Interview de Nach
Dans les yeux de Nach, on voit tout l'amour, l'espérance et ses milles batailles, le beau, le sublime et l'aventure. On y trouve aussi cette envie d'être elle, rien qu'elle, imparfaite et entière. Dans les yeux de Nach il y a du merveilleux, celui qu'elle offre dans ce deuxième album à travers des mélodies qui transportent, des mots qui résonnent, des sourires aveuglants. Quelques minutes avant de monter sur scène, nous avons pu discuter de sa vision de la vie, de son grand frère Joe (alias Selim) et de la sortie de son deuxième opus : "L'aventure", profondément intime et personnel. Rencontre avec une femme passionnée.
Quelle a été l'aventure de cet album ?
Ce qui est fou dans le mot "aventure", c'est qu'il peut contenir énormément de choses. Ça peut être une rencontre par exemple.
L'aventure de cet album est ponctuée de tout plein de moments de vie d'une femme. Il parle de l'enfance, de l'adolescence, de la vieillesse aussi... Il aborde le sujet de la transmission féminine. J'évoque la maternité en m'imaginant devenir maman.
Puis je parle aussi de ma mère, de toute la vie que j'ai vu défiler dans ses yeux.
Tu as d'ailleurs écris un court-métrage (réalisé par Nicolas Bary) qui te met en scène à différents âges. Comment t'es venue cette idée ?
Oui, je voulais faire une mise en abîme absolue, écrire un court-métrage en prenant trois chansons emblématiques de trois âges très différents ("Moi tout à toi", "Allo", "Dans les yeux de ma mère"). Écrire trois instants de vie de l'existence de quelqu'un. C'est pour cela que l'on me voit à huit ans, à trente ans, et à quatre-vingts ans.
Quelque part, tu abordes le sujet de la psychologie du développement à travers ce film. Qu'est-ce qui marque profondément ton personnage ?
La vie est déjà très dure dans l'enfance du personnage parce qu'elle n'est pas intégrée. Mais elle ne s'en rend pas compte. Elle a encore cette insouciance qui lui permet de se déconnecter de la méchanceté à laquelle elle est confrontée. Lorsque l'on grandit, notre vision change. On doit faire un effort conscient pour retrouver cette légèreté, de la lumière et de la couleur afin d'essayer de s'apaiser. C'est ce chemin là que j'ai voulu décrire.
Tu parles dans ton film du passage à l'âge adulte à travers différentes épreuves.
Dans ce film il y a des deuils, des ruptures qui sont à tous les âges et qui ne sont pas du tout vécus de la même façon. Nous évoluons, on acquiert de la sagesse, il y a des choses qu'on soigne, qu'on guérit. Ça nous permet de voir la vie autrement. Puis je pense qu'être adulte, c'est aussi se confronter à la mort, devoir affronter cette dure réalité. J'ai l'impression que c'est l'insouciance qui s'en va, qu'on est face à la violence du monde et de la vie. Je trouvais intéressant d'aborder ça.
Ton grand copain d'aventure, c'est Joe, ton grand frère.
Est-ce qu'il y aurait un souvenir, un moment fort dont tu voudrais parler ici ?
Joseph et moi on est très proches. C'est à la fois mon frère et mon ami. On est vraiment presque jumeaux. Joseph est entre autres réalisateur artistique. Lorsque j'ai écrit cet album là, je voulais un truc émouvant, personnel. Une fois Joe est venu chez moi et a joué un morceau qui s'appelle "Allo". À ce moment-là, j'ai su. Je lui ai dit que cet album était trop intime et qu'il fallait qu'il le fasse avec moi.
Tu lui réservais une belle surprise paraît-il ?
Oui, ce qu'il ne savait pas c'est que je lui avait écrit une chanson. Ce titre s'appelle simplement "Joe". J'ai dû la lui chanter en piano/voix dans mon salon. Autant te dire que c'était un moment émouvant pour nous deux ! On a décidé de la garder sur le disque.
Dans le titre "L'aventure", tu parles d'avancer, d'oser tout quitter. Pourquoi avoir choisi de mettre autant d'intensité musicale dans ce titre particulièrement ?
C'est la première chanson de l'album. Et c'est l'intro du concert aussi d'ailleurs. Elle a un côté très orchestral, symphonique.
