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Interview de Moriarty

<i>Interview</i> de Moriarty  en concert

Forum - Berre l'Etang (13) 16 mai 2008

Interview réalisée le 19 mai 2008 par Stéphane Sarpaux

La bande-son des désaxés(*)

L'interview a eu lieu avant le concert donné par le groupe dans la salle du Forum de Berre l'Etang (13) le 16 mai 2008 où 900 personnes étaient présentes. Démarrée sur le parking de la salle, l'interview s'est poursuivie durant une petite balade dans la petite ville avec Arthur et Rosemary. Sans avoir aucune idée de l'endroit où nos pas nous menaient, nous nous sommes retrouvés dans le cimetière municipal. Un chat noir et blanc nous a accompagné dans le plus ancien carré, là où les coquelicots sauvages avaient envahi les allées entre les vieilles tombes, tandis que passaient au-dessus de nos têtes les avions qui décollaient de l'aéroport de Marignane.



Moriarty, qui êtes-vous ?

Arthur : Nous sommes des amis de longue date, certains depuis le bac à sable. Nous sommes tous nés en France mais tous de parents américains, sauf Stéphane qui a des racines vietnamiennes mais dont les parents ont émigrés aux Etats-Unis après la guerre du Vietnam. Nous ne nous sommes rencontrés dans un lycée américain à Paris, le genre creuset un peu coupé de l'extérieur. Nous nous sommes rencontrés au cours de notre scolarité que nous avons suivi dans les bons établissements laïque de la République française à Paris.

Mais alors, qu'est ce qui vous a rapproché ?

Rosemary : Les autres. Chacun de nous n'a pas forcément vécu des choses très agréables avec les autres jeunes qui n'acceptaient pas facilement qu'une partie de notre identité et de notre culture soit ancrée de l'autre côté de l'Atlantique. Nous étions différents d'eux, c'est tout. Forcément, on s'est rapproché, puisqu'on vivait la même chose. C'est un mouvement assez commun chez les êtres humains. Quand on est un peu rejeté d'un côté, on va vers l'autre. Ceci était d'autant plus facile qu'une partie de nos familles respectives vivent toujours aux Etats-Unis. Et la musique a été évidemment le vecteur de notre rapprochement.



Moriarty, c'est l'ennemi juré de Sherlock Holmes ?

Arthur : Non, Moriarty, c'est Dean Moriarty, le héros de Sur la route de Kerouac. Quand nous avons créé le groupe, nous étions tous en train de lire ce livre et nous avons décidé d'adopter ce nom car nous pensions qu'il nous ressemblait. Donc, dans le groupe, c'est devenu notre nom de famille : Thomas Moriarty joue de l'harmonica, Stephane Moriarty joue de la contrebasse et de la guitare, Charles Moriarty joue de la guitare, Rosemary Moriarty chante et moi, Arthur Moriarty, je joue de la guitare, de la contrebasse et des percussions. Sur scène, nous sommes également accompagné de Vincent à la batterie.

Vous avez mis 10 ans pour sortir votre premier disque. Ce n'est pas un peu... long ?

Arthur : Moriarty existe depuis 10 ans mais le groupe n'est pas notre raison de vivre. Chacun de nous à un métier qui nous fait plus ou moins vivre. Mais en tout cas, cette situation nous a dégagé pendant toute une période d'obligations que l'on aurait pu se mettre quant à la production d'un disque. Et puis Moriarty dans sa forme actuelle n'a que trois ans, car Rosemary n'était pas avec nous dès le début. Et depuis, tout a changé...



Un nom mythique, une date de naissance obscure, des membres qui portent le nom du groupe, un site internet à accès réservé, des concerts minutieusement mis en scène... Peu de jeunes groupes adoptent dès le départ une démarche aussi élaborée.

Rosemary : Tout cela a effectivement été réfléchi et pensé. C'est l'apanage des gens qui ont pu profiter d'une longue maturation, bien que nous ayons tous la trentaine, sauf moi, qui n'est que 28 ans ! (rire). Et malgré notre relative jeunesse, nous ne sommes pas des impatients. Je pense que tout doit arriver en temps et en heure et surtout que cela ne dénature pas notre identité qui est déjà bien compliquée à gérer : nous sommes un jeune groupe français d'origine américaine, nos têtes, nos cœurs, nos pensées effectuent sans cesse des allers-retours au-dessus de l'Atlantique et Moriarty est ce qui nous cimente. Pas question de faire n'importe quoi avec.

