Chronique de Concert
Jack the Ripper
Un jeune homme plein de bonne volonté fait une première partie seul à la guitare, au son mélancolique et torturé ; ça ne sonnait pas trop mal mais honnêtement je n'ai pas écouté grand chose, trop de choses à dire à trop de gens.
Et puis la bande de Jack the Ripper se pointe sur scène (et ils y sont serrés) : clavier, guitare, guitare, basse, chant, trompette, batterie, c'est tout un orchestre de chambre, assez classieusement habillés : c'est tout à fait l'idée que je me faisais de leur look, à l'image de leur musique - d'une élégance rare. N'ayant pas eu l'occasion de réécouter leur discographie, je ferai une chronique sans titres de chansons... De toutes façons leurs disques ne sont pas de ceux où l'on va écouter deux ou trois singles ; on les met plutôt pour une humeur particulière, pour se laisser pénétrer par l'ambiance feutrée, quelque part entre les Tintersticks (qui semblent les avoir pas mal inspirés) et Nick Cave & the Bad Seeds.
Très alléché par la chronique de Pirlouiiiit à Doun en janvier dernier, je suis impatient de découvrir ce chanteur fascinant qu'est Arnaud Mazurel. Effectivement c'est un personnage assez étonnant, avec un regard de bête traquée, qui investit la scène. Tout au long du concert, il fumera des clope comme si c'était prescrit sur son ordonnance, se cachera entre les chansons derrière ses cheveux, en dévissant et revissant fiévreusement son pied de micro. Donnant l'impression à la fin de chaque chanson qu'il peut très bien péter un plomb, tout envoyer balader et nous planter là.
Il y a certainement un côté schizophrène à monter sur une scène quand on ne supporte pas d'être dans la lumière ; mais c'est peut-être bien là le secret de cette voix, car non de Zeus, quelle voix... Sur le fil, toujours au bord de la rupture, prête à se casser la gueule et se rattrapant à la mesure suivante, caverneuse, rocailleuse, sexy, terrifiante. Le cocktail qu'elle rappelle est tout à fait exceptionnel : le côté un peu pâteux de Stuart Staples, les éructations de Nick Cave et la tension de certains titres de Tom Waits... en fait avec un tel pedigree, si ce type ne chantait pas, que pourrait-il bien faire ? Tuer des jeunes filles comme son nom l'indique ? Il est assez facile de l'imaginer, en redingote, tapi dans une ruelle du Londres du 19ème, couteau à la main et le regard fou, attendant sa prochaine proie !
Tous les musiciens sont bons, ça ne fait aucun doute, et ils sont tout au service de cette voix hypnotique, torturée et finalement bouleversante. Comme presque toujours et c'est tant mieux, le son est légèrement plus rock sur scène que sur album, on est donc proche des regrettés 16 Horsepower : tout en tension et en ruptures, le corps se met au diapason de ces chansons diaboliques et l'on danse en rythme tel des serpents charmés par une flute.
Pour le dire simplement sans playlist, il me semble que toutes leurs meilleurs chansons y passent. La température monte rapidement , déjà au chaud dans mon t-shirt je regarde avec pitié le bassiste (un autre Mazurel, il y en a trois dans le groupe) qui portera, lui, la cravate jusqu'à la fin du set, faut ce qu'il faut pour avoir la classe ! Le chanteur aussi fera comme si sa chemise n'était pas collée par la sueur dans son dos, s'autorisant à peine un lâcher de bretelles vers la fin....
Le concert dure plus d'une heure 45 d'une performance généreuse, avec une copieuse playlist d'une vingtaine de chansons. Petite remarque inspirée par Pirlouiiiit, les arrangements gagneraient peut-être à ne pas utiliser systématiquement tous les instruments tout le temps : peut-être en effet qu'une chanson a capella, ou juste appuyés par une basse ou un violon, ou une chanson intrumentale, provoqueraient une rupture qui relancerait l'intérêt. Car si on ne connait pas les chansons par coeur, on garde un peu l'impression -toutes proportions gardées- que ça sonne tout le temps bien, mais aussi tout le temps pareil.
Cela dit c'est sans aucune lassitude que j'ai suivi la performance, j'ai même été très étonné en regardant ma montre au premier rappel que cela ait duré aussi longtemps. Nous aurait-on hypnotisés ou endormis, l'espace de quelques chansons, nous a-t-on fait les poches, des blanches ont-elles été enlevées, quelqu'un a-t-il tenté de nous tuer ? Ce qui est sûr c'est qu'on a été un peu ailleurs, dans une sorte de cauchemar éveillé et rémanent, une expérience physique en somme, Jack l'éventreur...
A la fin du concert, qui a tenu toutes ses promesses, les membres du groupe sont rapidement dehors, pour papoter avec leurs amis ou fans... à part le chanteur (qui voyage probablement dans un flight case aménagé en cercueil, et doit être transporté en dernier ...) Jack The Ripper est donc un groupe d'une classe incroyable emmené par un type qui est fou (ou le joue très bien), il faut le voir pour le croire...
Photos Pirlouiiiit qui a ressenti un peu la meme chose qu'au concert a Doun, en plus serré
Critique écrite le 21 mai 2006 par Philippe
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