, je sais pas. Ce sont des rencontres, je ne cherche pas particulièrement à jouer dans des films ou à faire le comédien, mais ce sont des demandes qui m'ont été faites, notamment par Dominique Choisy, qui est une personne que j'adore et admire, j'aime beaucoup son travail. Et puis c'est quelqu'un qui m'a mis à l'aise dans l'idée de remplir cette petite mission, qui était d'accepter de jouer un rôle modeste, un petit rôle, dans son film. Ça m'a beaucoup amusé de le faire, oui, mais je ne cherche pas à le refaire et je ne le ferai pas à tout prix. D'abord parce que je ne me reconnais pas de compétences pour le faire. Si je suis mis en confiance pour le faire, pourquoi pas, mais a priori, c'est non.



Pour conclure sur l'album, je voudrais savoir quels sont à ton avis les moments et les lieux les plus propices pour écouter "Persona" ?
Pour moi, le meilleur moment pour écouter "Persona", c'est quand on a fini le mix et qu'on le fait écouter aux copains, à fond, en buvant une bière, dans un studio. Pour moi, c'est ça le meilleur moment, c'est là que je préfère l'écouter. Parce qu'il y a cette satisfaction enfantine du travail terminé, de voir les visages satisfaits autour de moi. Et sinon, un bon moyen de l'écouter c'est dans les oreilles, au casque, dans la rue, c'est ce qu'il y a de mieux à faire.

Et la dernière question : as-tu des retours de fans sur le disque, leur ressenti sur les textes, leurs interprétations de certaines paroles ?
Non, je ne m'y intéresse pas. C'est pas que je trouve ça inintéressant, c'est que je ne suis pas sur les réseaux sociaux. Et puis tu parles de "retours de fans", je ne sais pas d'ailleurs si j'en ai, des fans.

Bah, il me semble que tu en as, la salle est pleine ce soir, comme souvent sur cette tournée...
Oui, mais la salle n'est pas pleine de fans, elle est pleine de gens curieux, les gens ne sont pas tous des fans. Si tu parles du public, le retour du public il me revient par fragments, parce que je ne cherche pas à recevoir d'informations en termes précis de la part du public. Moi, je monte sur scène, je vois le public, je passe une soirée avec des gens, c'est ça mon baromètre, mon souvenir. Je ne vais pas aller plus loin m'intéresser à ce qui se dit plus précisément sur la set list, les détails, quoi. Je ne trouve pas ça très intéressant pour moi.

Je pensais plus à une rencontre avec quelqu'un qui était au concert et qui aurait pu te parler de manière amusante ou originale de telle ou telle chanson qui l'a marqué...
Oui, ça arrive. Il y a de tout dans ce qu'on me dit : des choses agréables, d'autres très désagréables.

Les gens viennent te voir pour te dire des choses désagréables ?
Oui, bien sûr ! Il y a des choses très vulgaires parfois, des choses très sympathiques aussi. Il y a de tout, c'est comme dans la vie...



Photos live prise à l'Olympia de Paris en avril 2019 : Manu Wino manuwino.com www.facebook.com/manuwino

Bertrand Belin est en tournée française en 2020, toutes les dates (+ les billets en vente) ici !

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