Donc, vous avez tous attendu 10 ans bien sagement en vivant de vos métiers respectif en attendant que ça vous tombe sur la tête ?

Rosemary : Tout ce qui nous arrive aujourd'hui, c'est un accident. Nous étions invités à jouer après un spectacle dans un théâtre à Paris, tu vois, le genre groupe de cocktail. Et à la fin du set, un homme vient nous trouver pour nous dire qu'il apprécie beaucoup ce qu'on fait et qu'il veut nous aider.
Arthur : c'était Jérôme Deschamps, on était dans son théâtre. Moi, je ne savais même pas qui il était. Bref, avec sa femme Macha Makeïeff, il a tenu parole, il nous a présenté aux gens du label Naïve. Et je crois que le label a voulu faire plaisir à Deschamps en nous signant pour un album, mais juste comme ça, sans trop y croire. Du coup, ils nous ont foutu la paix, on a fait ce qu'on a voulu.



Et qu'est ce que vous avez voulu faire sur votre premier album, Gee whiz but this is a lonesome town ?

Arthur : C'est une sorte de compilation des morceaux que nous avons écrit depuis 10 ans. L'album représente encore un tiers de nos compositions. Jimmy la première chanson qui est devenu le single a 10 ans. Mais cette chanson ne ressemblait pas du tout à celle qu'on peut entendre dans l'album. Elle a évolué au cours de toutes ces années jusque dans les accords de guitare. Cela est dû à notre mode de fonctionnement. Tout le monde dans le groupe participe aux morceaux, que ce soit les textes ou les musiques. Et une chanson n'est terminée qu'à partir du moment où nous sommes tous les 5 d'accord.

C'est la chanson qui décide ?

Arthur : Peut-être au final. En tout cas, nous avons voulu créer une sorte de démocratie Rousseauiste dans Moriarty. Voilà pourquoi on met souvent du temps pour finir une chanson.



Et pourquoi avez-vous privilégié ce côté folk rural américain ?

Rosemary : ça c'est une invention des journalistes, l'étiquette folk années 30. En France, il faut tout étiqueter, ça rassure les gens. La seule chose qui nous lie vraiment avec la tradition folk, c'est que nos chansons racontent des histoires. Mais notre musique est beaucoup plus variée que cela. Nous ne sommes pas coupés du monde, nous sommes influencés par les sons d'aujourd'hui comme par le rock des années 70 ou la new wave des années 80. On ne vit pas sous une cloche estampillée "Nouvelle Orléans 1930" !

Oui, d'accord, mais c'est vous qui avez choisi dans votre répertoire, non ? Et manifestement, vous avez voulu donner une cohérence, renforcée l'omniprésence d'une contrebasse et d'un harmonica qui marquent quand même très fortement votre musique.

Rosemary : Évidemment, notre musique est totalement américaine, c'est notre identité. Mais d'une Amérique ancienne, peut-être cette Amérique d'avant que nous fantasmons tous en tant que franco-américains.
Arthur : Puisque notre démarche est plutôt d'attendre que les choses s'imposent d'elles-mêmes, peut-être que nos chansons sont effectivement quelque chose qui vient de loin en nous, quelque chose de nos racines profondes avec lesquelles nous voulons renouer à travers la musique.



(*) Quand John Huston tourne The Misfits (Les désaxés) en 1961, il voulait célébrer, à sa façon, une messe en mémoire d'une Amérique des chevaux sauvages et des espoirs de liberté qui disparaissait au profit d'une nouvelle Amérique, celle des voitures et des centres commerciaux que l'on connaît aujourd'hui. Dans ce passage de témoins, tout le monde était désaxés : Marilyn Monroe en femme divorcée et déprimée, Clark Gable, le cow-boy nostalgique ou Montgomery Clift en jeune amateur de rodéo. La musique de MORIARTY, elle aussi, coincée entre deux mondes, la France et les Etats-Unis, pourraient très bien être la bande-son idéale de ce film mythique.




Propos recueillis par Stéphane Sarpaux
Merci à Patrick Veyron et son équipe du Forum de l'Etang de Berre

Photos : Chloro Phil prises lors du concert à l'Espace Doun de Rognes le 15 Février 2008

www.moriartyland.com/ et www.myspace.com/moriartylands
Des retours de scène : ici
Des chroniques de disque : .

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