Chronique de Concert
Jack the Ripper
22 heures, ils entrent en scène. Permettez que je vous présente Arnaud, le chanteur. C'est un personnage. J'étais si proche que j'ai pu le détailler très précisément et je ne m'en suis pas privée car sa prestation scénique est un véritable show.Silhouette juvénile, pas grand, hyper séquette, et à l'instar de ses acolytes, costume de scène très élégant : pantalon cigarette noir retenu par de superbes bretelles grand-père bordeaux (oui, il perdra ses bretelles en route, mais non, pas son pantalon), chemise blanche cintrée, veste en velours noir et chaussures night and day à la Joe Jackson....
Visage pâle, aux traits incroyablement fins et réguliers, crinière blonde (et là, je suis carrément jalouse), yeux bleus charbonneux, lèvres minces, mains nerveuses aux attaches graciles, cigarette aérienne.... Tout respire la délicatesse, la réserve, la fragilité chez ce garçon mais....
Dès les premières notes, nous assistons à la métamorphose du sieur Arnaud... L'il devient fixe, la mâchoire se crispe, le dos se voûte, les mains virevoltent, les genoux se plient, tout le corps se met à trembler sous une tension interne habilement peu maîtrisée... Willkommen, welcome, bienvenus dans l'univers de Jack the Ripper, incroyablement incarné par ce chanteur sur scène.
Chat efflanqué qui tantôt rase les murs d'un air apeuré, tantôt saute toutes griffes dehors et se roule par terre dans des convulsions mimant le combat intérieur de pulsions peu avouables. Monstre rugissant et sautant dans le public, assassin agonisant sur sa victime, distributeur de cigarettes à ses heures, se lovant parfois goulûment dans un fauteuil ou frappant hystériquement et avec une rage indicible sur une grosse caisse qui n'en demandait pas tant.
Il se voûte de plus en plus, se recroqueville sur lui-même, puis, d'une détente féline, dévale les gradins pour finir à genoux, la tête entre les mains. Il nous emmène dans des cabarets fréquentés par Faust, des bas fonds miteux, nous invite à une balade frileuse dans des paysages brumeux et oppressants avant de produire devant nous une explosion interstellaire qui nous laisse pantelants et à bout de souffle.
On rencontre dans son sillage des animaux bizarres, des êtres surnaturels, des personnages inquiétants, tout un bestiaire humain digne d'E.A. Poe. Ca se termine dans un vagissement de cloche affolée quand la voix poignante du chanteur, dans d'ultimes soubresauts, nous supplie, nous taraude, nous implore... magistral Words...
Arnaud Mazurel est fascinant sur scène. Il est impossible de détacher ses yeux de lui. Sa présence envahit tout, il donne véritablement corps à chaque morceau. Sa voix se fait douce ou rocailleuse, aiguë ou basse, stridente ou fluette, menaçante ou gouailleuse. La grande force de sa prestation scénique, c'est le contraste violent entre son physique raffiné, fin, élégant, j'ai envie de dire si terriblement féminin, et son énergie brutale et extraordinairement virile. Il vacille sans arrêt entre retenue et explosion. Il simule folie, passion, désespoir, abattement et injecte subrepticement un trouble venin entre charme et répulsion.
J'ose sortir les grands qualificatifs et les comparaisons osées, mais je n'ai pas ressenti de choc aussi violent sur une scène rock depuis Jeff Buckley. Il y a du Jim Morrison dans cet homme de scène. C'est une bombe, un funambule, un extra terrestre, un ange ou un démon qui amplifie les mouvements musicaux joués derrière lui grâce à une interprétation époustouflante. Car il faut rendre grâce également aux musiciens, qui bien qu'effacés par la chose vaguement humaine (ou trop humaine) qui tient le devant de la scène, soutiennent très efficacement la tension dramatique (ou soutiennent dramatiquement l'attention, ça marche aussi...).Les mélodies sont superbes, l'intensité est atteinte à chaque chanson, parfois en crescendo lancinant, parfois en éruption brutale. On ne ressort pas indemne d'un concert des JTR, surtout lorsqu'il a lieu dans un endroit si restreint.
Après leurs prestations, certains membres du groupe sont venus en toute simplicité discuter avec les quelques personnes qui n'arrivaient pas à se détacher du lieu du crime. En toute modestie, ils sont venus recueillir les impressions, récolter les louanges, du moins j'imagine, remercier leur public. Moi, après avoir avalé mon dentier sous le coup de l'émotion, je suis ressortie la perruque de travers, les bas roulés sur les chevilles, les mains moites glissant sur mon sac en sky, la trogne rouge comme une pivoine, luisante comme un ombrilic, de nouvelles rides d'expression creusées le temps d'un soir... et je suis partie comme une voleuse, de peur qu'ils ne me voient dans cet état...
so long, boys !
Critique écrite le 17 octobre 2006 par Nathalie
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