C'est comme toutes les aventures : c'est hyper attirant et exceptionnel et en même temps ça fait peur. Ce titre parle de ça : du fait d'y aller, de l'exaltation totale d'oser mais aussi de l'appréhension de devoir quitter le cocon et de se lancer.
Est-ce que tu "vois" tes morceaux lorsque tu les écris ?
Oui, je ressens l'ADN du morceau, je ressens l'énergie qu'il peut apporter. J'ai des images un peu sonores, ou en tout cas j'ai déjà une émotion que j'ai envie de poser. Cette dynamique-là va m'aider pour les arrangements, me dicte si je vais faire quelque chose de très orchestral ou d'épuré. Mais je décèle effectivement ça rapidement.
Dans ton titre "À l'autre bout du monde", tu dis : "Même si la langue, les mots ne sont pas les mêmes qu'ici, à l'autre bout du monde, je sais que ta vie ressemble à la mienne mon ami" à qui t'adresses-tu ?
Je suis libanaise d'origine et la guerre en Syrie, toutes les images qu'on voyait m'ont beaucoup impactée. Comme sur de nombreuses parties de la terre, au Liban encore, il se passe des choses terribles au quotidien. J'avais envie d'écrire une chanson pour essayer de me fédérer à ces gens, de leur dire qu'on ne vit pas la même chose mais que je suis avec eux, qu'on est des frères, qu'on est ensemble.
Dans ta famille vous illustrez souvent la considération que vous avez pour les autres...
Notre grand-mère a dû partir de son pays parce que c'était la guerre, notre autre grand-mère a aussi connue la guerre en France. Je pense que c'est notre histoire, qu'on se rend compte de la chance qu'on a. Puis on est artistes, on est sensibles et quand on est sensibles on ne peut pas être indifférents à ce qu'il se passe.
Tu viens de sortir un clip pour ton titre "La couleur de l'amour" qui est homemade. Est-ce que c'était une façon de te mettre "à nue" ?
On est beaucoup dans l'air du beau, du lisse. La femme doit correspondre à un idéal, à une image. J'essaye de casser ça dans ma vie de femme. Je me dis qu'il ne faut pas avoir peur d'être imparfait parce que c'est comme ça qu'on trouve notre profondeur et qui on est vraiment. Depuis deux ans, j'ai récolté plein d'images de moi qui fait la conne partout en studio, en concert, chez moi. J'en ai fait un montage qui est hyper roots. Je voulais créer un clip qui soit aux antipodes de notre court-métrage.
C'est un peu comme la vie, il y a des moments où tout est beau et d'autres où c'est très vivant mais imparfait. C'était important pour moi de montrer ces deux extrêmes.
Ton album "L'aventure" retrace tous les grands moments que peuvent vivre une femme. Est-ce que tu penses que tu as vécu ta plus grande aventure ou pas encore ?
Je ne veux pas vivre en me disant que ce sera mieux demain. Faut réussir à se dire que la plus belle aventure, c'est aujourd'hui qu'on la vit. Il faut essayer de prendre tous les cadeaux qui s'offrent à nous jour après jour. Ce n'est pas facile et je n'arrive pas encore à le faire totalement mais j'essaye d'aborder chaque journée comme un présent, comme une grande aventure. Il faut laisser la place à tout ce qui peut arriver.
Elle attend dans les coulisses que la lumière se tamise. Elle sent les battements de son cur s'accélérer. Le public l'aperçoit soudain et d'un seul homme applaudit à tout rompre. Celle qu'on appelle Nach s'approche d'un pas assuré du grand piano à queue noir laqué devant lequel elle s'installe, seule. Un faisceau de lumière vient éclairer ses mains. Un autre son visage. Elle sait quoi faire. Elle est dans son élément. Ses doigts parcourent le clavier avec précision, rythme et passion. Son pied droit tape contre une grosse caisse électronique qui vient accélérer et rythmer la cadence. Elle est à elle seule le piano, la voix, la passion et le rythme. Elle est Anna Chedid. S'il faut laisser la place à tout ce qui peut arriver, ce soir là, elle occupe l'espace de "La Source" à Fontaine comme jamais.
Interview réalisée le 17 novembre 2019 par Lily Rosana
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